Cours
écrit par O. CAMY
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Les
outils de l’analyse juridique :
droit/fait : distinction fondamentale. Le juriste privilégie évidemment
l’étude de ce qui existe en droit (c'est-à-dire le comportement
des individus tel qu’il doit ou peut être d’après les normes juridiques
en vigueur) par rapport à ce qui existe en fait (c'est-à-dire
le comportement réel des individus conforme ou non aux normes juridiques).
En droit constitutionnel, le juriste devra partir de l’étude de la Constitution,
mobiliser toutes les dispositions écrites ou non concernées pour
déterminer le comportement autorisé des individus. Dans un cas
pratique, le juriste utilisera selon le cas des éléments de la
Constitution en vigueur ou d’une Constitution fictive.
droit écrit/coutume : distinction pertinente surtout dans le droit constitutionnel anglo-saxon. En France, le droit constitutionnel est écrit, c'est-à-dire a été édicté par un organe compétent sous la forme d’une loi constitutionnelle (Cf. actuellement la Constitution de 1958). Le Conseil constitutionnel ne reconnaît pas et ne sanctionne pas de coutume constitutionnelle. En Grande Bretagne, le droit constitutionnel est coutumier pour une faible partie. Dans le dernier cas, il est le produit d'usages sanctionnés par les tribunaux.
lettre/esprit : distinction utile pour l'interprétation
d'un texte ou d'une disposition.
- la lettre : c'est le sens littéral ou apparent
- l’esprit : c'est l'idée générale qui a
présidé à l'élaboration d’un texte et
continue à l’animer. Par exemple, l'esprit de notre
Constitution de 1958, c'est un parlementarisme original incorporant des
traits présidentiels compte tenu de la position d’arbitre
du Président de la République.
Le juriste devra se guider sur l'esprit d’un texte pour l'interpréter
(et comprendre son application) si le sens littéral ne fournit pas la
solution.
littéralisme : pathologie du droit qui consiste à s'en tenir au sens littéral d'un texte juridique en ignorant les finalités, le sens global de ce texte. Il peut en découler une application absurde ou pervertie du texte. Le littéralisme dans le cadre de l'interprétation des textes religieux à portée juridique est souvent qualifié d'intégrisme.
régime constitutionnel/politique : distinction
utile pour construire et utiliser une typologie des régimes
- régime constitutionnel : organisation juridique d’un État déduite
d’une Constitution
- régime politique : organisation juridique et politique d'un État
déduite d’une Constitution et des usages politiques.
Généralement les typologies en droit constitutionnel utilisent
des variables de fait (ordre de la science politique) et donc classifient des régimes politiques.
Ex. : le régime politique en Grande Bretagne est dit parlementaire. En
effet, la responsabilité du Cabinet (élément essentiel
du parlementarisme) se déduit non de la Constitution mais des Conventions
de la Constitution.
sens littéral/construit : distinction
fondamentale utilisable pour l’interprétation d'un texte ou d'une disposition
en vue de son application.
- le sens littéral est le sens apparent ou premier d’un texte .
- le sens construit est le sens tiré d’un texte ou
d’une disposition grâce à un raisonnement juridique
en vue de l'application à une situation. Par exemple, la
Constitution de 1958 ne parle pas explicitement de la
possibilité de renvoi du Premier ministre par le
Président de la République. Il faut procéder
à une interprétation de l’article 8 pour
déterminer si le Président de la République peut
renvoyer ou non le Premier ministre.
texte/application : la Constitution de 1958 en vigueur se présente comme un texte dont la signification est censée guider le comportement des individus. Ces derniers font une application du texte qui peut lui être conforme ou non. Le juriste se doit de connaître le texte constitutionnel mais aussi son application qui a pu évoluer depuis 1958.
transgression/violation : distinction utile pour
apprécier la conformité ou non d'un comportement par rapport à une norme juridique
- transgression : non respect par un acte ou une norme de l'esprit et non de
la lettre d'une disposition juridique. La transgression n'est pas nécessairement
considérée comme une violation.
- violation : non respect par un acte ou une norme d'une disposition
juridique. Dans le cadre du droit constitutionnel non
juridictionnalisé (soit non soumis à
interprétation et à contrôle du Conseil
constitutionnel), la violation n’est violation que de la lettre
de la Constitution. Pour le droit constitutionnel
juridictionnalisé, le Conseil constitutionnel ne s’en
tient pas au seul respect de la lettre de la Constitution mais fait
prévaloir l’esprit (par le biais d’une
décision de non conformité ou d’une réserve
d'interprétation).
usage ou pratique constitutionnelle : terme équivalent pour désigner
la manière habituelle d’appliquer ou d'interpréter un texte constitutionnel
par un organe non juridictionnel.
- pour l'application : il s'agit de l’application d'un pouvoir prévu
par la Constitution. Ce pouvoir peut être ainsi non utilisé comme
par exemple le droit de dissolution sous la IIIème République
à partir de 1877. Ce type d'usage a souvent une cause en partie politique.
- pour l'interprétation : il s'agit de l'interprétation d'une
disposition constitutionnelle qui peut être restrictive ou extensive.
Par exemple, les pouvoirs présidentiels sous la Vème République
sont généralement interprétés de manière
extensive. Les usages interprétatifs ont souvent eux aussi une dimension
politique.
Les usages ou pratiques contrairement aux coutumes n’ont pas de valeur juridique.
Ils ne lient pas les organes constitutionnels et ne sont pas sanctionnés
par les tribunaux. Dans le monde anglo-saxon, on les appelle « conventions
de la Constitution ».