COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL GÉNÉRAL


Cours écrit par O. CAMY
© Droits de reproduction et de diffusion réservés.

Copyright :bien que l'accès au site soit totalement libre, les données (hors domaine public) demeurent la propriété exclusive de l'auteur. Aucune extraction massive et systématique n'est autorisée. Le format, la version numérique des données, les données elles-mêmes (hors domaine public)  sont protégés par les législations nationales et internationales relatives au droit d'auteur, à la propriété intellectuelle.


Plan détaillé du cours

Sommaire du cours sur la Ve République





Section 2 : description des institutions de la Vème République

Cette description qui concerne l'Exécutif, le Législatif et le Judiciaire ne tiendra compte dans un premier temps que des normes constitutionnelles telles qu'elles ont été posées et interprétées par le Constituant. L'application de la Constitution qui a pu donner naissance à des usages politiques [ou conventions de la Constitution] créatrices d'interprétations originales ou aboutissant au sous-emploi de certaines normes constitutionnelles ne sera étudiée que dans un deuxième temps.


§1 L'Exécutif
Selon la Constitution, l'Exécutif de la Vème République se présente comme un Exécutif bicéphale  et dyarchique.
- bicéphale : car bien sûr, il comprend deux têtes, le Chef de l'État et le Premier ministre.
- dyarchique : car le pouvoir décisionnel suprême est partagé. Le Chef de l'État, fort de sa légitimité, s'occupe en principe de "l'essentiel" selon l'expression de G.  Pompidou,  soit tout ce qui concerne son rôle d'arbitre  qui peut interférer avec la fonction gouvernementale (notamment dans le domaine extérieur). De son côté, le Premier ministre, chef du gouvernement a un pouvoir de décision surtout pour ce qui concerne la politique intérieure, décidée à CT, presque quotidiennement.
Le cadre étant esquissé, nous pouvons maintenant décrire dans un premier temps le statut et les compétences du Président de la République.


A STATUT ET COMPETENCES DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
a) Statut
b) Compétences

B STATUT ET COMPETENCES DU GOUVERNEMENT
a) Statut
b) Compétences

C LA PRATIQUE CONSTITUTIONNELLE



 
 

STATUT ET COMPETENCES DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
a) Statut

 

Conformément aux idées du général de Gaulle, le Président de la République n'a pas le statut habituel des chefs d'État en régime parlementaire (comme aujourd'hui en Allemagne ou en Italie). En effet, le Président a le privilège d'être élu par la population et non par le Parlement. Cette différence essentielle fait de lui un véritable "représentant de la Nation" ; ce qui conforte son autorité au sein de l'Exécutif. Cependant, malgré cette autorité nouvelle le Président reste comme sous les IIIe et IVe républiques, irresponsable politiquement devant le Parlement.

1 l'élection du Président au suffrage universel

Selon l'article 6 de la Constitution, le Président est élu pour 5 ans au suffrage universel direct.

