Les textes fondamentaux que le programme du FN remet en
cause (source AFP)
PARIS, 30 avril 2002 - De la Constitution aux grands traités
européens, le programme du Front national remettrait en cause plusieurs
des textes essentiels qui fondent la vie politique française.
Les juristes et constitutionnalistes consultés par
l'AFP sont formels: contrairement à ce qu'affirme le FN, les propositions
du candidat Le Pen obligeraient la France à contredire la Déclaration
universelle des droits de l'homme de 1789, à dénoncer la Convention
européenne des droits de l'homme (CEDH) et à s'isoler au sein
de l'Union européenne.
La préférence nationale ?
"Cela nécessiterait de modifier la constitution de la Vème
République et ses dispositions sur la notion d'égalité",
relève Didier Maus, co-directeur de la Revue française de droit
constitutionnel. L'article 1er de la constitution indique
notamment que la France "assure l'égalité devant la loi de
tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion". "La
constitution parle du peuple français, pas d'une population indéfinie",
rétorque Me Marcel Ceccaldi, un des juristes du FN.
Mais "la jurisprudence du Conseil constitutionnel a consacré
depuis 40 ans l'égalité des Français et des étrangers",
rappelle Louis Favoreu, professeur de droit à l'université
d'Aix-Marseille.
Le chef du FN entend aussi restaurer la peine capitale. Mais
un référendum ou un vote parlementaire n'y suffiraient pas:
selon plusieurs experts, dont l'ex-garde des Sceaux (PS) abolitionniste Robert
Badinter, cette disposition exige une dénonciation de la CEDH.
Faux, affirme le FN. "Le protocole n°6 de la CEDH prévoit la possibilité
de la peine de mort en temps de guerre ou de danger imminent de guerre",
argumente Marcel Ceccaldi. Avant de qualifier le dit protocole de texte "liberticide
et extrêmement dangereux".
L'équilibre du code pénal
Sur le plan judiciaire, Jean-Marie Le Pen souhaite rendre
les peines incompressibles et supprimer la libération conditionnelle.
Dans un Etat frontiste, un condamné à la perpétuité
mourrait en prison et un condamné à dix années de réclusion
les effectuerait jour pour jour, mises à part les grâces présidentielles.
Cette mesure contredit la lecture par le Conseil constitutionnel
de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1789 ("La Loi
ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires")
et remet en cause l'équilibre du système pénal français.
"D'un point de vue du droit, c'est la négation de l'individualisation
des peines", explique Hubert Dujardin, procureur adjoint d'Evry (Essonne)
et membre du Syndicat de la magistrature (SM, gauche)."Sauf
à ressusciter le bagne et la relégation, c'est impossible.
Et il faudra multiplier les places en prison et les magistrats non plus par
deux, comme le propose le FN, mais par quatre", ajoute le magistrat.
Les conséquences juridiques seraient tout aussi radicales
pour la restauration des frontières (dénonciation des
accords de Schengen) ou le "nouveau protectionnisme" économique.
Le FN ne remet toutefois pas en cause l'existence même
du Conseil constitutionnel. Ce dernier continuerait donc à juger de
la constitutionnalité ou non des nouvelles lois et les tribunaux ordinaires
pourraient eux aussi juger certaines d'entre elles contraires aux traités
signés par la France et refuser de les appliquer.
Mais pour le Front, les grands textes n'ont rien à
craindre. "Si le FN défendait une politique contraire à l'ordre
et à la sécurité publique, c'est à dire aux principes
constitutionnels de ce pays, il ne pourrait pas exister", conclut Marcel
Ceccaldi.