COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL GÉNÉRAL
Cours
écrit par O. CAMY
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Sommaire du cours sur la Ve République
COMPETENCES DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
COMPETENCES DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
(mise à jour : avril
2009)
Là encore, la Constitution de 1958 innove en attribuant pour la première
fois au Président des compétences essentielles qu'il peut utiliser
sans le contreseing ou la signature des ministres : on parle de "pouvoirs
propres". Expression trompeuse car les pouvoirs en question ne peuvent
tous être exercés par le président lui-même, de son
propre mouvement. Ils ne sont pas nécessairement discrétionnaires.
Certains d'entre eux sont subordonnés à la proposition dune
autre autorité pour les utiliser. Il est ainsi du recours au référendum
ordinaire (art. 11) soumis à proposition du gouvernement ou du Parlement
(soit les deux Chambres, soit 1/5 des membres avec le soutien d'1/10 des électeurs).
Ces pouvoirs propres permettent au président d'assurer sa fonction d'arbitre
décrite à l'article 5 : « Le président de la République
veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement
régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'Etat.
Il est le garant de l'indépendance nationale, de l'intégrité
du territoire et du respect des traités ».
En dehors de ses pouvoirs propres, le Président conserve, à l'image
d'un Chef d'État de régime parlementaire classique, des pouvoirs
dits "partagés". Ces pouvoirs sont partagés avec le
Gouvernement. En d'autres termes, le Président doit les utiliser avec
l'accord des ministres concernés. Cela suppose en principe une négociation
et un accord qui est formalisé par le contreseing ministériel
; c'est-à-dire par la signature apposée par le ministre concerné
sur l'acte. Ce contreseing rend le ministre signataire responsable de l'acte
présidentiel devant le Parlement. Sous les III et IVème républiques,
tous les pouvoirs du Chef de l'État étaient partagés.
Revenons aux pouvoirs propres qui manifestent toute l'originalité du
système de la Vème Républiue (même s'ils ne sont
pas à l'origine de la dérive dite "présidentialiste"
du régime).
a1 LES POUVOIRS PROPRES
Leur liste détaillée se trouve dans l'article 19 de la Constitution.
Ils concernent :
- le Gouvernement : article 8-1
- le Parlement : articles 12, 18.
- le Conseil constitutionnel : articles 54, 56, 61.
- la Nation : articles 11, 16.
Ces armes permettent au président d'agir tous azimut en direction du
Gouvernement, du Parlement, du Conseil constitutionnel et du peuple et ainsi
le conduisent à surplomber tous les pouvoirs publics. Il ne faudrait
pas cependant surestimer leur importance comme le prouvent leurs caractéristiques.
Elles sont :
- « dissuasives ». En effet, elles sont censées faire tellement
peur qu'elles doivent produire des effets sans être utilisées ou
rarement. La dissolution est plus utile parfois si elle reste à l'état
de menace que si elle est utilisée. Mais dès lors que ces armes
ont été utilisées, voire mal utilisées alors leur
effet dissuasif risque de diminuer.
- « discontinues ». Les pouvoirs propres ne peuvent être exercés
quotidiennement, à intervalles rapprochés. Pour certains l'espacement
est réglé par la Constitution : 9 ans entre deux nominations au
Conseil constitutionnel, plus d'un an entre deux dissolutions. Les circonstances
justifiant l'utilisation de l'art. 16 sont très rarement réunies.
---------- par rapport
au Gouvernement:
- art. 8 al. 1: "Le Président de la République nomme le Premier
ministre. Il met fin à ses fonctions sur la présentation par celui-ci
de la démission du Gouvernement.
À la différence de ce qui se passait sous le précédents
régimes, le Président a logiquement un pouvoir de nomination qui
n'est pas formel. La nomination ici implique que le chef de l'État choisisse
réellement le Premier ministre. Le Parlement et surtout les partis politiques
représentés en son sein ne peuvent plus avoir la réalité
du choix. Il est révélateur que l'article 8 ne mentionne plus
"les consultations d'usage" (auprès des présidents des
groupes parlementaires) que le Président de la République devait
faire selon la Constitution de 1946. Il ne s'agit pas d'une nomination en vertu
d'influences extérieures ou encore à la suite d'un vote parlementaire
d'une majorité déterminée : il s'agit d'un choix du Chef
de l'État qui se fait après avoir discuté avec le Premier
ministre pressenti. Cela n'exclut évidemment pas que le chef d'Etat tienne
compte de l'avis des partis politiques ou de l'opinion.
