COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL GÉNÉRAL

 

Cours écrit par O. CAMY
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Plan détaillé du cours

Sommaire du cours sur la Ve République




§2 le Législatif
B Les fonctions du Parlement

 

Actualité :

Projet de révision constitutionnelle sur la Modernisation des institutions de la Ve République ( 24/04/08) : connsulter le texte sur le site web du Premier ministre et voir la réaction des députés selon le Monde. Une nouvelle toilette de la Constitution qui a le seul mérite de renforcer les droits du parlement (ordre du jour, la déclaration de l'urgence par le gouvernement, proposition de lois, imitation de la résolution américaine sur les "pouvoirs de guerre du gouvernement"...). Encore une réformette ; mais est-il vraiment nécessaire d'aller plus loin en l'absence d'alternative sérieuse au régime de la Vème République ?
 


 

a) la fonction législative
b) La fonction d'information

c) la fonction de contrôle

 

a) la fonction législative :

En rupture avec la tradition, le Parlement n'a plus la maîtrise absolue de la procédure législative. Le Premier ministre et son gouvernement peuvent contrôler la création de la loi. Il reste que l'opposition parlementaire au fil des années a su développer des moyens d'obstruction qui gênent considérablement le gouvernement. Nous allons le vérifier en étudiant successivement les étapes principales de la création de la loi puis plus largement les rapports gouvernement-parlement.

1 l'initiative de la loi
Selon l'article 39, elle appartient concurremment au Premier ministre et aux membres du Parlement. Les sénateurs ont les mêmes prérogatives que les députés.

- les projets de loi sont délibérés en Conseil des Ministres après avis du Conseil d'Etat. Ils sont déposés indifféremment sur le bureau de l'une des deux assemblées. Seuls les projets de loi de finances doivent être soumis en premier lieu à l'Assemblée Nationale. Une convention de la Constitution veut cependant que les projets de loi relatifs aux collectivités territoriales sont présentés devant le Sénat.

- les propositions de loi bénéficient d'une préparation moins minutieuse. Ils émanent en droit d'un élu mais de plus en plus les groupes parlementaires autorisent en fait le dépôt de propositions de loi par leurs membres. L'initiative parlementaire devient donc collective.

L'égalité du gouvernement et des parlementaires en matière d'initiative tend de plus en plus à devenir théorique. On remarque en France comme dans la plupart des régimes parlementaires que le nombre des lois d'origine gouvernementale l'emporte considérablement sur celles d'origine parlementaire. Le % en France est de l'ordre de 5% pour les lois d'origine parlementaire.

Ce phénomène s'explique pour différentes raisons :

1.1 raisons d'ordre juridique :
La Constitution a dressé un certain nombre d'obstacles qui peuvent se révéler infranchissables pour une proposition de loi :

1.11 l'irrecevabilité financière (article 40)

Aux termes de cet article, "les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique". Cette limitation du droit d'initiative existait déjà sous la IVe République mais elle ne jouait que pendant la discussion de la Loi de Finances. Désormais, elle est générale. Elle peut être invoquée à tout moment, en commission permanente, en commission mixte paritaire ou en séance plénière. Peuvent l'invoquer le Gouvernement, les parlementaires eux-mêmes, la Commission des Finances ou la commission saisie au fond.

C'est des instances parlementaires que dépend la décision sur la recevabilité. Il existe un contrôle initial de la recevabilité financière des propositions de lois exercé par le Bureau.  Au cas où son opposition n'aurait pas été entendue, le Gouvernement a la faculté de  demander l'intervention du Conseil constitutionnel en appel.

Il est évident que si l'article 40 était appliqué de façon draconienne cela aboutirait à paralyser l'initiative parlementaire. En effet toute proposition de loi sauf à n'avoir qu'un contenu symbolique a forcément une incidence financière. On constate qu'après une application stricte de cette disposition, dans les premières années de la Vème République, la pratique s'est orientée vers une interprétation raisonnable. En fait, ce sont essentiellement les amendements, plus que les propositions qui se trouvent écartés au moyen de cette irrecevabilité.

