CONCEPTS DE DROIT CONSTITUTIONNEL GÉNÉRAL
La Grande-Bretagne
Plan du cours sur la Grande-Bretagne :
le cadre normatif
- normes constitutionnelles
- normes non constitutionnelles
fonctionnement
- l'Exécutif
A le Souverain
B le Cabinet
a) composition
b) compétences
- le Parlement
A la Chambre des Lords
B la Chambre des Communes
- évolution récente du régime
+ lectures complémentaires : la devolution, la décentralisation en Ecosse Article de PHILIP SCHLESINGER (en français), à propos de : Constitutional Future, edited by Robert Hazell, Oxford University Press, february 1999 (en anglais)
Suppléments :
- consultez les sites web sur la Grande-Bretagne (La Chambre des Lords La Chambre des Communes et les documents en ligne (cf. sur Les Law Lords))
- réformes du régime : le Constitutional Reform Act 2005 (texte, commentaire)
La Grande-Bretagne a inventé le parlementarisme, mis en place la première
un "gouvernement modéré" selon l'expression de Montesquieu. C'est
pourquoi dès le 18ème siècle, son régime va être
considéré comme un modèle, un idéal en Europe, en
Amérique. La France, les États-Unis tenteront ainsi de reproduire
à leur manière le fonctionnement des institutions britanniques.
Revenons sur la genèse de ce régime.
Le régime britannique aux lendemains de la Glorieuse Révolution
(1688-1689) n'est encore qu'un régime de balance des pouvoirs (ou de
type présidentiel selon la terminologie moderne). Si l'Exécutif
en la personne du monarque possède déjà en plus du droit
de veto, la prérogative de dissolution de la 1ère chambre (ou
Chambre des Communes), celle-ci ne peut mettre en cause la responsabilité politique de l'Exécutif.
Pour qu'apparaisse le parlementarisme britannique, il faudra que le
Législatif conquiert la possibilité de renverser
l'Exécutif. Ce qui va se faire au 18ème siècle. En
1782, les parlementaires obtiennent la démission collective du
gouvernement britannique dirigé par Lord North ;gouvernement
encore soumis au monarque. La responsabilité politique est
née mais elle ne concerne pas le chef d'État (en
l'occurrence le monarque).
Aujourd'hui encore, le régime parlementaire britannique comme
tous les régimes parlementaires modernes n'admet que le principe
d'une responsabilité ministérielle (concernant seulement
le Gouvernement ou Cabinet ministériel). Cela parce que le
monarque a progressivement perdu la plupart de ses compétences
au profit du Cabinet. Il a ainsi perdu le pouvoir de dissoudre la
Chambre des Communes, pouvoir qui est passé à partir de
1714 aux mains du Cabinet. Il est logique qu'en raison de son
dessaisissement le monarque ne soit pas responsable devant le Parlement.
Au total, dès la fin du 18ème siècle,
le parlementarisme britannique avec ses mécanismes fondamentaux
(dissolution/responsabilité) est en place. Il s'agit d'un parlementarisme
moniste : le Roi ou la Reine s'étant effacés, le cabinet n'est
responsable que devant le Parlement.
le cadre normatif du régime
britannique
Ce cadre se compose de normes juridiques constitutionnelles
et de normes politiques conventionnelles. Pour comprendre le régime politique
britannique, il faut surtout tenir compte des normes conventionnelles. En
effet, si
l'on se bornait à considérer le droit constitutionnel britannique
au sens strict, nous serions amenés à décrire une Grande-Bretagne
irréelle, une Grande-Bretagne dont le régime serait encore la
monarchie absolue. Selon le droit constitutionnel au sens strict, les ministres
sont des commis de la Reine, révocables par elle. Les navires de guerre,
les bâtiments publics sont la propriété de la Reine ; les
pensions et les traitements des fonctionnaires leur sont alloués par
faveur de la Reine, etc. Mais tout cela est théorique. En effet le monarque
a accepté de ne plus utiliser nombre de ses pouvoirs ou prérogatives.
Il s'est conformé à des usages politiques (ou Conventions de la
Constitution), qui conditionnent l'application du droit constitutionnel au sens
strict ou le complètent.