On a ici une preuve du caractère orléaniste du régime par
opposition aux régimes parlementaires monistes contemporains dont les
constitutions prévoient toujours l'intervention des partis ou au moins
la consultation des groupes parlementaires (Cf. Constitution espagnole, art.99,
grecque, art. 37).
Cette nomination vaut investiture car le Premier ministre peut immédiatement
gouverner. Il n'a pas besoin d'attendre que le Parlement vote la question de
confiance ; ce qui est confirmé par le fait qu'aucun délai impératif
n'a été fixé par la Constitution (article 49-1). La question
de confiance interviendra quand le Premier ministre le voudra. Entre temps,
il aura pu commencer à gouverner ...
Toujours par opposition avec les III et IVème Républiques, l'acte
présidentiel de nomination est discrétionnaire. Il n'est soumis
ni à l'obtention de certaines autorisations, ni à la survenue
de certaines situations politiques. Le Président a le choix du moment
et de la personne. Même le vote d'une motion de censure ne conditionne
pas le choix du Président. Il peut maintenir en fonction le Premier ministre
sortant (après sa démission).
Quant au changement de Premier ministre, selon la lettre et l'esprit de l'article
8-2, il ne semble pas qu'il puisse être provoqué par le Chef de
l'État. Le Premier ministre s'en va parce qu'il démissionne :
soit spontanément, soit à la suite d'une motion de censure. Dans
le premier cas, il est libre juridiquement de partir quand il le souhaite. Il
n'y a donc pas en droit de révocation présidentielle possible.
D'ailleurs lors des débats devant le Comité consultatif constitutionnel,
le général De Gaulle lui-même avait précisé
en 1958 qu'il n'existait pas de double responsabilité du Premier ministre
devant le Parlement et devant le Chef de l'État. On verra que les présidents,
en profitant des ambiguïtés du texte se permettent cependant de
faire pression sur leur Premier ministre en période normale.
------------- par rapport au Parlement :
- art. 18 : le droit de message s'analyse en un acte propre du Président
et non plus en un acte du Gouvernement engageant la responsabilité ministérielle.
Le Président, avant la révision de 2088, ne pouvait pénétrer
dans les enceintes parlementaires. Il n'avait pas d'autre moyen officiel pour
communiquer avec les parlementaires. Maintenant, « il peut prendre la
parole devant le Parlement réuni à cet effet en Congrès.
Sa déclaration peut donner lieu, hors sa présence, à un
débat qui ne fait l'objet d'aucun vote. Hors session, les assemblées
parlementaires sont réunies spécialement à cet effet ».
- art. 12 :
. définition: la dissolution est l'acte par lequel le Président
de la République peut mettre fin prématurément à
une législature. Le mandat - théoriquement de 5 ans - des députés
est interrompu et des élections législatives sont organisées.
L'art.12 en organisant une « dissolution royale » très facile
d'utilisation manifeste sur ce point encore la volonté de rupture avec
les précédents régimes :
- la IIIème où le droit de dissolution était discrédité.
- la IVème qui avait rendu la dissolution quasi impraticable en la soumettant
à des conditions d'emploi difficiles à réunir.
C'est donc d'une certaine façon à un retour à la normale
auquel on assiste en 1958 : dans tout régime parlementaire, la dissolution
est la contrepartie normale de la possibilité pour l'Assemblée
de renverser le Gouvernement. Mais ici cest le Chef de l'État et
non le Gouvernement qui, de son seul gré, peut dissoudre l'Assemblée
nationale...
Nous allons examiner successivement le déclenchement et le but de la
dissolution.
-- déclenchement : le Président peut apprécier librement
le moment de recourir à la dissolution. Il n'a pas à demander
une autorisation à un autre pouvoir public ou à attendre que certaines
conditions politiques soient réunies (comme la survenance d'une crise
ministérielle). C'est donc bien un acte discrétionnaire. Cette
caractéristique fait de la dissolution une arme redoutable qui tend à
responsabiliser les députés, à rationaliser le jeu politique.
Les députés savent maintenant que s'ils mettent en cause le Gouvernement
en ne votant pas certaines de ses lois ou en ne respectant pas une discipline
majoritaire risquent de retrouver leurs électeurs. Pour la première
fois en France dans un régime parlementaire, les députés
sont menacés d'une sanction politique de sorte que l'instabilité
gouvernementale trouve ici un frein essentiel.
Notons que certaines limites peu contraignantes à l'utilisation de la
dissolution ont été fixées par la Constitution.