1.12 la fin de non recevoir (article 41)

Elle autorise le Gouvernement à opposer l'irrecevabilité à une proposition ou un amendement qui lui paraîtrait ne pas être du domaine de la loi ou serait contraire à une délégation du pouvoir législatif qui lui a été accordée en vertu de l'article 38. En pratique, elle est opposée à une proposition de loi à la conférence des présidents au moment de la fixation de l'ordre du jour. Au cas où le Président de l'Assemblée intéressée ne serait pas d'accord avec le Premier ministre sur le bien-fondé de l'irrecevabilité, c'est le Conseil constitutionnel qui, à la demande de l'un ou de l'autre, statue dans  un délai de 8 jours. Il faut noter que cette procédure n'est presque plus utilisée aujourd'hui. Le Conseil constitutionnel ne s'est prononcé que surune dizaine de recours depuis 1958. Il semble que la dernière décision remonte à 1979 [décision n°79-11 FNR du 23 mai 1979]. Les décisions des présidents d'assemblée sont aussi peu nombreuses (40 pour le président de l'AN  de 1959 à 1991).

1.13 l'ordre du jour (article 48)

A supposer que la proposition ait franchi le double barrage des articles 40 et 41, elle se heurtera à l'obstacle de l'inscription à l'ordre du jour. Rappelons que lorsque la Conférence des Présidents se réunit, le Gouvernement pourra utiliser sa priorité pour s'opposer à toute proposition de loi. Cependant, cette priorité n'est plus absolue depuis la révision de 1995. Le nouvel alinéa de l'article 48 prévoit : "Une séance par mois est réservée par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée".

I.2  raisons d'ordre politique :
La discipline politique qui règne dans les groupes parlementaires de la majorité conduit les députés et sénateurs qui en sont membres à ne plus guère déposer de propositions. Il arrive même que ce soit le Gouvernement qui suscite le dépôt de propositions de lois; c'est un moyen commode pour lui de ne pas endosser officiellement la paternité d'un texte. Quant aux parlementaires de l'opposition, ils déposeront des propositions sans se faire grande illusion sur leur aboutissement.

2) La discussion
Normalement, la  procédure de la discussion est fixée par le Règlement de chacune des Assemblées. Cependant, la Constitution a entendu poser certaines règles de manière à renforcer la situation du Gouvernement lors du débat.  La discussion commence en commission, se poursuit en séance plénière et de termine par la transmission à la seconde Assemblée.

2.1 l'examen en commission :
Le renvoi obligatoire du texte devant une commission permanente ou spéciale conduit à un examen dont dépend étroitement son destin. En raison de la composition des commissions (favorable à la majorité), le Gouvernement a de bonnes chances de voir le sort de ses textes fixé immédiatement et favorablement. Le vote plus tard en séance plénière sera une formalité. Rappelons que la commission saisie désigne un rapporteur, auditionne certaines personnalités et vote enfin sur les conclusions auxquelles est parvenu le rapporteur.

2.2 l'examen en séance plénière :
- Cet examen commence par une "discussion générale" qui elle-même s'ouvre éventuellement par l'audition d'un membre du Gouvernement puis du rapporteur. Viennent ensuite à la tribune les représentants des groupes parlementaires.

-Pour empêcher la poursuite du débat, l'opposition ne se prive pas en général de déposer des motions de procédure. Ces motions qui donnent lieu à discussion et à vote visent à démontrer que le texte a été mal rédigé ou est inconstitutionnel. Il s'agit par exemple de l'exception d'irrecevabilité ou encore de la question préalable.Il est clair que l'utilisation de ces motions par l'opposition s'inscrit dans une stratégie de retardement. L'opposition minoritaire par définition sait qu'elle n'a aucune chance de voir ses motions adoptées mais en ralentissant la procédure, elle se donne un moyen de chantage sur le Gouvernement qui sera prêt alors à faire des concessions.

- Après le rejet des motions de procédure commence la discussion et la mise aux voies articles par articles. Chacun des articles est discuté. A nouveau interviennent les mêmes orateurs mais ici le temps de parole est limité sauf pour le ministre concerné et le rapporteur. Enfin, il est proposé un vote sur l'ensemble du texte en l'absence d'une seconde délibération demandée par le Gouvernement ou la commission compétente.

