- Sujets de dissertations corrigés :
- fédéralisme
et décentralisation
- justification
et limites du contrôle de constitutionnalité
- le régime de la Ve République est-il un régime parlementaire
dualiste ?
Nota : pour d'autres sujets corrigés, voir aussi le coin des étudiants de l'Université de Bourgogne et le coin des étudiants SPO
Etat fédéral et Etat décentralisé : une différence
de nature ou de degré ?
Introduction :
--- partir d'un fait d'actualité : par exemple, le gel actuel du processus
de Matignon sur la Corse en France. Ce gel s'explique en partie par certains
désaccords :
- au sein de la majorité gouvernementale : certains courants (dont le
courant souverainiste de Chevènement) estiment que la décentralisation
proposée (possibilité d'adaptation par l'Assemblée de Corse
des lois et règlements) conduit en fait à remettre en cause l'aspect
unitaire de l'Etat français
- au sein du mouvement indépendantiste : certains courants estiment que
le système de décentralisation proposé aboutit à
une autonomie régionale insuffisante trop éloignée du système
de l'Etat fédéral
--- commentez ce fait dans l'optique du sujet : le débat est d'autant
plus obscurci que les définitions de la décentralisation et du
fédéralisme fournies par le droit constitutionnel semblent très
proches. Peut-être que l'on s'oppose plus sur des mots ayant un symbolisme
fort que sur des réalités juridiques.
--- définitions :
décentralisation : système de libre administration dans un Etat
unitaire au profit notamment de collectivités territoriales pouvant disposer
de larges compétences normatives dans le cadre de la régionalisation
fédéralisme : système de libre gouvernement dans un Etat
fédéral au profit d'Etats fédérés disposant
de larges compétences normatives.
--- problématique :
la différence est-elle de degré ou de nature ?
- Creusez les termes : c'est H. Kelsen, le juriste autrichien qui le premier
a posé le problème en ces termes. D'autres juristes contemporains
comme P. Pactet parlent de catégories « non étanches ».
Si la différence est de nature, alors nous devons pouvoir opposer toutes
les caractéristiques attachées à chaque forme d'Etat. Si
la différence est de degré, alors des caractéristiques
peuvent être communes : le fédéralisme comparable à
la décentralisation ne donnerait simplement qu'un peu plus d'autonomie
aux Etats fédérés.
- Montrez les enjeux : le passage au fédéralisme est considéré
comme une menace dans la vieille Europe qui préfère organiser
officiellement une décentralisation très poussée. D'une
part, c'est abandonner le socle de l'Etat unitaire qui a été inventé
par l'Europe (11e siècle/16e siècle) au profit d'un système
à l'américaine (le fédéralisme a été
inventé par les Etats-Unis en 1787) ; d'autre part, c'est prendre le
risque d'exacerber des identités culturelles et linguistiques dont on
a peur qu'elles débouchent sur une ethnicisation de l'Etat et finalement
son éclatement (exemple de l'ex-Yougoslavie). Question lourde des génocides.
--- Phrase-plan : elle doit obligatoirement contenir une réponse argumentée
et nuancée à la question posée. Ce qui importe n'est pas
tant le choix de la réponse que de faire la preuve que vous être
capable de justifier votre propos de manière claire et rigoureuse.
Solution proposée : l'Etat fédéral et l'Etat décentralisé
ne diffèrent que par degré puisqu'ils tendent à avoir la
même structure et les mêmes principes de fonctionnement tout en
ne s'opposant que sur des détails de forme.
Plan :
I l'Etat fédéral
et l'Etat décentralisé tendent à avoir la même structure
et les mêmes principes de fonctionnement…
Lorsque l'Etat décentralisé évolue vers un système
de régionalisation (exemples de l'Italie et surtout de l'Espagne), alors
il se rapproche de l'Etat fédéral au point d'avoir :
A une même structure :
a) deux niveaux juridiques superposés et hiérarchisés :
- superposés : Etat central et fédéral d'un côté,
Région et Etat fédéré d'un autre côté
peuvent avoir dans des domaines distincts leur propre législation et
réglementation
- hiérarchisés : supériorité d'un droit commun sanctionnée
par un tribunal constitutionnel (art. VI Constitution US de 1787).
b) deux niveaux de gouvernement
- Les unités fédérées et décentralisées
(régions) peuvent avoir des institutions gouvernementales (La communauté
autonome espagnole a son propre Président élu, son Parlement,
son Tribunal supérieur [art.148/150] comme un Etat fédéré
américain).