Normes juridiques constitutionnelles
A écrites : elles émanent du Parlement et de toutes les
autres autorités auxquelles le Parlement a donné le pouvoir de
légiférer ; elles proviennent aussi de la législation issue
des organes européens. Parmi les textes d'origine parlementaire les plus
importants, on retiendra :
a) la Magna Carta ou Grande Charte de 1215 votée par le Parlement britannique
bien avant la formation du Royaume Uni. On y trouve l'exposé de différents
droits fondamentaux donnés à certains ordres sociaux : l'Église
doit être libre, Londres et les autres cités doivent pouvoir jouir
de leurs libertés en fonction de leurs coutumes propres, les marchands
ne doivent pas être soumis à des impôts injustes etc.
b) la Petition of Right de 1628 : elle contient des protestations contre la
création d'impôts sans le consentement du Parlement, contre l'emprisonnement
arbitraire, l'utilisation de la loi martiale en temps de paix...
c) le Bill of Rights de 1688 qui est déjà une Constitution moderne.
On y trouve notamment :
- l'interdiction de suspendre les lois sans l'autorisation du Parlement.
- le principe d'élections Parlementaires libres
- le droit de faire des pétitions au Roi
d) l'Act of Settlement de 17OO concernant les conditions de dévolution
de la Couronne notamment.
Il faut noter que si en théorie rien ne distingue les lois
constitutionnelles des lois ordinaires, en pratique deux
différences existent:
- les projets de lois constitutionnelles ne sont pas en
général discutés en commission Parlementaire
ordinaire mais dans le Comité de la Chambre entière
(Chambre des Communes)
- les juges répugnent à considérer que les lois constitutionnelles
peuvent être abrogées par des lois ordinaires.
B non écrites : il s'agit principalement de normes d'origine coutumière qui ont été interprétées et sanctionnées par le juge. Ces normes ont trait aux compétences de la Couronne, aux droits fondamentaux notamment des justiciables devant un Tribunal (Habeas Corpus). Elles sont très peu nombreuses ; ce qui fait qu'il est faux de dire que la Grande Bretagne a un régime politique fondé sur du droit constitutionnel coutumier.
§2
normes politiques constitutionnelles
Il s'agit de normes non écrites issues de pratiques politiques généralement
répétées : on appelle ces normes « Conventions de
la Constitution ». Elles ne sont pas sanctionnées par les tribunaux
qui peuvent cependant s'y référer. Elles sont très nombreuses
et contiennent nombre des règles de fonctionnement du régime parlementaire
britannique. Le parlementarisme est en fait d'origine conventionnelle. On citera
notamment les Conventions suivantes :
- la Reine doit nommer sur proposition du Premier ministre des ministres qui
doivent appartenir à l'une des deux Chambres.
- le Gouvernement issu des élections doit avoir la confiance
d'une majorité de députés des Communes
- si le Premier ministre a perdu les élections, il doit démissionner
immédiatement
- une personne nommée ministre doit cesser ses activités dans
le domaine des affaires et des finances.
fonctionnement du régime politique britannique
Nous tiendrons compte ici essentiellement du droit constitutionnel britannique
interprété et appliqué à la lumière des Conventions
de la Constitution.
l'Exécutif
Il est bicéphale mais pas dyarchique. Ce qui veut dire que c'est un Exécutif
à deux têtes (le Souverain, le Cabinet) dont une seule gouverne.
Il n'y a pas de double commandement ce que suppose l'idée de dyarchie.
On distingue entre :
A le monarque
Il n'exerce aucun pouvoir véritable ; c'est une simple
autorité morale mais dont le rôle est essentiel.
« Le roi règne mais ne gouverne pas ». Ce rôle
est double :
a) rôle de représentation : le monarque est l'incarnation
vivante de la Nation. Il garantit son unité et sa permanence.
Les sentiment de loyauté et de patriotisme du peuple britannique
s'adressent avant tout à lui. Pourtant, c'est depuis seulement
une époque récente qu'on constate un véritable
attachement envers le souverain, et à travers lui à la
personne du roi et de la reine (depuis le règne de Victoria
1837/1901).
b) rôle de magistrature morale : le Monarque peut exercer une influence
personnelle en période normale ; influence qui en période exceptionnelle
peut se traduire par un véritable pouvoir.