1 le Président doit solliciter les avis des présidents des Assemblées
et du Premier ministre.
2 la dissolution de l'Assemblée Nationale est impossible dans 3 cas:
- lors de l'intérim de la présidence de la République (art
7 al4)
- lors du recours aux pouvoirs extraordinaires (art 16)
- durant l'année qui suit une précédente dissolution (art.
12)
--- but : la dissolution est une arme dissuasive destinée à empêcher
que ne se développe l'instabilité gouvernementale. C'est donc
un moyen préventif ; ce qui est vérifié par le fait que
:
- d'une part : la dissolution ne doit pas, comme dans la plupart des régimes
parlementaires, être utilisée seulement en réponse à
une motion de censure réussie ou à la mise en minorité
du Gouvernement lors du vote d'une question de confiance. Elle peut être
utilisée préventivement par ex. aux lendemains d'une élection
présidentielle pour favoriser l'apparition d'une majorité parlementaire
large favorable au Président et donc a fortiori aux Gouvernements qu'il
choisira (ex. 1981, 1988).
- d'autre part, la dissolution n'est pas une compétence donnée
au Premier ministre comme dans la plupart des régimes parlementaires
(Angleterre, Italie, Allemagne...) mais au Chef de l'État. Il est clair
que ce changement de titulaire a pour but de rendre plus facile l'usage de la
dissolution. Le Président n'est pas comme un Premier ministre lié
à une majorité Parlementaire. Il ne dépend pas d'elle en
droit pour pouvoir agir.
Si le Premier ministre était titulaire de ce droit, il hésiterait
sans doute à l'employer; il ne dissoudrait l'Assemblée que dans
certains cas seulement (comme pour répliquer à une motion de censure).
NOTA: rappelons que le Sénat n'est pas concerné ; ce qui est normal
car il ne peut renverser le Gouvernement.
--------- par rapport au Conseil constitutionnel
Le Président de la République est le garant politique de la Constitution
alors que le Conseil constitutionnel en est le garant juridictionnel. Il est
normal que ces deux gardiens de la Constitution coopèrent. Cette coopération
est illustrée par le fait que :
* le Président nomme certains des 9 membres du Conseil constitutionnel.
Il en nomme 3 à raison d'un tous les trois ans. En outre, le Chef de
l'État désigne le Président du Conseil constitutionnel
qui a voix prépondérante en cas de partage de voix. Le Président
n'est pas forcément désigné parmi les 3 membres choisis
par le Chef de l'État. Par le biais de ces nominations, le Chef de l'État
peut espérer influer sur l'orientation de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel. Il choisira en effet des juges dont les conceptions juridico-morales
sont proches des siennes.
* le Président de la République peut déférer au
Conseil constitutionnel :
- soit un traité en instance d'autorisation parlementaire ou de ratification
par le Chef de l'État lui-même (art 54)
- soit une loi en instance de promulgation par le Chef de l'État lui-même
(art 61).
Le Chef de l'État n'ayant pu à l'aide des moyens politiques faire
respecter la Constitution peut donc déclencher le processus juridictionnel
de contrôle de constitutionnalité des lois et traités.
------------- par rapport à la Nation
- l'art 11 ou le référendum ordinaire. Le Président peut
soumettre à titre exceptionnel une loi à ladoption directe
par le peuple. Par ce moyen, le Chef de l'État décide ou non de
donner le dernier mot au peuple en cas de désaccord entre Gouvernement
et Parlement ou encore lorsque l'importance d'une réforme exige qu'elle
soit ratifiée par le peuple souverain.
On peut voir dans l'article 11 une technique de démocratie semi-directe
qui vient atténuer le caractère de représentation du régime.
Cependant, le fait que seul le Président décide de son organisation
ne va pas dans le sens d'une véritable démocratisation. Dans les
autres États - Suisse, Italie - où existe le référendum,
on trouve plus normal que ce soit le peuple lui-même qui décide
de son organisation. En fait, le référendum tel qu'il est organisé
par l'article 11 n'appartient pas à la tradition républicaine
française ; il appartient au contraire à une tradition bonapartiste
et plébiscitaire. Ce caractère sest manifesté lors
de son utilisation par le général De Gaulle. Il reste que la révision
de juillet 2008 a atténué ce caractère.