- Il faut préciser que l'opposition durant toute cette discussion  pourra avoir recours au droit d'amendement; elle le peut le faire en espérant débaucher certains députés membres de partis de la majorité ou encore tout simplement dans le but de retarder la procédure. Dans ce dernier cas, le droit d'amendement apparaît alors comme un moyen d'obstruction redoutable. Il faut savoir qu'on assiste à une inflation d'amendements depuis une dizaine d'année. Les députés de l'opposition ont tendance à déposer jusqu'à des milliers d'amendements dont certains complètement fantaisistes pour freiner la procédure.
En théorie, le Gouvernement semble bien armé pour se défendre. Il peut utiliser notamment toutes les irrecevabilités dont nous avons parlé : articles 40, 41 mais aussi 44-2. Dans ce dernier cas, le gouvernement "peut s'opposer à l'examen de tout amendement qui n'a pas été antérieurement soumis à la commission". En pratique, on considère que l'expression "avant l'ouvertur des débats" peut signifier avant la discussion détaillée des articles. Le gouvernement peut surtout utiliser la procédure dite du "vote bloqué" (art 44-3).  Selon cet article, si le Gouvernement le demande, l'Assemblée saisie se prononce par un seul vote sur tout ou partie d'un texte en ne retenant que les amendements proposés ou acceptés par le Gouvernement. Cela restreint considérablement la liberté de décision des parlementaires puisqu'ils sont placés devant l'alternative du tout ou rien. Soit ils adoptent le texte du voulu par le Gouvernement avec les seuls amendements retenus par ce dernier, soit ils refusent le texte. Cela implique que la majorité préférera suivre le Gouvernement même si elle estime que certains amendements voulus par l'opposition sont pertinents. Dès lors, le Gouvernement peut éviter que ses textes soient déformés sans avoir à mettre en jeu sa responsabilité.

Il faut noter cependant que l'usage de l'article 44-3 est rare car il ne procure qu'un gain de temps limité. En effet, s'il restreint le nombre de votes (en dérogeant au principe de spécialisation des votes), il n'empêche pas que la discussion ait lieu sur les différents amendements.

Signalons enfin que le Gouvernement a reçu le soutien du Conseil constitutionnel. Ce dernier s'est donné en effet un pouvoir général d'appréciation sur la recevabilité des amendements au titre de l'article 41 et 61-2. Il a estimé notamment que les amendements devaient avoir un lien réel avec le texte de loi en discussion (décision n° 85-198 du 13 décembre 1985) ou encore qu'ils ne devaient pas dépasser par leur objet ou leur portée, "les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement" (décision n° 86-221 du 29-12-86).

- Dernière arme auquelle le Gouvernement peut avoir recours : le 49-3 soit la possibilité pour le Gouvernement d'engager sa responsabilité sur son texte non modifié par des amendements d'origine parlementaire. Rappelons que cet article de plus en plus utilisé sous la Ve République permet aux gouvernements de discipliner leur majorité en l'obligeant à se situer dans une alternative qui n'avait jamais existé sous les précédentes républiques : soit accepter des textes en l'état auxquels le Gouvernement tient, soit déposer ou voter une motion de censure qui renverse le Gouvernement et peut conduire à une dissolution. Auparavant, les députés pouvaient refuser ou déformer des textes déposés par le Gouvernement sans être pour autant obligés de renverser le Gouvernement et encourir le risque d'une dissolution.
La pression exercée par le 49-3 est donc considérable. Il ne faut pas l'exagérer cependant.  Plusieurs facteurs permettent de relativiser cette pression :

- le Gouvernement en général hésite à utiliser une procédure dont la légitimité est douteuse et rend muet le Parlement. C'est pourquoi, il préférera l'utiliser pour un texte précis quitte à le mettre en œuvre à plusieurs reprises, lors de la première, seconde, troisième lecture. D'autre part, le Gouvernement craint le dépôt d'une motion de censure. ainsi, en décembre 1991, Mme Cresson au nom du Gouvernement et M. Mauroy au nom du Parti Socialiste ont voulu imposer l'adoption de la R.P. au groupe socialiste pour les élections de 1993. Mme Cresson a menacé d'utiliser le 49-3 mais les députés ont déclaré alors qu'ils voteraient la censure...

