COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL GÉNÉRAL
Cours
écrit par O. CAMY
© Droits de reproduction et de diffusion réservés.
Copyright : bien que l'accès au site soit totalement libre, les données (hors domaine public) demeurent la propriété exclusive de l'auteur. Aucune extraction massive et systématique n'est autorisée. Le format, la version numérique des données, les données elles-mêmes (hors domaine public) sont protégés par les législations nationales et internationales relatives au droit d'auteur, à la propriété intellectuelle.
§ 2 La représentation démocratique
§ 3 La séparation des pouvoirs
§ 4 La protection des libertés
§2 La représentation démocratique
Le droit constitutionnel occidental classique ne connaît et
n'organise que des régimes politiques fondés sur le
principe de représentation démocratique ;
c'est-à-dire des régimes où le peuple (ou la
nation) ne gouvernent pas directement. Ils le font seulement à
travers des institutions politiques ou administratives composées
de représentants élus. En France, ce sont par exemple,
les députés à l'Assemblée Nationale, le
président de la République française pour les
institutions politiques, les conseillers généraux,
municipaux, régionaux pour les institutions administratives.
Les Français au XVIIIe siècle ont largement
contribué à l'élaboration d'une doctrine de la
représentation (notamment grâce à Montesquieu et
Sieyès). Une doctrine qui au moment de la Révolution
n’a presque pas rencontré d’adversaires. Ainsi,
Aulard dans son Histoire politique de la Révolution Française,
Paris, A. Colin, 1901, reéd. 1926, p. 257 rappelle que sous la
Révolution « Tout le monde semble d'accord pour
établir une république représentative.
L'idée que le Peuple pût et dût exercer directement
sa souveraineté ne fut guère formulée, à ma
connaissance, que par un membre de l'assemblée électorale
de Seine et Oise, qui proposa un mandat d'après lequel les
députés « demanderaient que le peuple
exerçât sa souveraineté non par des
délégués, mais par lui-même ». Cette
motion ne fut même pas discutée.
A
Justification
Le passage de la multitude à l’unité, la
constitution d’un corps politique (ou incorporation) permettant
la formation de l’Etat et de tous ses organes peut être
assimilé à un phénomène de
représentation. Quelques uns vont parler au nom de tous.
Entendue de cette façon, la représentation n’est
pas une idée moderne. Elle est connue sous
l’antiquité grecque et romaine. Selon Mommsen, « les
pouvoirs de l’Etat n’exercent pas un droit propre ; ils
exercent tous par représentation les droits du peuple ; le
prince lui-même n’est rien de plus qu’un magistrat
». Elle a été développée dans la
théologie catholique à qui l’on doit cette
idée que l’Etat est une personne collective, morale ;
qu’au final, il n’existe en droit que sa seule
volonté car les représentés n’ont pas de
volonté différente de celle de l’Etat. Ils
n’existent pas juridiquement en tant que membres de l’Etat.
Pourtant le droit constitutionnel classique refuse d’identifier tous les
agents de l’Etat à des représentants. En effet, selon la
théorie moderne de la représentation, ne sont représentants
que ceux qui expriment la volonté du Peuple ou de la Nation, c’est-à-dire
du souverain. C’est le cas ainsi des députés qui expriment
à travers la loi la volonté du souverain. Les autres agents de
l’Etat ne font qu’obéir à cette volonté. Ils
sont passifs. On reconnaît aujourd’hui les représentants au
fait qu’ils sont élus au SU.
Il appartient aux penseurs de Lumières d’avoir
organisé à travers l’idée de mandat
représentatif la représentation moderne du Souverain qui
aboutit à mettre en place un système nouveau de
démocratie représentative. Dans ce type de
démocratie, les citoyens pris individuellement ne sont pas
habilités à gouverner ; ils s'en remettent à des
porte-parole qualifiés s'exprimant au nom du peuple ou de la
nation comme entités collectives. On les appelle
représentants. Les représentants se substituent aux
citoyens pour gouverner. Ces derniers en droit ne sont pas
considérés comme ayant une volonté
différente des représentants et ne peuvent faire pression
sur eux.
Reste à savoir comment justifier que les individus ne gouvernent pas
directement.
a)
Arguments favorables
1. Arguments pratiques (Montesquieu)
- l'impossibilité d'organiser dans les grands États des systèmes
de gouvernement direct (Cf. les exceptions des cantons suisses de Glaris, d'Unterwalden
et d'Appenzell = système des assemblées générales
du peuple, "Landsgemeinde").