---La procédure: l'initiative appartient en droit au Gouvernement (pendant
la durée des sessions) ou au Parlement sur proposition conjointe des
deux Assemblées. Depuis 2008, un référendum peut être
aussi « organisé à l'initiative d'un cinquième des
membres du Parlement, soutenue par un dixième des électeurs inscrits
sur les listes électorales. Cette initiative prend la forme d'une proposition
de loi et ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative
promulguée depuis moins d'un an ». Si la proposition de loi n'a
pas été examinée par les deux assemblées dans un
délai fixé par la loi organique, le Président de la République
la soumet au référendum. Le Conseil constitutionnel émet
seulement à la demande du Gouvernement un avis sur l'organisation des
opérations. Dans une décision du 6 novembre 1962, il a refusé
de contrôler la conformité à la Constitution d'une loi adoptée
par référendum.
---Le domaine du
référendum était très étroit à l'origine
(en 1958) ; seulement 3 catégories de lois peuvent être soumises
à approbation populaire :
- les lois relatives à "l'approbation d'un accord de communauté".
Il s'agit de lois correspondant à la défunte communauté
franco-malgache de 1958. Une révision constitutionnelle du 4 août
1995 a abrogé ce passage de la Constitution.
- les lois relatives à "l'organisation des pouvoirs publics".
On peut entendre par organisation des pouvoirs publics ce qui concerne au sens
strict la structure des pouvoirs publics ou au sens large tout ce qui concerne
les compétences des pouvoirs publics. Nous verrons qu'en pratique, l'article
11 a été utilisé à des fins de révision de
la Constitution à la place de l'article 89 en 1962.
- les lois "tendant à autoriser la ratification d'un traité
qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences
sur le fonctionnement des institutions". Trois référendums
seulement ont eu lieu pour ce motif : en 1972 concernant l'élargissement
de la CEE à la Grande-Bretagne, l'Irlande, le Danemark et la Norvège
; en 1992 concernant l'approbation du traité de Maastricht ; en 2005,
concernant la « Constitution » européenne. Dans les trois
cas, le résultat a été mitigé. Forte abstention
en 1972 (40%), score très serré en 1992, échec en 2005.
On peut penser que les futurs présidents hésiteront à utiliser
cette procédure.
Le président Mitterrand a tenté en 1984 d'élargir le champ
de l'article 11 aux garanties fondamentales des libertés publiques. Mais
le Sénat qui devait selon l'article 89 approuver cette révision
constitutionnelle s'y opposa. Il a considéré d'une part qu'il
était dangereux de demander au citoyen moyen peu informé et facilement
influençable son opinion sur des sujets de société (comme
la peine de mort). D'autre part, il a estimé que c'était donner
au Président de la République une occasion d'obtenir un vote de
confiance populaire déguisé qui renforcerait son autorité.
En 1995, une révision constitutionnelle voulue par le président
Chirac a ajouté une nouvelle catégorie de lois : les lois portant
sur "des réformes relatives à la politique économique
ou sociale* de la Nation et aux services publics qui y concourent".
*sociale ou environnementale depuis la révision de juillet
2008.
- l'art 16 : il s'agit des pouvoirs de crise ou pouvoirs extraordinaires.
Cet article a pour but d'assurer la défense de l'État français
et de son régime démocratique en cas de situation d'extrême
danger (guerre, subversion intérieure...). Cette défense est confiée
au Président de la République qui selon l'article 5 doit garantir
le respect de la Constitution, la continuité de l'État, l'indépendance
nationale ou encore l'intégrité du territoire national. Il pourra
donc sur ce fondement prendre toutes les mesures qui s'imposent.
Il est clair que l'article 16 organise une sorte de dictature civile temporaire
ou encore une confusion des pouvoirs au profit du Président. C'est le
prix à payer selon le constituant pour espérer faire face à
une crise majeure. Le paradoxe est redoutable: pour sauver la République,
on est obligé d'enfreindre ses principes essentiels.
*origine de l'article 16: les gaullistes voulaient éviter à tout
prix qu'une situation comme celle de 1940 se reproduise. En 1940, le Président
Lebrun s'était retrouvé démuni sur un plan juridique, n'ayant
que des pouvoirs ordinaires de régulation du chef d'État en régime
Parlementaire moniste. Il n'avait pas par exemple le pouvoir de transférer
le siège des pouvoirs publics... A court terme, c'est-à-dire en
1958, les gaullistes pensaient aussi à la situation algérienne
qu'il faut régler. A long terme, ils ont envisagé le risque d'un
conflit nucléaire.