Cette influence personnelle vient du fait que le Souverain est un personnage
très renseigné. Ainsi, tous les documents destinés au Cabinet
(dépêches d'agences, diplomatiques) lui sont communiqués.
De plus, chaque semaine, le Premier ministre lui fait un compte rendu oral des
délibérations qui ont eu lieu au sein du cabinet. Cette influence
s'exercera surtout dans les domaines qui ne sont pas très politisés,
ceux où les partis politiques n'exercent pas une pression trop forte.
(exemple : politique étrangère CEE).
Dans des périodes exceptionnelles (instabilité politique, tripartisme...)
le Souverain peut être amené à user de certaines prérogatives
qu'il avait autrefois comme choisir le Premier ministre :
Ex : 1923, lors de la démission de Bonar Law pour raison de santé.
George V a alors choisi Baldwin à la place de Lord Curzon, en demandant
l'avis de Balfour, ancien leader conservateur
Ex : 1931, MacDonald (travailliste) démissionne et demande à George
V , contre l'avis du parti travailliste de le rappeler pour former un gouvernement
d'union nationale.
Ex : 1974, les élections n'avaient pas permis de dégager une majorité nette aux Communes :
- les travaillistes d'H. Wilson étaient minoritaires en voix mais disposaient
du groupe le plus nombreux : ils proposaient cependant de gouverner.
- les conservateurs d'E. Heath avaient obtenu le plus grand nombre de voix mais
étaient minoritaires en sièges : ils voulaient faire un gouvernement
d'Union nationale avec les libéraux].
La Reine Elisabeth II s'en est tenu à la tradition en appelant le chef
du groupe le plus nombreux, donc le travailliste H. Wilson.
B
le Cabinet
Le cabinet dirigé par le Premier ministre exerce l'essentiel des compétences
gouvernementales. Il émane du Conseil Privé du Souverain, ancien
organe de Gouvernement qui est demeuré mais dont les compétences
sont honorifiques (proclamation du successeur à la couronne, proclamation
de la déclaration de guerre...). C'est donc l'organe de Gouvernement
au sens strict (par opposition au Ministère composé de toute les
personnes au sein de l'Exécutif appartenant au parti majoritaire et responsables
devant le Parlement) qui est l'organe de Gouvernement au sens large.
a) composition :
Le cabinet moderne comprend un peu moins ou un peu plus d'une vingtaine de membres.
Aucun texte écrit ne fixe la composition de ce cabinet mais des contraintes
politiques et administratives réduisent la liberté de choix du
Premier ministre. On y trouve :
- le Prime Minister lui-même, bien sûr, qui est à la tête
du gouvernent. Mais il n'est formellement qu'un primus inter pares: un
ministre parmi les autres.
- les ministres : obligatoirement, le ministre de l'intérieur (Home Secretary),
le ministre des Affaires Étrangères (Foreign Secretary), le ministre
de l'Économie (Chancellor of the Exchequer), le ministre de la
Justice (Lord Chancellor) dont la fonction a été réformée
par le Constitutional Reform Act de 2005.
- les secrétaires d'État :
- les ministres d'État (ou Parliamentary Secretaries) chargés
de s'occuper des relations avec le Parlement.
- les ministres sans portefeuille : le Lord President of the Council qui est
aussi souvent Leader de la Chambre des Lords, le Chancelier du Duché de Lancaster...
La nécessité politique veut que tous les membres du Cabinet soient
membres de la Chambre des Communes ou de la Chambre des Lords (dans ce dernier
cas, il s'agit souvent du Lord Chancelier et du leader de la Chambre des Lords).
b) compétences : il faut distinguer entre les :
1 compétences
personnelles du Premier ministre
Ces compétences dérivent surtout de simples pratiques ou
conventions de la Constitution. L'existence même du Premier
ministre n'a été reconnue que tardivement par la loi de
façon occasionnelle (1917, 1959 etc.) même si en pratique,
il a existé un Premier ministre dès le XVIII
siècle (Robert Walpole de 1721 à 1742).