- le 49-3 confère un certain confort moral à des députés de la majorité qui vivent aux frontières de la dissidence. En effet, s'ils s'abstiennent, leur vote ne se distingue pas des votes en faveur du texte puisque ne sont recensés que les votes favorables à la motion de censure. Le reste du temps, lorsque le Gouvernement n'utilise pas le 49-3, ils manifesteront alors leur indiscipline.

3) Le vote
Les décisions de chaque Assemblée sont finalement prises par un vote qui ne peut avoir lieu que si est présente la majorité absolue du nombre des députés ou sénateurs. Le vote s'accomplit selon des formes diverses:

- vote à mains levées ou par assis et levés qui la solution est la plus rapide

- vote public ordinaire : traditionnellement, les parlementaires votent en utilisant un bulletin recueilli par les huissiers. L'usage voulait sous les précédentes Républiques que les absents votent aussi par l'intermédiaire d'un collègue auquel ils avaient confié leur boîtier, soit leur boite à bulletins. Toutefois, par une résolution du 26 juillet 1955, l'Assemblée nationale décida que pour les scrutins importants, seuls pourraient voter les députés présents. La constitution de 1958 a érigé l'exception en principe. L'article 27 décide que le droit de vote des membres est personnel. Cependant, le vote électronique introduit en 1959 permet de tourner cette règle puisqu'il suffit que l'absent laisse à un de ses collègues la clé permettant de faire fonctionner le système.

En septembre 1993, le Président de l'Assemblée Nationale, M. Seguin a proposé une redéfinition du vote qui impose une plus grande assiduité dans l'hémicycle. Il a été décidé notamment que chaque député ne pourrait être détenteur de plus d'une délégation. En d'autres mots, il ne peut voter que pour un seul député absent. Ces nouvelles modalités ont conduit à une petite fronde parlementaire contre le Président.

Le vote au scrutin public ordinaire  est obligatoire :

 - si les résultats du vote à mains levées ou pas assis/levés sont douteux

 - à la demande du Gouvernement, du Président de l'Assemblée ou de la Commission saisie.

 - à la demande d'un Président de groupe.

- le scrutin public à la tribune: il est appelé ainsi parce que naguère, à l'appel de leur nom, les députés allaient déposer leur bulletin dans une urne placée sur la tribune. Le vote électronique a simplifié l'opération sans en supprimer l'importance. Ce mode de scrutin est obligatoire lorsque la Constitution exige la majorité absolue ou lors que le Gouvernement engage sa responsabilité.
- le scrutin secret: il notamment requis pour la nomination de personnes à un poste important: Président de l'Assemblée, membres de la Haute Cour de Justice...

4) La transmission à l'autre assemblée
Après le vote final acquis sur l'ensemble du texte avec les amendements inclus, le texte est transmis à l'autre assemblée (sauf demande d'une nouvelle délibération à la demande du Gouvernement ou de tout parlementaire). En cas de désaccord entre les 2 chambres, la Constitution dans un but de rationalisation a prévu toute une procédure que le Gouvernement a seul qualité pour déclencher.

Sous la IIIème République, le projet ou la proposition demeurait en suspens. Sous la IVème, la navette ne pouvait excéder 100 jours. La Constitution de 1958 prévoit une procédure de conciliation imitée de la Constitution allemande de 1949 (article 77 alinéa 2). Aux termes de l'article 45, lorsque par la suite d'un désaccord entre les deux assemblées, la loi n'a pu être adoptée après les 2 lectures par les deux chambres, ou si l'urgence a été déclarée par le Gouvernement après une seule lecture par chacune d'elles, le Premier ministre a la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions à propos desquelles l'accord n'a pu être réalisé.

La Commission est composée en nombre égal de députés et de sénateurs. Chacune des 2 Chambres a 7 représentants qui sont désignés par les assemblées à propos de chaque texte dont la commission est saisie.

A la suite de l'intervention de la Commission, trois cas peuvent se produire :

1 si la Commission n'est pas parvenue à rédiger un texte, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l'Assemblée Nationale ou par le Sénat demander à l'Assemblée Nationale de statuer définitivement. Dans ce cas, la loi pourra être adoptée sans avoir été votée par le Sénat.