Dans ce but, ils vont s'inspirer de l'article 48 de la Constitution allemande
de 1919 qui permettait au Chef de l'État de déclarer l'état
de nécessité en suspendant les dispositions relatives aux libertés.
(rôle de R. Capitant, professeur à Strasbourg).
*déclenchement de l'article 16:
- conditions au fond: 2 conditions doivent être réunies
- la première: il faut qu'une menace grave et immédiate affecte
les institutions de la République, l'indépendance de la Nation,
l'intégrité du territoire ou l'exécution des engagements
internationaux de la France. La réalité de ce genre de situation
est évidemment difficile à apprécier de façon objective.
Les critères ne peuvent être qu'imprécis, voire secrets
et interprétés de façon personnelle par le Président.
Ce peut être le cas d'une menace de guerre ou terroriste.
- la seconde: il faut que le fonctionnement régulier des pouvoirs public
ait été interrompu. La réalité de ce type de situation
peut être appréciée de façon plus objective. Ce peut
être par exemple le cas où une Assemblée Parlementaire ne
peut siéger.
- conditions de forme:
d'une part, le Président doit officiellement demander l'avis du Premier
ministre, des Présidents des 2 chambres et du Conseil constitutionnel.
Ce dernier avis doit être motivé et publié au J.O.; ce qui
fait qu'on voit mal comment le Chef de l'État pourrait aller à
l'encontre de cet avis même si juridiquement il en a le droit.
d'autre part, le Président doit adresser un message à la Nation.
* effets de l'article 16 :
1: le Président selon l'art 16 doit prendre les mesures exigées
par les circonstances. Cela signifie qu'il peut se substituer au Gouvernement
et au Parlement. Il peut prendre à la place du Gouvernement des décrets
individuels, collectifs ou réglementaires et à la place du Parlement,
il peut faire la loi.
2: les autres organes n'ont aucun rôle à jouer; le Gouvernement
ne fait qu'exécuter la volonté du Président tandis que
les assemblées réunies de plein droit, n'ayant plus de rôle
normatif, ne peuvent qu'essayer de contrôler le Gouvernement.
* limitations:
1 le Président doit employer des moyens adéquats au but défini
par l'art 16: assurer aux pouvoirs publics constitutionnels les moyens d'accomplir
leur mission. Ainsi, cela interdit qu'il entreprenne une révision constitutionnelle.
2 le Président doit utiliser ses pouvoirs de crise durant la période
de temps la plus restreinte possible. Depuis la révision de juillet 2008,
un contrôle est maintenant organisé par lart. 16.
« Après trente jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, le
Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président de l'Assemblée
nationale, le Président du Sénat, soixante députés
ou soixante sénateurs, aux fins d'examiner si les conditions énoncées
au premier alinéa demeurent réunies. Il se prononce dans les délais
les plus brefs par un avis public. Il procède de plein droit à
cet examen et se prononce dans les mêmes conditions au terme de soixante
jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels et à tout moment au-delà
de cette durée ».
3 un contrôle juridictionnel est possible :
- celui du Conseil d'État concernant la légalité des mesures
administratives individuelles et réglementaires (CE Rubin de Servens,
2 mars 1962)
- celui du Conseil constitutionnel concernant la constitutionnalité des
mesures législatives? non
* utilisation:
L'article 16 n'a été utilisé qu'une fois du 23 avril au
30 septembre 1961 pour faire face au putsch militaire d'Alger. Il semble que
les conditions de fond étaient réunies: menace grave et immédiate
sur les institutions et interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs
publics au moins à Alger. Mais le G. De Gaulle a prolongé indûment
l'utilisation des pouvoirs de crise puisque dès le 25 avril le putsch
s'était effondré.On s'aperçoit ainsi que les aspects les
plus inquiétants de l'art 16 viennent du fait que le Président
est seul juge du bien fondé de son application. De plus, la décision
de recourir à l'art 16 n'est susceptible d'aucun recours juridictionnel;
c'est un "acte de Gouvernement". Le président Mitterrand a
proposé la suppression de l'article en 1993.
2 LES POUVOIRS PARTAGES :
Selon l'article 19, le Président doit utiliser ses pouvoirs autres que
les pouvoirs propres avec le concours du Gouvernement. Les ministres doivent
contresigner les actes présidentiels. Le contreseing a deux significations
en droit :
- la signature ministérielle garantit que la légalité de
la décision a été vérifiée.
- la signature indique que la responsabilité politique de l'acte devant
le Parlement est endossée par le ministre.