- la lourdeur et la complexité des tâches de gouvernement.
Ces caractères les rendent impraticables par le peuple. "Le
grand avantage des représentants, écrit Montesquieu,
c'est qu'ils sont capables de discuter les affaires. Le peuple n'y est
point du tout propre ; ce qui forme un des grands inconvénients
de la démocratie" in l'Esprit des lois Livre XI Chapitre VI.
Pour autant, le peuple peut entrer et doit entrer dans le Gouvernement
pour choisir ses représentants, "ce qui est très à
sa portée. Car, s'il y a peu de gens qui connaissent le
degré de la capacité des hommes, chacun est pourtant
capable de savoir, en général, si celui qu'il choisit est
plus éclairé que la plupart des autres...". Nous ne
pouvons effectuer des tâches de gouvernement ni évaluer
exactement comment ceux qui en sont chargés les maîtrisent
mais nous pouvons au moins juger de la compétence
générale de nos représentants.
Notons que le rejet de la technique du référendum (comme technique
de démocratie directe sans intervention des représentants) par
les pays anglo-saxons est justifié aujourd'hui encore souvent par cet
argument. Il reste que certains Etats américains comme la Californie
les appliquent (référendum, recall)
2. Arguments théoriques (Madison-partisans de la souveraineté nationale)
- facteur de stabilité et de vertu : La démocratie directe est
soumise aux désirs multiples et changeants qui peuvent émaner
du peuple. La représentation introduit de la stabilité, homogénéise
la volonté du peuple et peut même la limiter. Elle permet surtout
aux représentants de faire des lois correspondant à l'intérêt
général ; un intérêt dont les individus ne sont pas
forcément conscients eux-mêmes.
CF Madison The Federalist n°10 "The effect of the first difference
is, on the one hand, to refine and enlarge the public views, by passing them
through the medium of a chosen body of citizens, whose wisdom may best discern
the true interest of their country". Madison préfère la République
entendue comme démocratie représentative à la démocratie
directe.
- compatibilité avec l’idée de Nation : la Nation
au sens moderne n’est pas un être concret. Elle n’a
pas de volonté empirique identifiable. Elle doit donc être
représentée, c’est-à-dire incarnée.
La représentation en droit public diffère sur ce point
avec la représentation en droit privé. Il n’y a pas
ici de représenté qui confie un mandat au
représentant.
b)
Arguments critiques
1 arguments logiques (Rousseau-Sieyès)
La représentation est impossible si l’on veut respecter le
principe de souveraineté démocratique selon Rousseau. Le
peuple sauf à ne plus être souverain ne saurait
céder ou aliéner sa volonté au profit de
délégués parlant en son nom. Autrement il ne
serait plus souverain, il ne serait plus le peuple. La volonté
n’est pas transmissible ; c’est un attribut essentiel,
indétachable de la personnalité du peuple. La seule
solution est une démocratie directe ou indirecte (où les
délégués ou « commissaires »
obéissent à des consignes données par ceux qui les
ont élus).
Il reste que Rousseau maintient une solution représentative par certains
aspects : l'Exécutif est selon sa préférence aristocratique
et la volonté du souverain est comprise comme Volonté générale,
c'est-à-dire comme transcendante.
2 arguments sociologiques (Marxisme)
La représentation est un moyen détourné pour confisquer
la démocratie, notamment au profit des classes dominantes. Les représentants
appartiennent inévitablement à ces classes car il faut pour être
élu avoir des moyens financiers ou encore un bagage culturel. En conséquence,
les classes populaires sont sous représentées et leurs intérêts
sont sacrifiés.
B
Mécanisme juridique
Il repose entièrement sur la mise en place d'un mandat représentatif
: le représentant (un député par exemple en France) va
bénéficier d'un mandat qui a deux caractéristiques. C'est
un mandat :
a) collectif le représentant représente l'ensemble de la Nation
(ou du Peuple) et non pas les individus qui l'ont nommé ou qui l'ont
élu. L'article 7 de la première constitution française
de 1791 précise : "Les représentants nommés dans les
départements ne seront pas les représentants d'un département
particulier mais de la Nation entière".
exemple : un député français élu de la 1e circonscription
de Meurthe et Moselle n'est pas député de cette circonscription
ou encore de la Lorraine : il est député de la Nation française
tout entière.
b) non impératif le représentant est en droit
complètement libre. Il a entière liberté
d'opinion, de parole, de vote (notamment par rapport à ceux qui
ont permis son élection, l'ont élu). Il n'existe aucune
subordination juridique de d'un représentant élu à
ses électeurs. En conséquence, le représentant est
irresponsable. En droit, il n'a pas de comptes à rendre à
ceux qui l'ont désigné. Il ne peut donc être
révoqué. Par exemple, il ne peut démissionner sur
la pression de ceux qui l'ont nommé ou élu ou encore il
ne saurait rédiger une lettre de démission en blanc. cf.
article 27 de la Constitution de la Vème République
(« Tout mandat impératif est nul »).