-------- origine : dès 1958, il est prévu que le Président ne sera pas élu par le Parlement. C'est la conséquence de la volonté du général de Gaulle de voir le Président s'élever au dessus des autres pouvoirs constitutionnels, des partis politiques. Déjà en 1946, dans le discours de Bayeux, il avait affirmé que le chef de l'État serait "placé au-dessus des partis, élu par un collège qui englobe le Parlement, mais beaucoup plus large et composé de manière à faire de lui le Président de l'Union Française en même temps que celui de la République".
Dans un premier temps, c'est seulement un collège électoral élargi de 80000 personnes qui va désigner le Président. On a transposé sur le plan national les collèges électoraux des sénateurs dans les départements .
Sa composition : des parlementaires (plus de 800), des conseillers généraux (plus de 3000), les maires des 38000 communes de France auxquels s'adjoignent, en nombre variable selon l'importance de la population des communes, des conseillers municipaux et des délégués des conseils municipaux. Du coup, les parlementaires ne représentent plus qu'1% du nouveau collège électoral. Le Président ne procède donc plus du Parlement.
Son"défaut" : le Président n'a pas autant de légitimité que le Parlement car ce dernier est élu au suffrage universel direct. Ce défaut sera corrigé en 1962. Pourquoi seulement en 1962 ? Dans ses Mémoires d'espoir, tII, le G. de Gaulle dira ne pas avoir voulu "tout faire à la fois" et avoir voulu tenir compte "des préventions passionnées que, depuis Louis-Napoléon, l'idée de plébiscite soulevait dans maints secteurs de la population ".
Historique :
En octobre 1962, le général de Gaulle propose qu'à l'occasion d'un référendum sur la base de l'art 11 la Constitution soit révisée. Le Président qui a lié son sort au projet de révision veut être élu au suffrage universel direct comme les Députés et les Sénateurs. L'opposition qui conteste à la fois l'opportunité du projet et la validité de la procédure employée s'insurge :
- concernant l'opportunité : l'opposition fait part de ses craintes que le Président en étant élu au suffrage universel direct passe du statut d'arbitre à celui de véritable chef du Gouvernement.
- concernant la procédure: elle reproche au Président de n'avoir pas utilisé l'art 89, seule procédure utilisable pour réviser la Constitution et qui permet au Parlement de d'avoir un veto. M. G. Monnerville, président du Sénat parlera de "Violation délibérée, voulue, réfléchie, outrageante de la Constitution... arbitraire... forfaiture  du Premier ministre". M. P. Reynaud dans un discours rédigé comme une décision de justice déclare : "Considérant qu'en écartant le vote par les deux Chambres le Président de la République viole la Constitution dont il est le gardien ; Considérant qu'il ouvre une brèche par laquelle un aventurier pourrait passer, un jour, pour renverser la République et supprimer les libertés ; considérant que le Président de la République n'a pu agir que sur la proposition du Gouvernement ; "Censure le Gouvernement, conformément à l'article 40, alinéa 3, de la Constitution".
A la suite d'un vif débat au Parlement, l'opposition fait tomber le Gouvernement Pompidou le 5 octobre 1962 (grâce au vote à la majorité absolue d'une motion de censure). Presque tous les députés non UNR (à l'exclusion de 27) sont venus voter la censure. Les parlementaires ont le sentiment qu'ils auront la majorité de l'opinion publique pour eux, en situant la bataille sur le terrain de la violation de la Constitution.
Mais le 28 octobre, le peuple préfère suivre le général de Gaulle sans doute en raison de son rejet de la IVème République et par reconnaissance pour les avoir délivrés de l'affaire algérienne. La controverse juridique ne l'intéresse sans doute pas. Il vote oui au référendum à une majorité de 62% des suffrages exprimés. Dans la foulée, des élections ont lieu à la suite de la dissolution de l'Assemblée Nationale. Et les français confirment leur vote du référendum en élisant les 18 et 25 novembre 1962 une majorité de députés favorable aux idées du général de Gaulle. L'UNR obtient près de 32% des suffrages exprimés dès le premier tour, ce que n'avait jamais atteint aucun parti depuis la Libération.

-------------- la procédure depuis 1962 :
Ne peuvent être candidats que des personnes de nationalité française, ayant au moins 23 ans, une "dignité morale" et parrainées. Selon une loi du 18 juin 1976, les candidats doivent présenter au Conseil constitutionnel au moins 500 signatures de personnes titulaires à un moment électif provenant d'au moins 30 départements.
La campagne officielle est de 15 jours pour le 1er tour comme le second. Les candidats disposent à égalité de l'accès aux moyens audiovisuels officiels. Le CSA contrôle si cette égalité est respectée. Le mode de scrutin est le scrutin majoritaire à 2 tours avec une circonscription unique.
Le Président de la République selon l'article 7 al. 1 est élu "à la majorité absolue des suffrages exprimés". Au cas où aucun candidat n'obtient cette majorité au premier tour, est organisé un second tour. Ne peuvent que s'y présenter que les deux candidats qui "après le retrait de candidats plus favorisés, se trouvent avoir recueilli le plus grand nombre de suffrages exprimés au premier tour". Supposons qu'il y ait 4 candidats A, B, C, D, arrivés dans cet ordre au premier tour. Ne peuvent se représenter au second tout que A et B. Mais si B s'estime mal placé pour recueillir les suffrages des autres, il peut se retirer et dans ce cas ce seront A et C qui seront candidats au second tour. A l'issue de ce second tour, le candidat arrivé en tête l'emporte (nota: rien n'est prévu en cas de partage de voix).
Conséquences de cette procédure: le mode de scrutin choisi doit créer une logique de rassemblement au profit d'un candidat qui aura su se démarquer du parti dont il est membre ou qui l'a présenté. Les partis politiques sont eux-mêmes obligés de se rassembler pour favoriser le succès du candidat dont ils se sentent le plus proche. Cela a effectivement favorisé jusqu'ici l'apparition d'un phénomène dit de "bipolarisation" : soit l'apparition de 2 blocs, droite, gauche unis pour des raisons électorales. Cette bipolarisation peut conditionner, influencer les résultats de l'élection législative ; ce qui aide évidemment à la formation de majorités stables et homogènes au Parlement et favorise la stabilité gouvernementale.