- Les unités fédérées et décentralisées
peuvent avoir une compétence de droit commun donc évolutive (Allemagne,
art. 72, Etats-Unis section VIII, amendement X de 1791 pour des systèmes
fédéraux), (Espagne, art. 149-3 pour les matières «
qui ne sont pas expréssément attribuées à l'Etat
» dans le cadre d'un système unitaire).
-
B les mêmes principes de fonctionnement :
a) principe d'autonomie
- possibilité d'avoir leurs propres institutions financées par
des ressources propres (régions italiennes art. 119)
- possibilité d'avoir leur propre régime politique avec à
leur tête des partis qui ne sont pas au pouvoir au sommet de l'Etat
b) principe de participation
- représentation des Etats fédérés ou des régions
dans une seconde Chambre (Sénat américain/espagnol art.69-5 /italien
art.57)
- possibilité de prendre des décisions qui s'imposent au pouvoir
central (à travers par exemple la technique du référendum
en Italie art75/123).
II tout en ne s'opposant que sur des détails de forme.
A le pouvoir constituant
a) les Etats fédérés ont formellement un pouvoir constituant
- ils peuvent déterminer leur propre Constitution (et donc « constituer
» leur propre gouvernement).
- ou encore modifier la Constitution fédérale
b) les régions n'ont pas de pouvoir constituant
- il n'existe qu'une seule Constitution qui s'impose à tous dans un Etat
unitaire
- mais les régions par exemple en Espagne peuvent dans une loi organiser
leurs propres institutions (art. 148) / idée de « libre gouvernement
» (art. 143). Cela revient à un système fédéral
car ce type de loi comme la Constitution d'un Etat fédéré
doit respecter la Constitution du gouvernement central.
B la qualité
d'Etat
a) les régions ne sont pas des Etats
- au plan interne : seul le gouvernement central a qualité d'Etat. Il
monopolise ainsi les pouvoirs régaliens (armée, police, monnaie,
etc.)
- au plan international : elles n'ont pas de personnalité internationale
et ne peuvent donc par exemple conclure des traités
b) les Etats fédérés sont reconnus quelque fois comme étant
des Etats à souveraineté limitée
- mais la souveraineté n'appartient pas aux Etats (seulement au souverain
: peuple ou Nation) et ne saurait être limitée sauf à ne
plus exister (la souveraineté est par nature indivisible cf. Rousseau)
- mais les Etats fédérés ne sont pas des Etats car ils
ont perdu leurs pouvoirs régaliens (armée, monnaie, etc.) et ne
peuvent contracter au plan international qu'avec l'accord de l'Etat fédéral.
Justification
et limite du contrôle de constitutionnalité
Introduction :
•
partir d'un fait d'actualité : l'apparition de Cours constitutionnelles
dans les nouvelles démocraties en Europe de l'Est ou encore en Afrique
de l'Ouest
•
commentez ce fait dans l'optique du sujet : tout se passe comme
si l'Etat de droit inventé par le droit constitutionnel occidental classique
ne pouvait aujourd'hui se penser et se pratiquer que comme « Etat
de droit constitutionnel ». Mais est-ce une garantie réellement
efficace ou l'effet d'une mode (d'une idéologie juridique) ?
•
définitions :
contrôle
de constitutionnalité : contrôle de conformité des
actes de l'Exécutif et du Législatif par rapport à la Constitution
pratiqué généralement par un juge ordinaire (voie d'exception)
ou particulier (voie d'action), soit a priori, soit a posteriori
origine :
1803 EU (décision Marbury contre Madison), 1920 Autriche (rôle
du juriste H. Kelsen).
•
problématique :
Ce
contrôle repose sur un double postulat :
-
Le soupçon que les lois (ou encore
les actes de l'Exécutif) peuvent être liberticides ou menacer la
structure d'un régime ; ce qui les conduit à violer la Constitution
(contenant l'énoncé des libertés fondamentales dans son
Préambule en général et les principes directeurs de l'Etat).
-
La confiance dans le juge considéré
comme impartial, a-politique et donc en mesure de s’opposer à la
volonté des représentants pour des raisons de droit seulement.
Mais
ce soupçon et cette confiance sont-ils justifiés ? Surtout,
n'entraînent-ils pas à travers la mise en place d'un contrôle
constitutionnalité une négation de la volonté du peuple
(assimilée à celle de ses représentants) ? La Constitution
ne fait-elle pas l'objet d'une sacralisation ? Pourquoi la volonté
ancienne du peuple (1789-1958) devrait-elle toujours s'imposer à la volonté
présente du peuple ?