Illustration: Condorcet : « Mandataire du peuple, je ferai ce que je croirai
le plus conforme à ses intérêts. Il m'a envoyé pour
exposer mes idées, non les siennes ; l'indépendance absolue de
mes opinions est le premier de mes devoirs envers lui ».
C.
Évolution de la représentation
Double évolution :
a)
Renforcement du caractère démocratique :
A l'origine, la représentation n’est pas forcément élue
et ouverte même lorsque le souverain devient le Peuple ou à la
Nation avec les Révolutions américaine et française :
- les représentants qu'ils soient membres d'assemblées ou
chefs de l'Exécutif n'étaient pas tous élus
[exemple : le Roi dans la première constitution
française, celle de 1791, est considéré comme
représentant de la Nation sans avoir été
élu].
- quand ils étaient élus, les représentants l'étaient
souvent au suffrage restreint [exemple : aux États-Unis, le président
en 1787 est élu par des grands électeurs eux-mêmes non élus
pour la plupart au suffrage universel]. Certaines catégories de la population
ne peuvent voter ou ne sont pas éligibles (exclusion des non propriétaires,
des noirs, des femmes aux États-Unis).
Ces solutions vont apparaître de plus en plus comme des anomalies
ou contradictions dans des régimes fondés sur une
souveraineté démocratique. [Nota : les premiers
députés français, membres de l'Assemblé
Nationale prévue par la Constitution de 1791, étaient
élus par les seuls citoyens de sexe masculin et "actifs",
(c'est-à-dire ceux qui paient un impôt au moins
égal à trois journées de travail). Les citoyens
dits "passifs" n'avaient donc pas le droit de vote et n'étaient
pas membres du Souverain. Cette distinction entre citoyens actifs et
passifs qui aujourd'hui nous semble peu démocratique a fait
qualifier la Révolution française de "bourgeoise" par les
commentateurs marxistes. Au-delà de cette critique, il faut se
souvenir des arguments avancés par les révolutionnaires
qui dans leur très grande majorité étaient contre
le suffrage universel au sens moderne (même, semble-t-il,
Robespierre). On voulait donner le droit de vote à ceux qui en
fait pouvaient l'exercer librement parce qu'indépendants
économiquement ; ce qui explique qu'on refuse de donner le droit
de vote notamment aux domestiques, travailleurs journaliers qui
auraient voté sous la pression de leur maître ... et mari].
b)
La nouvelle exigence de représentativité
Aujourd’hui, on admet que les représentants doivent être représentatifs.
Ce qui a été obtenu en France :
- en les faisant élire au suffrage universel direct ou indirect (1848
: suffrage universel masculin, 1944 : suffrage universel féminin - pour
les députés, 1962 : suffrage universel direct pour le chef de
l'État).
- en veillant à ce que les députés soient élus en
gros par le même nombre d'habitants chacun. Aujourd'hui, le Conseil constitutionnel
veille ainsi à ce que le découpage des circonscriptions électorales
soit égalitaire. Il exige une révision de la délimitation
des circonscriptions après chaque recensement général,
de façon à tenir compte des évolutions de la population.
[Voir les décisions 86-108 DC et 86-218 DC "Découpage électoral"]
- en faisant en sorte que les assemblées soient sociologiquement plus
proches du corps électoral qui les a élues (selon différents
critères : socio-économique, genre, etc.). Ainsi la révision
constitutionnelle de juillet 1999 a tenté d’augmenter le nombre
des femmes en favorisant une parité. Cf. Art. 3 nouvel alinéa
5 : « La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes
aux mandats électoraux et fonctions électives » et Art.
4 Nouvel alinéa 5 : Les partis et groupements politiques « contribuent
à la mise en œuvre du principe énoncé au dernier alinéa
de l'article 3 dans les conditions déterminées par la loi ».
Cette révision a largement échoué car les partis politiques
préfèrent payer des amendes plutôt que de présenter
des candidatures féminines plus nombreuses.