 

DOSSIER SPECIAL SUR l'ELECTION PRESIDENTIELLE DE 2002.

2 l'irresponsabilité politique du Président.
C'est la deuxième caractéristique importante du statut du Président de la République. L'article 68 pose le principe de l'irresponsabilité politique du Président. Ce principe signifie que la responsabilité du Président ne peut être mise en cause au plan politique par le Parlement pour tout acte entrant dans ses fonctions. Cela n'exclut pas que la responsabilité du Président puisse être mise en cause au plan pénal pour "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat" par le Parlement constitué en Haute Cour de justice selon l'article 68 modifié en février 2007.
Il est à noter que si le président venait à démissionner (comme l'a fait de Gaulle en 1969), cela ne revient en aucun cas à une remise en cause de l'irresponsabilité politique de l'art. 68. En effet, cette démission n'est pas une démission forcée ou obligatoire juridiquement. Le président est libre en droit de démissionner ou non en cas d'échec à un référendum ou d'une dissolution.

a. Le principe de l'irresponsabilité politique du chef de l'État.
Cette irresponsabilité se justifie en régime parlementaire moniste par le fait que dans ce type de régime, le Président de la République n'est pas le chef de l'Exécutif et est privé de compétences gouvernementales. Ainsi, sous les III et IVèmes Républiques qui étaient des régimes parlementaires monistes, le Président était effectivement irresponsable politiquement. (Application de l'adage, le Président ne pouvant rien faire, il ne pouvait mal faire).
Sous la Vème République qui donne au Président des pouvoirs essentiels, il peut sembler que cette justification n'a plus lieu d'être. Mais en réalité, elle se justifie de la même façon.
1 le Président en droit n'a qu'une fonction arbitrale : il doit "assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs publics" ainsi que la continuité de l'État. Il est normal que l'arbitre ne puisse être mis en cause ou être révoqué par les joueurs. Si le Président pouvait être renversé par le Parlement, il perdrait son indépendance.
2 la mise en place d'une responsabilité politique du Président identique à celle du Premier ministre et du Gouvernement feraient encourir à l'Exécutif un risque grave d'instabilité. On pourrait aboutir à une double responsabilité.
Certains auteurs estiment cependant qu'il existe un "paradoxe de l'irresponsabilité politique du Président", compte tenu de l'extension que connaît le pouvoir présidentiel en période majoritaire.

b.La responsabilité au plan pénal :

Avant la révision de février 2007 :

La situation était complexe, sinon ambigue. Il convenait de distinguer la responsabilité :
- pour une activité entrant dans le cadre de ses fonctions :

Selon l'article 68 dans sa rédaction de 1958, la responsabilité du Président pouvait être alors engagée par le Parlement dans le seul cas de Haute Trahison. Il faut préciser ici que la Constitution ne définissait pas la Haute Trahison, ni d'ailleurs les sanctions que pouvait encourir le Président de la République. Il en est de même pour le Code Pénal. De plus, comme la procédure de l'article 68 n'avait jamais été utilisée depuis 1958, on ne pouvait préjuger de l'interprétation future du Parlement. On pouvait cependant estimer que le Parlement aurait pu invoquer un motif comme le non respect par le Président de ses obligations fixées par l'article 5 ou la violation manifeste d'autres articles de la Constitution.

Cette relative liberté du parlement, le fait que le Code pénal ne connaît pas la qualification de « haute trahison » pouvaient faire douter de la qualification de « responsabilité pénale ». Mais la procédure utilisée (personnalisation de l'infraction, recours à un Ministère public, à une Haute cour de justice) confirmait cette qualification. Précisons que le Ministère Public près la Haute Cour de Justice (composée de 24 membres : 12 députés et 12 sénateurs élus par chacune des chambres)était confié au Procureur général de la Cour de Cassation assisté de 2 avocats Généraux.