La référence au contreseing est le critère permettant de
mettre en évidence la présence de pouvoirs traditionnels d'un
chef d'État parlementaire ayant des pouvoirs nominaux puisque l'exigence
du contreseing conduit à transférer en fait leur exercice principalement
au Gouvernement (Cf . IIIème et IVème République).
La liste des principaux pouvoirs partagés est la suivante :
- nomination des membres du Gouvernement (art. 8-2)
- présidence du Conseil des Ministres (art. 9)
- demande d'une nouvelle délibération (art. 10-2)
- signature des décrets et ordonnances (art. 13-1)
- nomination aux emplois civils et militaires (art. 13-1et 2)
- accréditation des ambassadeurs et envoyés extraordinaires (art.
14)
- présidence des Conseils et Comités supérieurs de la défense
Nationale (art. 15)
- présidence du Conseil de la Magistrature
- droit de grâce (art. 17)
- négociation et ratification des traités (art. 52)
- initiative du référendum constituant (art. 89)
1) Parmi les pouvoirs partagés, nous distinguerons dans un premier temps
les pouvoirs de nomination.
----- la nomination des membres du Gouvernement (art 8 al.2)
Selon l'article 8 al2, le Président de la République, sur proposition
du Premier ministre nomme les autres membres du Gouvernement et met fin à
leur fonction.
Selon la lettre du texte, le Président ne peut donc qu'entériner
un choix fait librement par le Premier ministre. La logique orléaniste
du régime constitutionnel implique cependant que le Président
exerce un droit de regard, sinon de veto sur le choix des ministres. Cela est
encore plus vrai pour les ministres avec lesquels le Président est amené
à collaborer étroitement ; soient les ministres des affaires étrangères,
de la défense. On peut donc dire que malgré la lettre de l'article
8al2, la logique du régime justifie que la composition du Gouvernement
soit laissée aux décisions conjointes du Président de la
République et du Premier ministre.
De la même façon, on peut estimer que la révocation des
ministres par le Premier ministre ne saurait être totalement libre. Le
Président doit pouvoir demander en accord avec le Premier ministre la
démission de ministres en qui il n'aurait plus confiance et avec qui
il ne pourrait plus travailler. Mais le président ne saurait exiger cette
démission.
Précisons qu'il n'y a dans la Constitution aucune règle qui impose
que les ministres soient choisis dans le Parlement (ce qui est la coutume en
Angleterre). Il n'y a non plus pas de règle disant qu'ils doivent être
choisis en dehors du Parlement. On peut considérer que le constituant
a voulu là encore favoriser l'autonomie de l'Exécutif vis-à-vis
du Parlement ; autonomie renforcée comme nous le verrons par les incompatibilités
de l'article 23 qui empêche une personne d'être à la fois
ministre et parlementaire
-------- la nomination aux emplois supérieurs de l'État (art 13
al.2)
Selon l'art 13 al.2, le Président de la République "nomme
aux emplois civils et militaires de l'État". Cela ne veut pas dire
que le Président nomme tous les hauts fonctionnaires dans le domaine
civil et militaire. Une répartition des tâches est prévue
par l'article 21 al.1. Le Président nomme aux emplois supérieurs
et le Premier ministre aux emplois ordinaires.
Il faut noter que dans certains cas prévus par l'ordonnance du 28 novembre
1958, le Président a une compétence liée. Il est tenu de
nommer par décret (sans les avoir choisis) notamment les membres du Conseil
d'Etat et de la Cour des Comptes, les magistrats de l'ordre judiciaire, les
professeurs de l'enseignement supérieur...
2) Parmi les autres pouvoirs partagés, il faut aussi mentionner dans
un second temps les pouvoirs partagés par le Président concernant
la politique extérieure de la France
--------- la conduite des armées
Selon l'article 15, le Président est le Chef des Armées et préside
les conseils et comités supérieurs de la Défense Nationale.
Mais selon l'article 20, le Gouvernement a aussi un pouvoir de décision
puisqu'il est prévu qu'il "dispose de la force armées".
Il est clair que ces deux articles se contredisent ou du moins se concilient
mal. La Constitution est mal rédigée sur ce point. Elle semble
organiser moins un partage de compétences qu'une concurrence entre Président
et Gouvernement. On ne sait pas qui doit réellement diriger les armées.
La réponse à cette question peut cependant être trouvée
si l'on se réfère aux articles 5, 8, 9 de la Constitution. Ces
articles précisent que le Président est à la fois le garant
ultime de la sauvegarde du pays et qu'il a une supériorité hiérarchique
sur le Premier ministre du fait qu'il le nomme et dirige le Conseil des Ministres.