- en permettant que la représentation au plan parlementaire,
régional, communal ne soit pas seulement nationale. Cela suppose
qu’on ouvre le droit de vote et d’éligibilité
aux résidents étrangers.Nota : Les étrangers
résidants appartenant à des pays de l’Union ont
déjà obtenu un tel droit pour les élections
municipales (Article 88-3 de la Constitution) à la suite du
traité de Maastricht. Il en est question maintenant pour les
étrangers non ressortissants de l’Union européenne
toujours pour ce qui concerne les élections municipales. Une
proposition de loi allant dans cette direction a été
adoptée par l’Assemblée nationale le 4 mai 2000.
Mais le gouvernement a refusé de poursuivre la procédure
devant le Sénat. Les hésitations viennent notamment du
problème de la séparation entre citoyenneté et
nationalité.
D La « crise » de la représentation :
Plusieurs symptômes au moins peuvent être identifiés :
a) La prise en compte des intérêts particuliers :
À l'origine, les représentants n'étaient censés
n’exprimer ou n’incarner que l'intérêt général.
Progressivement, de façon ouverte ou insidieuse, on a admis qu'ils puissent
prendre en compte des intérêts particuliers.
1. De façon ouverte
La Révolution française avait, par la loi Le Chapelier,
supprimé les corporations, c'est-à-dire les organismes
représentant les intérêts professionnels. On
voulait, à l'époque, que seuls les citoyens s'expriment
en désignant des députés animés par la
recherche du seul intérêt général. Mais,
à partir du 19ème siècle, on a admis que des
intérêts particuliers de type économique et social
puissent s’organiser et être entendus. Pour la France,
légalisation des syndicats (1884) et des associations (1901).
Aujourd'hui, ces intérêts particuliers sont tout à
fait reconnus et peuvent être représentés par des
organismes spécifiques aux niveaux politique et administratif.
Mais normalement, ces organismes ont un rôle réduit par
rapport aux organes qui incarnent l'intérêt
général (Assemblée Nationale, Sénat). Ils
ne sauraient par exemple légiférer. Ainsi, au niveau
politique et administratif, ils n’ont, en droit, qu’un
rôle consultatif (voire un rôle de participation à
la gestion des activités administratives). Mais, en fait,
syndicats, associations tendent à devenir des partenaires des
autorités élues, participant à la
définition des politiques publiques (idée de cogestion).
Jusqu’où ?Exemple : la Constitution de 1958 a
créé un Conseil Économique et Social
succédant au Conseil Économique de la Constitution de
1946 ; (il comprend aujourd'hui 230 membres dont des
représentants des intérêts économiques : 69
représentants des salariés, 72 représentants des
entreprises, des intérêts sociaux etc.). Son rôle
est précisé par les articles 69 et 70 : Art 69 : "Le
Conseil économique et social, saisi par le Gouvernement, donne
son avis sur les projets de lois, d'ordonnances ou de décrets
ainsi que sur les propositions de loi qui lui sont soumis". Art 70 :
"Le Conseil économique et social peut être
également consulté par le Gouvernement sur tout
problème de caractère économique et social..."]
Exemple : certains organismes publics crées par l'État
comme les chambres professionnelles (gérées par des
conseils élus par les professionnels œuvrant aux
intérêts communs ex-: Chambres de Commerce et d'industrie)
ou des organismes à la fois publics et privés comme les
ordres professionnels (organisant certaines professions
libérales et précisant leur déontologie).NOTA les
régimes démocratiques privilégient toujours la
représentation classique qui incarne l'intérêt
général par opposition aux régimes autoritaires
(fascistes, Vichy en France) . Ces derniers ont
privilégié la représentation corporatiste par
rapport à la représentation démocratique quand ils
n'ont pas remplacé l'une par l'autre.
2
de façon insidieuse
C’est l'intervention dans le fonctionnement même des institutions
politiques élues (défendant en principe l'intérêt
général) d’organismes défendant des intérêts
particuliers de type économique, politique, social. Il s’agit des
groupes de pression (ou lobbies), des syndicats et partis politiques qui cherchent
à avoir une influence sur les représentants au risque de menacer
leur liberté d'expression. Dès lors le risque est que les représentants
agissent sans le dire selon un mandat impératif.