--- vis-à-vis du Gouvernement : il nomme tous les membres du Ministère
et bien sûr les ministres; il peut d'ailleurs demander à ces derniers
de démissionner ou à la Reine de les révoquer. Son approbation
est nécessaire pour la nomination des hauts fonctionnaires, les directeurs
de départements ministériels, dirigeants d'entreprises publiques.
Son contrôle de la machinerie gouvernementale découle de plusieurs
raisons :
- il décide si telle ou telle tâche gouvernementale doit être
affectée à tel ou tel département ministériel (ou
si ces départements doivent être réunifiés, divisé,
supprimés).
- il peut lui-même s'intéresser à certains domaines gouvernementaux.
De temps à autres, on le verra même prendre en charge un de ces
domaines et gouverner à travers le ministre qu'il a nommé. C'est
le cas pour la défense, les affaires étrangères, l'économie.
Le Premier ministre se réserve aussi la possibilité de s'occuper
d'affaires brûlantes. Il le fera généralement lors de réunions
de conseils restreints ou comités interministériels sans attendre
que se réunisse le Cabinet.
-- parce qu'il préside les réunions du Cabinet, le Premier ministre
peut contrôler ses discussions internes et décider de son ordre
du jour.
-- à la différence des autres ministres, le Premier ministre a
plus souvent l'occasion de présenter et défendre la politique
gouvernementale devant le Parlement. Il répond aux questions des membres
de la Chambre des Communes tous les mardis et jeudis (à 15H15). Enfin,
il contrôle la communication des informations gouvernementales à la presse.
- seul parmi les autres ministres, il rencontre fréquemment la Reine
et il est responsable du fait qu'elle soit tenue au courant de décisions
prises par le Cabinet. En particulier, il pourra recommander que des élections
Parlementaires aient lieu, cela sans en informer préalablement le Cabinet.
--- vis-à-vis du Parlement : il exerce une compétence essentielle, la dissolution. Dissolution qui a aujourd'hui surtout un but électoral : choisir le meilleur moment pour provoquer des élections anticipées en fonction des sondages.
2 compétences
collectives du Cabinet :
En principe, il doit exercer ses compétences de façon collégiale,
notamment en prenant ses décisions à la majorité lors de
ses réunions au 10 Downing Street. Il décidera de cette façon
des lignes générales de la politique extérieure et intérieure,
du dépôt des projets de loi, de la mise en jeu de sa responsabilité...
Cette responsabilité est collective (depuis 1878). Cela implique :
- le Premier ministre et les autres ministres sont collectivement responsables
devant le Parlement et en particulier devant la Chambre des Communes pour la
conduite des affaires nationales.
- aussi longtemps que le parti gouvernemental est majoritaire aux Communes,
le Premier ministre ne peut être forcé à démissionner
ou à exercer son droit de dissolution.
-quand le Premier ministre meurt ou démissionne, le nouveau Premier ministre
peut renouveler tous les postes ministériels.
Il faut savoir que le Cabinet a peu de chances d'être
renversé car il a presque toujours depuis des décennies
le soutien d'une majorité de députés
disciplinés à la Chambre des Communes. (seulement deux
cabinets renversé en 1924: Mac Donald et 1979 Callaghan). Sa
véritable responsabilité, il la joue devant le peuple
à l'occasion des General Elections.
- Au sens large, il est composé du Souverain, de ses ministres, de la
Chambre des Lords et de la Chambre des Commune. Formellement, l'accord de toutes
ces autorités est nécessaire pour que les lois soient valables.
Mais cet accord en pratique n'est plus utile :
- d'une part, l'assentiment royal (royal assent) aux lois votées par
les chambres est automatique. Depuis 1701, à l'époque de la Reine
Anne, la sanction n'a jamais été refusée.
- d'autre part, la Chambre des Lords comme nous allons le voir a vu ses prérogatives
d'opposition considérablement réduites. En conséquence,
la loi émane avant tout de la Chambre des Communes.
- Au sens strict, il n'est composé que des deux chambres. C'est donc
un Parlement bicaméral ; le bicamérisme est inégalitaire
compte tenu des faibles compétences de la Chambre des Lords.
la Chambre des Lords (House of Lords)
Site web de la Chambre des Lords
a) composition
= très variée, elle ne doit rien à l'élection: environ
600 membres dont:
- 550 pairs nommés à vie par le Souverain
dont 27 pairs d'Appel dont 12 "Law Lords in ordinary" qui jugent et
15 Law Lords susceptibles de le devenir lorsqu'ils auront atteint l'âge
de 75 ans.