- pour une activité n'entrant pas dans le cadre des ses fonctions :
L'article 68 ne faisait référence qu'à l'activité du président dans le cadre de ses fonctions ; on pouvait donc penser que les actes délictueux du président commis hors ses fonctions donnaient lieu à une responsabilité pénale appréciée par le juge ordinaire dans les conditions du droit commun. Ce cas a constitué pnedant longtemps une hypothèse d'école. Mais la mise en cause du président Chirac dans des affaires en cours d'instruction concernant la Ville de Paris a été à l'origine d'une controverse qui touche à l'interprétation de l'article 68 de la Constitution. A l'occasion d'une décision relative à la Cour pénale internationale du 22 janvier 1999, le Conseil constitutionnel a  estimé que le président était soumis à un régime dérogatoire du droit commun. Pour les actes délictueux extérieurs à sa fonction, il ne pouvait donc être mis en cause  par le juge ordinaire pendant la durée de ses fonctions mais devait être accusé par les Assemblées (comme pour la haute trahison). Cela impliquait que ce même juge devait attendre que le président quitte l'Elysée... Le président relevait cependant du droit commun pour ce qui concerne sa responsabilité civile. La plupart des commentateurs avaient admis jusqu'en 1992 que le président au titre de simple particulier pouvait être traduit devant ces tribunaux sans condition. L'absence de motivation des considérants de la décision du Conseil constitutionnel (risque d'atteinte à la séparation des pouvoirs ? à la fonction du chef d'Etat ?) a pu faire douter de la pertinence (sinon l'objectivité) de ce point de vue. Pour sortir du flou, il semble nécessaire d'organiser une « inviolabilité présidentielle » sur le modèle de l'inviolabilité parlementaire.

Après la révision de février 2007 :

Une loi constitutionnelle n° 2007-238 du 23 février 2007 portant modification du titre IX de la Constitution concernant le statut pénal du chef de l'Etat a confirmé l'immunité temporaire du chef de l'Etat et instauré une procédure de destitution plus réaliste mais floue fondée sur le motif de "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat".
Voici les nouveaux articles 67 et 68 :

 

Article 67 :
Le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité, sous réserve des dispositions des articles 53-2 et 68.
Il ne peut, durant son mandat et devant aucune juridiction ou autorité administrative française, être requis de témoigner non plus que faire l'objet d'une action, d'un acte d'information, d'instruction ou de poursuite. Tout délai de prescription ou de forclusion est suspendu.
Les instances et procédures auxquelles il est ainsi fait obstacle peuvent être reprises ou engagées contre lui à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la cessation des fonctions.

Article 68 :
Le Président de la République ne peut être destitué qu'en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat. La destitution est prononcée par le Parlement constitué en Haute Cour.
La proposition de réunion de la Haute Cour adoptée par une des assemblées du Parlement est aussitôt transmise à l'autre qui se prononce dans les quinze jours.
La Haute Cour est présidée par le président de l'Assemblée nationale. Elle statue dans un délai d'un mois, à bulletins secrets, sur la destitution. Sa décision est d'effet immédiat.
Les décisions prises en application du présent article le sont à la majorité des deux tiers des membres composant l'assemblée concernée ou la Haute Cour. Toute délégation de vote est interdite. Seuls sont recensés les votes favorables à la proposition de réunion de la Haute Cour ou à la destitution.
Une loi organique fixe les conditions d'application du présent article.

Commentaire critique : une fois encore, on oublie que le Président a deux corps : le corps mystique du chef de l'Etat mais aussi son corps naturel de simple citoyen relevant des lois et de la justice ordinaire pour ses activités non liées à sa fonction. Son immunité est justifiée dans ce dernier cas. Apparaît simplement un nouveau motif de destitution plus large et très flou : "le manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat" ; un motif de plus contraire à l'esprit du régime. En effet, le Président devient responsable devant le Parlement en vertu d'une procédure qui peut être utilisée pour des motifs politiques.

Voir le dossier du Nouvel Obs et l'article du Monde :

Les députés débattent des conditions de destitution du chef de l'Etat
LE MONDE | 16.01.07 | 12h47