2 si la Commission ayant abouti, le Gouvernement n'a pas soumis le texte qu'elle a élaboré à l'approbation du Parlement dans les 15 jours à dater du dépôt du rapport de la Commission, l'Assemblée [qui était saisie du texte au moment où le recours à la Commission a été décidé] peut en reprendre l'examen et le mécanisme de la navette recommencera entre les deux Chambres. (La solution est la même au cas où la Commission n'ayant pas abouti le Gouvernement n'a pas usé de la faculté visée ci-dessus numéro 1)

3 si la Commission est parvenue à l'adoption d'un texte commun, le Gouvernement peut décider que ce texte sera soumis à l'Assemblée Nationale avec les amendements du Gouvernement ou avec ceux adoptés par lui. (Si le Sénat le vote à son tour, il n'y a plus de problème, la loi est adoptée. Si le Sénat rejette le texte, la navette est relancée. L'Assemblée Nationale délibère à nouveau sur le dernier texte voté par elle avant la réunion de la Commission. Si elle l'adopte, le Sénat est saisi. Mais s'il maintient son opposition, le Gouvernement peut inviter l'Assemblée Nationale à statuer définitivement. La loi sera alors parfaite, soit que l'Assemblée vote le texte de la Commission mixte, soit qu'elle reprenne le dernier texte qu'elle avait voté, modifié ou non par les amendements du Sénat.

Deux remarques :

- quoique mieux armé qu'en 1946, le Sénat n'a plus la possibilité dans tous les cas de s'opposer à l'adoption d'une loi. Les volontés concordantes du Gouvernement et de l'Assemblée Nationale peuvent briser sa résistance.

- c'est du Gouvernement que dépend le sort d'un texte sur lequel les deux Assemblées sont en désaccord. En effet c'est lui qui décide de la formation d'une Commission mixte paritaire ; c'est lui, également qui, après échec de la tentative de conciliation, décide  s'il y a lieu d'abandonner la procédure et par conséquent le projet ou au contraire de la poursuivre jusqu'à l'adoption par l'Assemblée Nationale.

5) La contestation : voir cours sur le contrôle de constitutionnalité
= possibilité d'un recours en constitutionnalité contre le texte de loi voté mais pas encore promulgué.

6) La promulgation
C'est l'acte par lequel le Président de la République authentifie le texte de la loi, constate la régularité de son adoption et la déclare valable. En promulguant, le Président ne fait pas œuvre de volonté législative: il se borne à reconnaître que la loi a régulièrement pris naissance. C'est en ce sens que la promulgation diffère de la sanction par laquelle, dans les monarchies constitutionnelles, le roi participe à l'œuvre législative par son droit de paralyser la volonté du Parlement en refusant de sanctionner le texte qu'il a voté (idem pour le droit de veto du Président américain).

Les formes dans lesquelles est faite la promulgation sont fixées par un décret publié au J.O. le 20 mai 1959. Elles sont les suivantes:

“L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,

“le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

texte de loi

“La présente loi sera exécutée comme loi de l'État.

“Fait à..., le...,

“Par le Président de la République,

“Le Premier ministre,

“Le ministre de....”

b) La fonction d'information :

A part les commissions d'enquête dont nous avons déjà étudié le fonctionnement, l'information du Parlement dépend essentiellement des questions :

1) questions écrites : ces questions qui reposent uniquement sur un usage politique sont des demandes de renseignement adressées par un parlementaire à un membre du Gouvernement. Ce dernier doit répondre dans un délai d'un mois. La réponse figure au Journal Officiel.
 Lorsqu'une question écrite n'a pas obtenu de réponse dans les délais indiqués, son auteur est invité par le président de l'assemblée à lui faire connaître s'il entend ou non la convertir en question orale. Dans la négative, le ministre compétent dispose d'un nouveau délai d'un mois.

Il faut remarquer que le nombre de questions écrites a tendance à augmenter (IXème législature 1988-1993 : pas loin de 70000 questions) mais leur objet est de moins en moins politique.