- 26 Lords spirituels ou évêques représentant l’épiscopat
d’Angleterre (dont l’archevêque de Cantorbéry).
En pratique, il n’y a guère plus de 200 à 400 Lords qui participent
aux réunions de la Chambre, présidée par le Lord Chancelier,
ministre du Gouvernement.
nota 1 : en 1999, ont été supprimés les pairs
héréditaires (750) [House of Lords Act de 1999] qui
dès 1963 (1963 Peerage Act) avaient pu renoncer à leur
titre pour être élus aux Communes. Un amendement a
prévu que 92 d’entre eux choisis par leurs
collègues et les groupes parlementaires de la Chambre des Lords
seraient maintenus en fonction. Le gouvernement travailliste a produit
un “Dossier blanc” le 7 novembre 2001 proposant une Chambre
des Lords nommée avec 120 membres élus. Une consultation
a eu lieu s'est terminée le 31 janvier 2002 ; la faible
proportion de membres élus a fait l’objet de nombreuses
critiques.
nota 2 : 1958 Life Peerage Act, le Premier ministre se voit reconnaître
la droit de nommer des Pairs viagers parmi lesquels des femmes (cf. Mme Thatcher)
b) rôle
- avant le 20ème siècle:
A l'origine du parlementarisme britannique, la Chambre des Lords a un rôle
prépondérant par rapport à la Chambre des Communes. Cette
prépondérance vient
- de ses compétences vis-à-vis du Cabinet: le Premier ministre
vient de la Chambre des Lords, elle préside le ministère
et elle contrôle le cabinet en jugeant les ministres lors de la mise en
oeuvre de la procédure de l'impeachment (responsabilité pénale)
- de ses compétences au sein de la procédure législative:
la Chambre des Lords vote comme la C des Communes la loi. Mais elle fait toujours
preuve de retenue; les lords ont tendance à céder lorsque la Chambre
des Communes n'est pas de leur avis. En cas de conflit persistant, c'est le
peuple qui décide: il y a dissolution de la Chambre des Communes et si
les électeurs renvoient la même majorité, alors les Lords
s'inclinent.
-- après le 20ème siècle:
A l'époque moderne, la Chambre des Lords perd sa prépondérance.
D'une part, le Premier ministre cesse de provenir de la Chambre des Lords, la
direction du Ministère devient théorique tandis que l'impeachment
est très peu utilisé.
D'autre part, la Chambre des Lords perd le pouvoir de voter la loi
à égalité avec la Chambre des Communes. C'est la
conséquence du vote des 2 lois constitutionnelles (ou Parliement
Acts) de :
1911: il faut distinguer entre:
- les lois financières (money bills): elles ne peuvent être modifiées
par les Lords. Ces lois sont promulguées dans les 30 jours quelque soit
l'attitude des Lords (rejet, modifications...).
- les lois ordinaires: les Lords peuvent s'y opposer pendant 2 ans; cela revient
à un veto suspensif (Si la Chambre des Communes vote lors de 3 sessions
successives pendant un délai minimum de 2 ans, la loi est considéré comme adoptée).
1949 : elle conduit à réduire le veto pour les lois ordinaires
à 1 an.
Au total, la Chambre des Lords est devenue presque une chambre d'enregistrement
n'utilisant efficacement que son droit d'amendement. Son existence continue
cependant à se justifier pour deux raisons:
1 rôle juridictionnel : la Chambre (exactement les Law
Lords) joue le rôle de tribunal supérieur d'appel pour tout
le Royaume (sauf pour l'Ecosse en matière criminelle). Cependant ce rôle
va disparaître avec le projet du Cabinet Blair de créér
une Cour suprême indépendante du Législatif (juillet 2003) qui a été adopté en 2005. Ainsi, une Cour
Suprême séparée de la Chambre des Lords sera créee
en 2009. Cette nouvelle institution possédera son propre système
de nomination des juges, son propre personnel, son propre budget et siègera
dans un nouveau bâtiment (Middlesex Guildhall à deux pas de la
Chambre des Lords). Les juges de cette Cour Suprême seront dans un premier
temps les actuels Law Lords. De plus, ils resteront membres de la Chambre des
Lords, même une fois la Cour Suprême créée. Mais,
ensuite, pour les futures nominations, une nouvelle procédure est prévue.