•
Phrase-plan : elle doit obligatoirement contenir une réponse
argumentée et nuancée à la question posée. Ce qui
importe n'est pas tant le choix de la réponse que de faire la preuve
que vous être capable de justifier votre propos de manière claire
et rigoureuse.
Solution
proposée : Le contrôle de constitutionnalité repose sur une justification aporétique
(ou problématique) et rencontre des limites tant d'un point de vue pratique
que théorique.
Plan :
Deux
difficultés :
A
le soupçon envers la loi parlementaire :
Cela
revient à ne pas prendre au sérieux la confiance révolutionnaire
envers la loi et à oublier les actes de l’Exécutif.
a)
La confiance révolutionnaire envers
la loi
-
Les révolutionnaires avaient confiance
en la loi en tant qu’elle exprimait la volonté du souverain (le
peuple) et qu’elle était guidée par l’Intérêt
général (Rousseau).
-
Plutôt que de rechercher à
s’opposer à la loi, ne faudrait-il pas la restaurer ? (Renforcement
des Parlements, amélioration de leur travail)
b)
L'oubli des actes de l’Exécutif
-
Le contrôle de constitutionnalité
ne concerne généralement pas en Europe (cf. art. 61 de la Constitution
française) les actes de l'Exécutif ; cela à l’opposé
des EU. Pourquoi un tel privilège ?
-
Les actes de l'Exécutif peuvent encore
plus menacer les libertés que ceux des Parlements contemporains affaiblis
par le fait majoritaire.
a)
Paradoxe logique
-
On prétend opposer la volonté
du peuple avec elle–même en donnant toujours la préférence
à sa manifestation la plus ancienne (par exemple la DHHC de 1789)
b)
Paradoxe politique
-
Pourquoi la manifestation la plus ancienne
de la volonté du peuple contenue dans la Constitution doit s"imposer
à la manifestation présente qui peut être plus progressiste
ou adaptée aux évolutions récentes ?
-
N'est-ce pas organiser une nouvelle « aliénation » ?
II
… des limites tant d'un point de vue pratique que théorique.
a)
Le contrôle peut être contourné
-
caractère non systématique
des contrôles a priori ou a posteriori
-
possibilité d'absence de recours
(notamment si entente des organes constitutionnels : cas de la France avant
la réforme de la saisine du Conseil constitutionnel de 1974 cf. l’exception
de 1971).
b) Le contrôle peut se politiser
-
à travers une interprétation
ou une actualisation du sens de textes anciens et flous (cf. préambule
de 1946)
-
à travers la nomination des juges
qui est politique en France et aux EU (rôle du chef de l'Etat par exemple).
a)
Le risque de sacralisation des Constitutions
-
Passage à une super rigidité :
pour éviter le contournement du contrôle par des révisions
de la Constitution. Exemple de la décision Maëstricht II Considérant
19 (France) et de la notion de « basic structure » (Inde) :
principe d’un contrôle de constitutionnalité des révisions
de la Constitution
-
Idée religieuse d’un noyau
intangible. Mais la Constitution peut-elle prétendre être un dogme
invariable, soustrait à la volonté populaire comme la Bible ou
le Coran ?
b)
La théorie de la souveraineté
-
La notion contemporaine de la souveraineté
détruit logiquement l’obstacle du contrôle de constitutionnalité :
le peuple souverain peut toujours modifier la Constitution ou les procédures
de révision de la Constitution (Ce qu'admet implicitement le Conseil
constitutionnel dans sa décision de 1962 où il refuse de contrôler
les lois référendaires).
-
Vers l'abandon de la notion contemporaine
de souveraineté ?
Le régime de la Ve République est-il un régime parlementaire dualiste ?
Introduction :
- dès l'origine, les observateurs ont eu une grande difficulté
à définir la nature du régime : parlementaire ? présidentiel
? mixte ? Même le général de Gaulle ne s’y est pas risqué.
Il s'est contenté de dire que le régime avait à la fois
des traits parlementaires et présidentiels (cf. citation cours).
La difficulté vient notamment de la place originale du président
de la République (arbitre, chef d l'Exécutif ?) et de l'ambiguïté
de ses rapports avec le Premier ministre et le gouvernement .
- définitions :
régime parlementaire : régime de séparation souple des
pouvoirs. Chaque organe constitutionnel (Exécutif/Législatif)
a la possibilité de collaborer et de se révoquer mutuellement.
dualisme : le gouvernement est responsable politiquement à la fois
devant le Parlement (généralement la 1ère Chambre) et le
chef de l'Etat. Origine en France : la Monarchie de Juillet. Idem Belgique.