2) questions orales : l'article 48 de la Constitution révisé en 1995 prévoit qu'au moins une séance par semaine est réservée par priorité aux questions des parlemntaires. Initialement, on distinguait entre questions avec ou sans débat. Les premières qui ne pouvaient être suivies d'un vote pour éviter de ressusciter les interpellations ne sont plus pratiquées. Les secondes existent toujours sous trois formes différentes :
1 les questions orales classiques organisées à l'origine le vendredi après-midi.

2 les questions au Gouvernement du mercredi après-midi nées en 1974 qui sont retransmises à la télévision.

3 les questions "cribles" apparues 1988 qui sont adressées à un seul membre du gouvernement qui doit être présent.

c) la fonction de contrôle :

Cette fonction fortement compromise depuis 1958 par la conjonction de la rationalisation et du fait majoritaire est en passe d'être réhabilitée depuis quelques années en raison des efforts de l'Exécutif et du parlement lui-même (à travers le rôle joué notamment par certains des derniers présidents de l'Assemblée Nationale). Le renforcement de cette fonction passe actuellement par la réforme des organes de contrôle à la disposition des chambres ou par la mise en place d'une nouvelle organisation du travail parlementaire.
Cependant un nouveau chantier s'est ouvert avec la tentative récente de permettre au Parlement français de contrôler non seulement l'Exécutif français mais aussi l'Exécutif européen

1)  un meilleur contrôle de l'Exécutif français ?

1.1 le renforcement des organes de contrôle :
1.11 les commissions d'enquête et de contrôle :

En vue de procéder à des investigations, chaque assemblée peut, en votant une résolution, constituer une commission d'enquête et de contrôle. Il faut noter que les constituants se sont souvenus des excès de certaines commissions d'enquête sous les précédentes Républiques (en particulier comme le signale Hauriou celles qui ont fonctionné en 1934 à la suite de l'affaire Stavisky et de l'émeute du 6 février). Du coup, ils ont limité à la fois leur utilisation (les motifs de création de ces commissions sont précisés comme on va le voir), leur durée (six mois) et leurs pouvoirs. Deux réformes intervenues en 1977 et 1991 ont cependant tenté d'augmenter leur efficacité.

(I) le système de 1958 :

On distinguait deux types de commissions :

- enquête : elles avaient pour but de “recueillir des éléments d'information sur des faits déterminés et soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a crées”. On citera entre autres à l'Assemblée Nationale, les commissions suivantes: naufrage du pétrolier Amoco-Cadiz (1978), affaire des avions renifleurs (1984).

- contrôle : elles examinaient la gestion administrative, financière ou technique des services publics ou d'entreprises nationales.

(II) la loi du 19 juillet 1977  a tenté d'agir à trois niveaux :

- moyens d'investigation : possibilité de consulter les travaux de la Cour de Comptes, de procéder à un examen sur pièces et sur place de tout document de service (sauf ceux revêtant un caractère secret ou concernant la défense nationale)

- audition de personnes : elles peuvent exiger la comparution de toute personne, la force publique pouvant être mise à leur disposition en cas de besoin. Mais en vertu de principe d'irresponsabilité politique des Présidents de la république, ces derniers ne sauraient être convoqués et entendus par une Commission.

- publication du rapport : le principe est la publication sauf si l'assemblée réunie en comité secret en décide autrement.

(III) la loi de 1991 :

= fusion des 2 types de commissions en ne laissant subsister que des Commisions d'enquête qui sont "formées pour recueillir des éléments d'information soit sur des faits déterminés, soit sur la gestion des services publics ou des entreprises nationales, en vue de soumettre leurs conclusions à l'assemblée qui les a crées".

L'efficacité des commissions d'enquête reste limitée pour une série de raisons :
- la création des C dépend d'un simple vote d'une résolution à la majorité : cela permet au Gouvernement de susciter ou de refuser la création de C. d'enquêtes

- la désignation des membres des C se fait au scrutin majoritaire ; ce qui permet d'en éliminer l'opposition. De plus, comme le rapport de la C doit être adopté à la majorité de ses membres et qu'il ne donne lieu à aucun débat, le recours aux C n'est pas dangereux pour le Gouvernement.

- Il ne peut être crée de commissions d'enquête lorsque les faits ont donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours. Si une commission d'enquête a déjà été créée, sa mission prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits qui ont motivé sa création. (Ordonnance du 17 novembre 1958).