Quand un siège deviendra vacant, un comité de sélection
se formera. Il sera composé du Président et du Vice-président
de la Cour Suprême, ainsi que de membre des corps de nomination du Royaume-Uni
(Ecosse, Angleterre, Pays de Galles et Irlande du Nord). Tous les juges nommés
après la création de la Cour Suprême ne seront pas membres
de la Chambre des Lords. Ils prendront le titre de Justices of the Supreme Court.(Voir
le
commentaire de B. RABATEL).
2 rôle de contre pouvoir : les Lords en faisant connaître leur opposition
à un projet de loi peuvent freiner le Cabinet ou la Chambre des Communes.
Son indépendance a été accrue en 2005 par la mise en place
d'un Lord Speaker (élu pour la première fois le 4 juillet 2006)
qui succède au Lord Chancelier qui était ministre du Cabinet et
Président de la Chambre. Voir l'entretion de la Baroness
Hayman, Lord Speaker sur le site de la Chambre des Lords.
la Chambre des Communes :
Site web de la Chambre des Communes
L'origine de la Chambre des Communes remonte au XIVème siècle,
c'est-à-dire à l'époque où le Conseil féodal
primitif fut divisé en deux chambres. Mais le caractère d'assemblée
démocratique est récent : il remonte à la réforme
électorale de 1832. Le suffrage universel (ouvert aux femmes) ne date
que de 1918.
a) composition :
Environ 650 membres élus pour 5 ans au suffrage universel direct ; mais
ce mandat est régulièrement abrégé par la dissolution
de la Chambre. Le mode de scrutin est majoritaire à un seul tour. Ce
système brutal ne permet pas une représentation exacte de l'opinion.
Cependant, il est efficace dans la mesure où il oblige les tendances
voisines à se grouper pour bloquer leurs voix sur un seul candidat; cela
conduit généralement au bipartisme qui est lui-même une
condition de la stabilité politique. Le bipartisme actuel se traduit
par la domination de deux grands partis aux Communes :
- les conservateurs (Tories). Ce parti est appelé conservateur
depuis 1836. Il est idéologiquement favorable au capitalisme libéral
et s'oppose ainsi à tout dirigisme dans l'économie (cf. Les dénationalisations
de Mme Thatcher en 1979). Il fait référence à la grandeur
passée de l'Empire britannique et reste nationaliste (cf. La guerre des
Malouine en 1983). C'est un parti de cadres au plan des structures qui revendique
pourtant 1500000 adhérents. Il est centralisé avec à sa
tête un Conseil Central. Il est dirigé par son leader qui a vocation
à devenir Premier ministre. Le leader actuel est Brian Mawhinney qui
a succédé à J. Hawley, et à J. Major, ancien Premier
ministre.
- les travaillistes (Labour). C'est un parti de masse fondé en
1900 grâce notamment aux syndicats. A l'origine, on ne pouvait
adhérer directement au parti ; il fallait adhérer
à un syndicat ou à une mutuelle, coopérative. Le
Labour est plutôt favorable à la social démocratie,
est partisan des nationalisations. Depuis le congrès de Wembley
en 1981, le leader n'est plus désigné par le groupe
parlementaire aux Communes mais par un collège électoral
dans lequel les syndicats détiennent 40% des voix, les
parlementaires 30% et les délégués locaux, 30%.
Les modérés ont tenté une scission qui a
abouti à la fondation du parti social démocrate. Le
leader actuel s'appelle Tony Blair depuis juillet 1994. Il est
devenu premier Ministre depuis que les travaillistes l'ont
emporté aux dernières élections de 1997.
b) compétences :
Elle détient l'essentiel du pouvoir législatif et du pouvoir de
contrôle sur le Cabinet.