= Attention : la responsabilité politique implique la possibilité
d’être révoqué pour l’organe responsable.
- problématique :
si le régime est manifestement un régime parlementaire (existence
de la dissolution art. 12 et de la responsabilité politique du gouvernement
devant l’Assemblée Nationale art. 49), la nature dualiste du parlementarisme
doit être discutée. Une réponse ne peut être donnée
qu’à partir d'une analyse des rapports président /gouvernement
, président/ Premier ministre fondée sur l'art. 8.
- plan proposé : « Sous la Vème République, l'absence
de responsabilité politique du gouvernement devant le chef de l'Etat
n'exclut pas que ce dernier fasse pression sur le Premier ministre pour l'inciter
à démissionner avec les ministres solidaires ».
1ère partie
: absence de responsabilité politique du gouvernement devant le chef
de l’Etat
A l'article 8 est clair !
a) sens littéral
art. 8-1 : le Président « met fin aux fonctions du Premier ministre
sur la présentation par celui-ci de la démission du gouvernement
».
C'est le Premier ministre lui-même qui décide de son départ.
Un départ qui entraîne celui du gouvernement en raison de la solidarité
gouvernementale. Seule l'Assemblée Nationale est en mesure de renvoyer
le Premier ministre et son gouvernement à la suite d'un vote de censure
ou le rejet de la question de confiance.(art. 49)
art. 8-2 : le Président « met fin aux fonctions des autres membres
du gouvernement » sur « la proposition du Premier ministre ».
Là encore le Premier ministre est décideur puisque sa proposition
est nécessaire afin de révoquer un ministre ou secrétaire
d’État.
b) statut de l'art. 8
distinguo art.8-1 (pouvoir propre) et 8-2 (pouvoir partagé). Dans le
cas de l'article 8-2, le contreseing du Premier ministre est nécessaire.
Cela permet d’écarter définitivement toute possibilité
de révocation unilatérale du gouvernement par le Président
; le Premier ministre pouvant refuser de donner sa signature.
B la confirmation
par les travaux préparatoires et l'esprit de la Constitution :
a) Interrogé au Comité consultatif constitutionnel le 8
août 1958 sur le pouvoir du président de la République de
révoquer le Premier ministre, le général de Gaulle répondit
: « Mais non, il ne peut pas révoquer le Premier ministre, sans
quoi d'ailleurs le Premier ministre ne pourrait gouverner avec l'esprit libre...
»
(Cf. cours citation).
b) Le Général de Gaulle s'évade du sens littéral
de l'article 8 pour s'attacher à l'esprit de la Constitution : l'arbitrage
présidentiel (art. 5) n'exclut pas que le gouvernement gouverne et soit
donc libre de le faire = pas de révocation possible.
2ème partie : le président de la République peut cependant faire pression sur le Premier ministre pour l'inciter à démissionner avec l'ensemble des ministres solidaires:
A l'article 8-2
n'interdit pas au président de la République de demander au PM
et à son gouvernement de partir :
a) la Constitution n'interdit pas que dans des circonstances exceptionnelles
(art. 16) ou en cas de désaccord avec le Premier ministre (qui rendrait
délicat e l'utilisation des pouvoirs partagés art. 19), le président
pousse le chef de gouvernement à partir. Cela semble d'ailleurs
conforme avec l'idée d’arbitrage et avec la nécessité d'éviter
des blocages au sein de l'Exécutif.
b) à partir de1964, le général de Gaulle déclare
« qu'il a la faculté de changer de Premier ministre ». Ses
successeurs l'entendront de la même façon... Cela ne veut pas dire
révocation.
B la demande présidentielle
sera efficace en fonction du contexte politique :
a) contexte majoritaire : le président a les moyens politiques (forte
légitimité, soutien de la majorité parlementaire et des
partis de gouvernement ) de peser sur le Premier ministre. Les lettres de démission
des différents Premier ministre dans ce contexte révèlent
que les Premier ministre sont partis sans le souhaiter vraiment sur l'initiative
du président de la République (f. fiche TD)
b) contexte de cohabitation : le président affaibli n'a pas les moyens
politiques d'exercer une pression efficace sur le Premier ministre et son gouvernement.
Aucun exemple connu de tentative présidentielle de depuis 1986.
Conclusion : le régime de la Vème ne peut être dit dualiste.
Page écrite par O. CAMY. Droits de reproduction et de diffusion réservés.