- la mission des C est très courte : 6 mois

- possibilité pour le Gouvernement d'invoquer le secret diplomatique ou militaire avec un contrôle juridictionnel.

1.12 les offices parlementaires :
En juin 1996, une loi a crée un Office parlementaire d'évaluation de la législation et un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques. Selon leur promoteur P. Séguin, il s'agirait d'outils destinés à renforcer la fonction de contrôle des parlementaires. Ces offices composés de députés  et de sénateurs sont placés sous le contrôle des commission des lois et des finances des deux assemblées. Ils ont pour ambition l'un de maîtriser « l'inflation » des lois et de favoriser leur « simplification », l'autre de renforcer leur capacité d'expertise budgétaire, face au minisitère de l'économie et des finances. Ils ont la faculté de disposer de sources d'information indépendantes.

Ces offices démarrent lentement. Sans doute les parlementaires des deux commissions répugnent-ils à laisser à d'autres leur pouvoir d'enquête et de contrôle.

1.2 une nouvelle organisation du travail parlementaire :
Les initiatives ici ont émané tantôt  :

- des différents présidents de l'Assemblée Nationale: L. Fabius (1988 : questions crible) et P. Séguin (1993 : vote personnel des députés effectif, ouverture de l'hémicycle à des Chefs de l'État étrangers,  retransmission  des débats parlementaires sur le câble - 1996  promotion d'une loi créant des Offices parlementaires)

- des différents chefs d'Etat : Valéry Giscard d'Estaing (1974 : les questions au gouvernement), J. Chirac  (1995 : la session  unique du Parlement pour augmenter le pouvoir de contrôle sur le Gouvernement, débat préalable lorsqu'un référendum est organisé sur proposition du Gouvernement, une séance par mois réservée à l'ordre du jour fixé par chaque Assemblée).

2) l'apparition d'un contrôle de l'Exécutif européen

Une des causes d'affaiblissement du Parlement français est bien sûr le fait qu'en raison de la construction européenne une bonne part des normes  issues des organes de l'union (et notamment l'Exécutif européen) échappe aux assemblées. On a donc essayé d'améliorer l'information  des Assemblées et de leur donner des moyens d'action à ce sujet :
- information :

Loi du 6 juillet 1979 : elle a institué dans chaque assemblée une délégation parlementaire pour l'Union européenne. Chacune est chargée de suivre les travaux des organes de l'Union. Le Gouvernement français leur communique les projets de directives et de règlements  dès leur transmission au Conseil. Elles peuvent demander à entendre les ministres ainsi que des représentants de l'Union.

Loi constitutionnelle de juin 1992  : elle a ajouté à la Constitution un article nouveau, l'article 88.4 dont l'alinéa 1 oblige le Gouvernement français à transmettre « à l'Assemblée Nationale et au Sénat, dès leur transmission au Conseil de l'Union, les propositions d'actes communautaires comportant des dispositions de nature législative ».

- moyens d'action :

Loi constitutionnelle de juin 1992. Second alinéa de l'art. 88.4 : "pendant les sessions ou en dehors d'elles, des résolutions peuvent être votées dans le cadre du présent article, selon des modalités déterminées par le règlement des Assemblées". C'est donner un droit de regard sur le fonctionnement (et l'exercice de leur pouvoir normatif) des organes européens mais certainement pas une possibilité de blocage ; ce qui irait à l'encontre des traités.  Depuis 1992, les parlementaires n'ont pas négligé ce nouvel outil : sur les 1170 projets d'actes qui leur ont été transmis, ils ont déposé 251 propositions de résolution et ont adopté 168. Pour quel résultat ? Un résulat modeste : elles servent essentiellement à renforcer au plan diplomatique la position dela France face à ses autres partenaires.  Mais si l'exécutif français est en désaccord avec les parlementaires, il ne tiendra aucun compte de ces résolutions.

Les parlementaires ont réclamé et obtenu un élargissement du champ d'application de l'art. 88-4  : la loi constitutionnelle du 25 janvier 1999  a ainsi prévu  que le gouvernement peut également soumettre à l'Assemblée Nationale et au Sénat « les autres projets ou propositions d'actes ainsi que tout document émanant d'une institution européenne ».