--------- pouvoir législatif :
La Chambre des Communes vote la loi mais l'initiative appartient en fait
à l'Exécutif: 90 % des lois sont issues des "government bills".
Son pouvoir de proposer, de voter, d'amender la loi est devenu de plus en plus
formel; car elle est prisonnière de la discipline majoritaire. Cette
discipline est due au fait que les élections générales
conduisent presque toujours à la victoire d'un parti uni, homogène
dont les dirigeants membres du Cabinet pourront donner des consignes de
vote aux députés membres de ce parti et donc
faire adopter ses projets de lois. Les "whips" sont les députés
chargés de vérifier si les députés de base respectent
la discipline partisane et Parlementaire.
Il y a alternance en fait depuis 1935 entre le parti conservateur (les Tories)
et le parti travailliste (le Labour) qui sont tous les deux des partis rigides
conduisant à la formation de majorité stables, disciplinées.
Ces majorités parlementaires vont obéir à l'état
major de leur parti victorieux installé au Gouvernement.
Cette liaison organique entre le Cabinet et les Communes rend difficile l'exercice
du pouvoir de contrôle sur le Gouvernement.
---------- pouvoir de contrôle :
La Chambre des Communes est la seule chambre à pouvoir renverser le Cabinet
à la suite d'un rejet de la question de confiance posée par le
Gouvernement ou à la suite du vote d'une motion de censure. Mais ce privilège
est de façade. On a vu que sauf en 1924 et en 1979 au 20ème siècle,
aucun Cabinet n'a été obligé de démissionner.
Cependant, il reste d'autres armes à la disposition du
Parlement pour contrôler le Cabinet; elles appartiennent en
fait moins aux Communes qu'à l'opposition et à la
majorité en tant que telles.
c) Rôle de
l'opposition et de la majorité :
Fait unique dans les régimes parlementaires contemporains, l'opposition
bénéficie d'un véritable statut lui permettant de jouer
pleinement son rôle de surveillance dans les limites du fait majoritaire.
Ainsi, le Chef de l'opposition aux Communes reçoit le titre de
"Leader de l'opposition de sa Majesté" appointé par le
Trésor Public ; il dirige ce qu'on appelle le « Cabinet de
l'ombre » composé de parlementaires de l'opposition qui
sont à titre de ministres de l'ombre les interlocuteurs
privilégiés des ministres en exercice. Le Leader de
l'opposition est consulté par le Premier ministre en cas de
problèmes graves ; il bénéficie du même
temps de parole que lui aux Communes.
L'opposition bénéficie aussi de l'impartialité du
Président des Communes appelé Speaker (qui demeure en
fonction toute la durée de la législature) ; celui-ci,
contrairement à ce qui se passe dans les autres Parlements
occidentaux ne prend parti, ne vote pas. En effet, il ne statue pas au
nom d'une majorité mais de l'assemblée dont il est
l'organe (ainsi que le rappelle son titre qui date de l'époque
où le Speaker était l'interprète des Communes
auprès du Roi). C'est un député élu sans
opposition dans sa circonscription à la suite d'un accord entre
les 2 partis. Il va donc diriger les débats, éliminer les
amendements inutiles (le kangourou) de façon neutre. Enfin,
l'opposition bénéficie de la séance des questions
orales (question time) qui dure une heure au début de chaque
séance sauf le vendredi; à égalité de temps
avec la majorité, elle peut poser des questions au Gouvernement
qui peut être mis en difficulté s'il n'arrive pas à
répondre correctement.
Pour la majorité :
Paradoxalement, il peut arriver que la majorité soutenant en principe
le Cabinet devienne son pire ennemi. A l'occasion de ce qu'on appelle des "crises
sèches", elle pourra désavouer son Leader, c'est-à-dire
le Premier ministre qui sera conduit à démissionner.
Deux exemples sont à connaître:
- 1956, la démission de A. Eden à la suite de l'équipée
de Suez.
- 1990, la chute de Mme Thatcher due à sa perte de
popularité dans l'électorat conservateur; ce qui a fait
craindre à son propre parti qu'elle empêcherait la
victoire des Tories aux Élections Générales.