Exemple : en France, les partis politiques selon l'article 4 de la
Constitution française de 1958 devraient seulement "concourir
à l'expression du suffrage". En fait, ils font bien plus. Ils
sont conduits à établir des programmes électoraux,
à investir des candidats et à financer leur campagne ou
encore à les encadrer lorsqu'ils sont élus... etc. ;
mais, par ce biais, les partis politiques influencent sinon
déterminent largement les positions de nos représentants.
Par exemple, à l'Assemblée Nationale ou au Sénat,
les élus sont prisonniers pour la plupart d'une discipline de
vote partisane. Ils votent en fonction des consignes données par
les chefs des groupes parlementaires, émanations de partis
politiques. Du coup, le mandat représentatif de nos
députés et sénateurs devient en grande partie
théorique.
b)
La désaffection vis-à-vis de la représentation :
Elle se manifeste notamment par :
- des taux d’abstention de plus en plus élevés dans Europe
ou en Amérique au 20ème siècle
(cf. en France : élection
présidentielle 2002 1er tour : 28,4% contre 15,2 % en 1965 1er tour//
élections législatives 1er tour 2002, 35,6% contre 22,8% en 1958
; la forte participation à l'élection présidentielle de
2007 et 2012 contredit apparemment cette évolution sauf à considérer
que le style assez populiste de certains candidats, une médiatisation
inégalée ont pu provoquer cette anomalie).
- le succès de partis populistes ou nationalistes en Europe qui critiquent
violemment le système actuel de représentation
- le goût pour des techniques de démocratie directe (référendum,
droit de pétition, recall…) qui sont censées corriger les
excès du gouvernement représentatif (élitisme, non prise
en compte de l’opinion publique).
c)
La confusion entre le souverain et la société « réelle
» :
Cette confusion est née d’une radicalisation de
l’exigence de représentativité. Les
représentants devraient parler au non d’un souverain
identifié à la société civile ou encore les
assemblées devraient refléter fidèlement la
composition du corps électoral qui les a élues. On
aboutit à cette idée utopique que la
représentation doit être « une photographie »
du corps social. Une idée qui finalement tend à
contredire le principe de souveraineté nationale, la recherche
d’un intérêt général qui transcende
les différences d’origine et le nature anarchique de la
démocratie.
Exemple : la parité sociale, ethnique, religieuse est de plus en plus
revendiquée. Mais cet objectif pose deux types de problèmes.
1) Le but originel de la représentation était de favoriser la
formation, l’expression de l’intérêt général
et non de refléter la composition de la société ou d’exprimer
la volonté de ses différentes composantes politiques, sociales,
ethniques, etc... La recherche de la parité si sa logique est poussée
jusqu’au bout contredit la représentation. En effet, une Assemblée
composée à l’image de la société « réelle
» risque de devenir une réunion de mandataires d’intérêts
particuliers.
2) La parité peut conduire à l’introduction de
procédures portant atteinte au principe
d’égalité. Des citoyens, indépendamment de
leurs mérites et de leur réelle conviction
(critère subjectif), auront un poste de représentant en
fonction de leur sexe, de leur origine ethnique (critère
objectif). C’est contraire à l’art. 6 de la
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Le
Conseil constitutionnel l’a rappelé lui-même dans
une décision du 18 novembre 1982.
E)
Critique de la notion de représentation.
La représentation est comprise le plus souvent comme une
innovation technique introduite dans la transformation moderne du
régime démocratique. De ce point de vue, elle pourrait
être "dépassée" notamment en ayant recours à
des mécanismes originaux visant à permettre une
expression directe des peuples ou à éviter certaines
dérives oligarchiques ou populistes des représentants
(Cf. par exemple le modèle de pensée "postmoderne").
Mais la représentation correspond à une
nécessité fonctionnelle de la démocratie
liée à l'impossibilité pour le Souverain d'exister
comme être réel ou empirique. Reconnaître cette
nécessité ne signifie pas renoncer à promouvoir
une démocratisation accrue de la représentation. Les
réformes possibles sont connues :
- mandats électoraux courts, non cumulables et renouvelables
- interdiction aux fonctionnaires d'être représentants
- contrôle de l'ingérence des puissances économiques dans
les processus électoraux (Cf. J. Rancière, La haine de la démocratie,
La fabrique, 2005).
Il reste que la représentation est aujourd'hui
concurrencée par le triomphe du "spectaculaire intégral"
(Debord, Baudrillard) qui la délégitime comme moyen
d'expression privilégié du Souverain sauf à
utiliser elle-même les techniques de la société du
spectacle. Cela est sans remède à l'heure actuelle...