On peut en déduire que la conduite des armées appartient bien
au Président de la République avec la collaboration du Gouvernement.
Cela implique pour le Président la possibilité d'engager les forces
armées françaises, de diriger ou gérer une intervention
extérieure et enfin de déclencher le feu nucléaire.
Cette dernière compétence a été légitimée
et organisée par un décret du 14 janvier 1964 qui prévoyait
que le Président pouvait déclencher une riposte nucléaire
aérienne. Compte tenu de la modernisation, on a admis que le Président
pouvait aussi utiliser l'arme atomique navale par l'intermédiaire des
SNLE et décider une riposte terrestre par l'intermédiaire des
fusées enterrées du plateau d'Albion (fusées en cours de
démantèlement aujourd'hui). Ce décret a été
abrogé et remplacé par un décret du 12 juin 1996 dont le
contenu est légèrement modifié. Il affirme plus nettement
le rôle du Conseil de défense (au sein duquel les conditions d'engagement
des forces nucléaires sont décidées) et du Premier ministre
(qui prend les "mesures générales d'application" de
la décision d'engagement).
On peut donc dire que si le Président décide seul, il n'agit pas
seul. Cela est vrai d'ailleurs dans tous les domaines de l'action militaire
; il a besoin du concours à la fois :
- du Gouvernement : par exemple, le Premier ministre et le Ministre des Armées
doivent se charger de l'organisation matérielle, technique de la défense
nationale.
- du Parlement : par exemple, le Parlement doit adopter en temps normal une
loi dite de "programmation militaire" qui détermine le budget
des Armées. En temps de guerre, le Parlement autorise la déclaration
de guerre.
Depuis la révision de juillet 2008, le Parlement est informé de
lenvoi de forces armées à létranger et peut
donner son accord ou non au bout de 4 mois (modèle américain du
War Powers Resolution Act) : « Le Gouvernement informe le Parlement de
sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger,
au plus tard trois jours après le début de l'intervention. Il
précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu
à un débat qui n'est suivi d'aucun vote.Lorsque la durée
de l'intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation
à l'autorisation du Parlement. Il peut demander à l'Assemblée
nationale de décider en dernier ressort.Si le Parlement n'est pas en
session à l'expiration du délai de quatre mois, il se prononce
à l'ouverture de la session suivante ».
------- la conduite de la diplomatie
Selon l'article 14, le "Président accrédite les ambassadeurs
et envoyés extraordinaires auprès des puissances étrangères
; les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires étrangers sont
accrédités par lui".
Cette compétence traditionnelle déjà détenue par
le Chef de l'État sous les IIIème et IVème Républiques
peut être entendue au sens large sous la Vème République.
Elle signifie que c'est lui qui détermine les buts ou le cadre de la
politique extérieure. Cela n'exclut pas une inévitable collaboration
(manifestée par le contreseing) avec le Premier ministre et le Ministre
des Affaires étrangères. Cette suprématie présidentielle
est confirmée par l'article 52 qui prévoit que le Président
négocie et ratifie les traités. En outre, le Président
est informé de toute négociation tendant à la conclusion
d'un accord international non soumis à ratification.
3) Enfin, parmi les autres pouvoirs partagés, il reste ceux ayant trait
aux compétences normatives du Législatif, de l'Exécutif
et du Peuple :
* Le législatif :
------ la promulgation et la demande d'une nouvelle délibération
de la loi (art10)
Selon l'article 10 al.1, le Président "promulgue les lois définitivement
adoptées dans les 15 jours qui suivent la transmission de la loi définitivement
adoptée". Par sa signature, le Président authentifie la loi
et la rend exécutoire. Une loi simplement votée par le Parlement
n'a aucune valeur. En droit, le Président doit se contenter d'examiner
la forme de la loi ; il vérifiera ainsi si la loi a été
discutée et adoptée en conformité avec la Constitution.
En conséquence, le Président est obligé de promulguer une
loi même si son contenu ne lui convient pas. S'il ne respectait pas le
délai de 15 jours, il s'exposerait à être soumis à
la procédure de la Haute Trahison (art 68).
Selon l'article 10 al.2, le Président peut demander qu'une loi dont la
régularité formelle serait douteuse soit délibérée
à nouveau par le Parlement. Cette faculté d'empêcher était
déjà donnée au Chef de l'État par la loi constitutionnelle
du 16 juillet 1875 et la Constitution de 1946. Les assemblées ne peuvent
en droit refuser la demande du Président et seront obligées de
procéder à une nouvelle lecture du texte ou de certains de ses
articles.