Une "crise sèche" est donc un mécanisme de mise en jeu de
la responsabilité du Premier ministre, mécanisme
intériorisé qui ne passe pas par l'utilisation des
procédures formelles (motion de censure..). Il fonctionne
à l'intérieur du parti majoritaire et se traduit par la
désaffection du Cabinet ou des députés
vis-à-vis du Premier ministre.
évolution récente du régime :
On assiste depuis les dernières décennies à une montée
en puissance du Cabinet et surtout du Premier ministre au risque de la présidentialisation
du régime.
Ce fonctionnement se caractérise par les traits suivants :
A)style de gouvernement
plus personnel
La ligne politique générale tend à être décidée
par le seul Premier ministre qui n'hésite pas à organiser des
pressions externes ou à éliminer progressivement les opposants
au sein du Cabinet grâce à de nombreux remaniements successifs.
Par ce biais, le Premier ministre réussit à avoir une
majorité automatique pour lui sur beaucoup de sujets.
Cette autorité est renforcée par le fait que :
- le Premier ministre contrôle les ministères clés (défense,
économie... ) en gérant seul ces portefeuilles ou en réduisant
leur titulaires à un rôle d'exécutant.
- le Premier ministre contrôle la composition et l'ordre du jour
des comités de cabinet (réunions
institutionnalisées ou non en comité restreint du
Cabinet) Ex: Comité Économique, Comité de la
Chambre étoilée...
B) soutien politisé envers le Premier ministre
Le Premier ministre de plus en plus assure un leadership politique; il
exige de ses collaborateurs non seulement compétence mais aussi une allégeance
idéologique. Il existe toujours une dichotomie au sein du parti, du cabinet
; le Premier ministre exige que l'on choisisse son camp. Ex: sous Mme Thatcher
on distinguait entre les wets (mous) et les dries (durs).
Le risque (qui s'est réalisé d'ailleurs avec Mme
Thatcher) est que le Cabinet soit composé à la fin de
ministres partisans sans grande personnalité et qu'il ne
s'appuie plus que sur une aile du parti, la plus dogmatisée.
Avec pour conséquence l'isolement du Premier ministre qui finit
par tomber
Lectures complémentaires :
Note sur la devolution. À partir de 1999, le gouvernement de T. Blair a entrepris un programme de décentralisation du Royaume Uni qui consiste principalement en la création par la voie de référendum de parlements au Pays de Galles, en Ecosse et en Irlande du Nord. De plus, Londres a pu élire un maire. On aboutit à un système presque fédéral comprenant quatre " nations-régions " en son sein : l'Angleterre, l'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord. Mais il faudrait ajouter les Iles anglo-normandes et l'Ile de Man qui ont leur propre Parlement.
La
dévolution britannique se traduit par un transfert du pouvoir de
décision en matière économique, sociale et
culturelle du Parlement britannique vers une assemblée
régionale élue au suffrage universel qui est
dotée, à cet effet, de moyens politiques et
administratifs importants.
Ainsi, l'Ecosse, qui a conservé depuis 1706 son système judiciaire
et sa religion presbytérienne, est désormais dotée d'institutions
politiques qui lui sont propres :
- un exécutif dont le chef est nommé par la Reine sur proposition
du Président de l'Assemblée régionale écossaise
;
- un Parlement composé de 129 députés élus pour
4 ans (et autorisés à cumuler leur mandat avec celui de député aux Communes).
L'Ecosse jouit désormais d'un pouvoir législatif et d'une compétence
générale d'administration (santé, enseignement primaire
et secondaire, formation professionnelle, aide sociale et logement, développement
économique et transports, justice et police, environnement, agriculture,
pêche, forêt, sports, culture, administration locale). Cela a pour
conséquence que la législation écossaise peut être
amenée à modifier des lois britanniques pour une application en
Ecosse. Les dotations de l'Etat nécessaires à l'accomplissement
de ces tâches nouvelles restent décidées à Westminster
(c'est-à-dire par l'Etat central).
Le Pays de Galles a obtenu, quant à lui, non pas le pouvoir
législatif mais le pouvoir réglementaire. La commission
exécutive du Parlement gallois s'apparente au bureau d'un
conseil général français. Les pouvoirs
transférés au Pays de Galles (peu nombreux à ce
stade) feront l'objet d'une dévolution progressive..