Il aura fallu attendre la fin de la législature et du quinquennat de Jacques Chirac pour que soit inscrite à l'ordre du jour du Parlement la révision du titre IX de la Constitution concernant le régime de la responsabilité du président de la République. Le projet de réforme constitutionnelle examiné, mardi 16 janvier, à l'Assemblée nationale, y a pourtant été enregistré le 3 juillet 2003. Mais la décision de le mettre en discussion fut plus difficile à prendre que l'engagement formel énoncé au printemps 2002 par M. Chirac, alors en campagne pour un deuxième mandat présidentiel.
Les propositions de la commission Avril, installée par M. Chirac après sa réélection, dont s'inspire la réforme, se heurtent aujourd'hui à de nombreux griefs. Le projet de loi doit rendre incontestable sur le plan juridique l'inviolabilité pénale dont bénéficie le chef de l'Etat dans l'exercice de ses fonctions. Mais il ouvre une hypothèque sur sa responsabilité politique, dont le Parlement deviendrait le juge. Une procédure de destitution est créée. L'initiative peut être prise indifféremment par l'une ou l'autre des deux assemblées. Pour être acceptée, elle nécessite une majorité simple du Parlement réuni en Haute Cour.
Paradoxalement, le premier à s'alarmer des conséquences de ce texte voulu par M. Chirac fut un de ses plus fidèles confidents : Jean-Louis Debré. Dans une note écrite - fait rarissime - adressée en juillet 2003 au président de la République, le président de l'Assemblée nationale mettait en garde ce dernier sur les risques de "déstabilisation des équilibres institutionnels" que cette nouvelle procédure pouvait entraîner. Il s'inquiétait du "vague" de la définition du "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat" susceptible de motiver la mise en oeuvre de la procédure de destitution du chef de l'Etat. Au regard des objections que soulevait, selon lui, cette réforme, il conjurait M. Chirac de ne pas faire dépendre la décision de la Haute Cour d'une majorité simple.
A gauche comme à droite, pourtant, si ces interrogations sont partagées, la réforme du statut pénal du chef de l'Etat est majoritairement perçue comme une nécessaire clarification, répondant à un besoin de transparence. Dans l'état actuel de la Constitution, "le président de la République n'est responsable des actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions qu'en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composant ; il est jugé par la Haute Cour de justice".
DÉLAI DE PRESCRIPTION SUSPENDU
Le point de départ de la révision remonte à l'évocation du nom de M. Chirac dans l'affaire des marchés publics de la Ville de Paris. Malgré des interprétations distinctes de cet article 68 de la Constitution, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 22 janvier 1999, et la Cour de cassation, saisie sur l'ordonnance d'incompétence rendue par les juges instruisant cette affaire, ont conclu à l'impossibilité d'entendre le président de la République devant une juridiction de droit commun.
C'est cette immunité juridictionnelle que consacre le projet de loi, en l'assortissant de deux contreparties majeures : la suspension de tous les délais de prescription et de forclusion, garantissant la possibilité de reprise de l'action judiciaire à l'issue du mandat présidentiel ; la suppression de la Haute Cour de justice au profit d'une procédure de destitution.
Après avoir longtemps tergiversé, l'Elysée a cependant souhaité qu'à la majorité simple initialement prévue pour sa mise en oeuvre se substitue une majorité qualifiée. Un premier amendement accepté en commission des lois fixait celle-ci aux trois cinquièmes des membres des deux assemblées. L'UMP et le PS devaient conjointement déposer un nouveau correctif pour la porter aux deux tiers. Il sera également précisé que le vote doit être personnel. Enfin, le président de la République ne serait pas contraint de confier l'intérim de ses fonctions au président du Sénat entre le déclenchement et le vote définitif, comme cela est prévu dans le projet de loi.
Sous ces conditions, et malgré les réserves exprimées de tous bords, le projet de loi devrait être adopté.
Patrick Roger

 


3 Dernière caractéristique importante du statut présidentiel : le mandat de 5 ans.
Selon l'article 6 réformé en 2000, le Chef de l'État est élu pour 5 ans. Il est rééligible immédiatement et indéfiniment. Auparavant le président était élu pour 7 ans.

Le septennat avait été mis en place la première fois sous la IIIe République pour des raisons conjoncturelles (faire durer la présidence de Mac-Mahon et ainsi donner du temps aux royalistes). Sous la Ve République, il avait une cause structurelle. Il s'agissait de rendre le Président indépendant à l'égard de toute majorité parlementaire. Le Président ne pouvait être associé, identifié à un gouvernement. En bref, sa neutralité et son rôle d'arbitre étaient préservés.La prise en considération de cette cause structurelle explique sans doute  pourquoi ce mandat si souvent remis en cause n'avait jamais été réformé jusqu'en 2002. Rappelons que G. Pompidou avait proposé en octobre 1973 une révision instaurant le quinquennat ; révision qui avait été adoptée par les 2 Chambres mais la procédure n'avait pas été poursuivie. Valéry Giscard D'Estaing en 1974 (puis à nouveau en 1994) s'était montré favorable à un raccourcissement du mandat. En 1981, dans une des 110 propositions, F. Mitterrand s'était prononcé pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois ou de 7 ans non renouvelable. A la fin de son second mandat, il avait proposé une durée de 6 ans mais n'avait rien entrepris.

La réduction du mandat à 5 ans semble avoir trouvé un consensus en sa faveur. Le projet n'a pas soulevé de véritable débat. On a ignoré semble-t-il cette cause structurelle qui justifiait le mandat de 7 ans au risque de mettre en péril le rôle présidentiel et le régime lui-même. Pas étonnant si maintenant les projets de réformer le régime fleurissent...
 

© Cours d'O.CAMY. Droits de reproduction et de diffusion réservés.