-------- la signature des ordonnances (art 13 al.1)
Selon l'article 38, les ordonnances sont des actes réglementaires pris
par le Gouvernement dans le domaine de la loi. Les ordonnances doivent être
autorisées et ratifiées par le Parlement. Sitôt ratifiées,
elles acquièrent valeur de loi et ne peuvent donc être modifiées
que par la loi. Au cas où le Gouvernement ne ferait pas ratifier une
ordonnance dans les délais prévus par la loi d'autorisation, cette
ordonnance deviendrait caduque.
Il est clair que l'initiative des ordonnances comme leur acceptation en Conseil
de ministres sont du seul ressort du Gouvernement. Le Président selon
l'article 13 doit se contenter de les signer. Cette interprétation exégétique
[l'indicatif vaut impératif] du texte peut être contestée.
En effet, si le Président n'avait pas un pouvoir discrétionnaire
en la matière, alors les ordonnances ne seraient soumises à aucun
contrôle de constitutionnalité. Le président, gardien de
la Constitution, aurait donc le devoir de refuser de signer dans le cas où
certaines ordonnances seraient inconstitutionnelles [comme on peut le déduire
d'ailleurs des décisions des 25-26 juin 1986 et 1-2 juillet 1986] ...
Le Président Mitterrand a adopté cette interprétation en
la poussant très loin en 1986 comme nous le verrons dans nos développements
se rapportant à la pratique constitutionnelle.
-------- l'ouverture et la clôture d'une session extraordinaire du Parlement:
Article 30. "A la demande, soit du Premier ministre, soit de la majorité
des députés (et non des sénateurs), le Chef de l'État
doit convoquer le Parlement sur un ordre du jour déterminé.
Lorsque la session extraordinaire a été demandée par l'Assemblée
Nationale, le décret de clôture intervient dès que le Parlement
a épuisé l'ordre du jour et au plus tard 12 jours à compter
du 1er jour de sa réunion. Le Président a apparemment ici une
compétence liée ; il ne peut refuser une session extraordinaire
au Premier ministre ou aux députés.
* L'Exécutif :
------ la signature des décrets en Conseil des ministres.
Toujours selon l'article 13 al.1, le Président "signe les décrets
délibérés en Conseil des Ministres".
Notons que le Conseil d'État, dans un arrêt Sicard du 27 Avril
1962, a estimé que le Président peut signer des décrets
qui n'ont pas été délibérés en Conseil des
Ministres sans que leur validité en soit affectée.
* Le Peuple :
-------- le réferendum constituant de l'article 89 :
Le président intervient ici à deux niveaux :
- celui de l'initiative. Selon l'alinéa 1, il appartient au président
de décider de lancer la procédure de révision mais sur
la proposition du Premier ministre ou des membres du Parlement. Le président
est alors lié par le contenu de la proposition.
- celui du choix entre le Congrès ou le référendum. Le
président peut décider de soumettre les projets de révision
au Parlement convoqué en Congrès plutôt qu'au référendum
qui est la procédure normale. Par contre lorsqu'il s'agit d'une proposition,
le président n'a plus cette option : seul le peuple se prononcera.
Enfin, dans la liste des pouvoirs partagés, il reste une compétence
assez anecdotiques qui normalement ne confère au Président aucune
autorité politique.
--------- l'exercice du droit de grâce
Article 17: le Président, selon un privilège très ancien
quasi royal, peut commuer une peine (dans le seul cas de la peine de mort) ou
remiser en tout ou en partie la durée de cette peine. Sa décision
doit être précédée par une consultation du Conseil
supérieur de la Magistrature (art. 65).
Comme la peine de mort a été abolie en 1981, seule reste la deuxième
possibilité. Si le droit de grâce est soumis à contreseing
comme tout pouvoir partagé, il est à noter que la tradition en
régime parlementaire veut que les députés ne discutent
pas son utilisation. Comme le note M. Burdeau, l'objet même de cette compétence,
un problème de conscience plus que de politique exclut que le chef de
l'État soit tenu de discuter avec le Premier ministre et de faite avaliser
par lui la déchoie qu'il y a lieu de prendre. On peut donc dire qu'en
pratique, il s'agit d'un pouvoir propre.
Nouvelle rédaction : Art. 17. - Le Président de la République
a le droit de faire grâce à titre individuel.