Parité en politique : les partis traînent les pieds
LE MONDE | 27.11.06 | 14h11 Mis à jour le
27.11.06 | 14h11
En matière de parité, un premier bond en avant législatif
a été accompli avec la loi du 6 juin 2000 pour l'égal accès
des femmes et des hommes aux responsabilités politiques.
Une deuxième étape devrait être franchie avec le projet
de loi présenté en conseil des ministres, mardi 28 novembre. "Avant
la loi, les femmes étaient absentes et personne ne s'en souciait. Aujourd'hui,
on s'aperçoit qu'elles existent, mais elles restent minoritaires",
estime Cristina Lunghi, fondatrice de l'association Arborus, qui milite pour
la promotion des femmes. "Ce n'est pas parce qu'on a fait le premier pas
qu'on arrivera plus facilement à faire le deuxième", met
en garde Marie-Jo Zimmermann, députée (UMP) de la Moselle et rapporteure
générale de l'Observatoire de la parité.La présidente
de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des
femmes, auteure de plusieurs propositions de loi en ce domaine, en parle en
connaissance de cause. Longtemps, celles-ci sont restées lettre morte,
jusqu'à ce que, le 4 janvier, à l'occasion des voeux de début
d'année, le président de la République, Jacques Chirac,
inscrive le renforcement de la parité au rang des priorités du
gouvernement.
La loi de juin 2000 oblige les partis politiques à présenter un
nombre égal d'hommes et de femmes dans les scrutins de liste : aux élections
régionales, aux municipales dans les communes de plus de 3 500 habitants,
aux sénatoriales dans les départements où les sénateurs
sont élus à la proportionnelle (à partir de 4 élus
à l'heure actuelle) ainsi qu'aux européennes. Elle prévoit
également des retenues financières sur les dotations des partis
politiques qui ne respectent pas la parité pour la désignation
de leurs candidats aux élections législatives.
Le nouveau texte, présenté mardi et élaboré après
de nombreux arbitrages, porte essentiellement sur trois points. L'objectif de
parité concernerait désormais aussi les exécutifs municipaux
et régionaux. Pour les élections cantonales, le projet de loi
prévoit que titulaires et suppléants soient de sexes différents.
Enfin, il renforce les pénalités financières infligées
aux partis qui n'auront pas présenté autant de femmes que d'hommes
aux élections législatives. Cette dernière disposition
ne s'appliquera pas, toutefois, dès le scrutin de juin 2007. Il avait
aussi été envisagé d'étendre la parité aux
villes de moins de 3 500 habitants et aux intercommunalités : cette contrainte
supplémentaire a été écartée.
Ces avancées suffiront-elles à renforcer la place des femmes en
politique ? Il aura fallu attendre 1945 pour qu'elles obtiennent le droit de
vote en France. Aujourd'hui, l'Assemblée nationale occupe le 84e rang
mondial pour le pourcentage de femmes députées. "On se trouve
dans une situation paradoxale, note Janine Mossuz-Lavau dans Femmes, genre et
sociétés, un ouvrage collectif, paru en 2005, sous la direction
de Margaret Maruani (La Découverte). La France est le premier pays au
monde à avoir adopté une loi établissant un système
paritaire et elle se retrouve parmi les derniers pour ce qui est de la possibilité
effective des citoyennes de voter la loi."
La parité instituée en 2000 se conjugue mal avec les scrutins
uninominaux. La preuve par les élections législatives de 2002.
Les grands partis ont préféré payer des pénalités
plutôt que de respecter la loi. L'UMP a investi moins de 20 % de femmes
sur les 577 candidats qu'elle a présentés. L'UDF n'a pas fait
mieux. Quant au PS, allié au PRG, il a tout juste réussi à
frôler la barre des 35 % de candidates. Pour 2007, l'UMP prévoit
de porter son "quota" de femmes à 30 % et le PS promet de respecter
la parité. "Il est plus facile de tendre vers cet objectif quand
on est dans l'opposition, se défend Alain Marleix, secrétaire
national aux élections de l'UMP, compte tenu de la priorité donnée
au député sortant le groupe UMP compte 42 femmes sur 362 sortants.
Ensuite, quand on remplace un député, c'est pour garder la circonscription
et on doit bien tenir compte de l'avis des militants."
Les disparités ne s'évaluent pas à la seule aune du nombre
de candidates investies. Les femmes sont souvent désignées pour
"aller au casse-pipe" dans des circonscriptions plus difficilement
gagnables que celles attribuées à leurs homologues masculins.
Ainsi, aux élections législatives de 2002, là où
l'UMP avait investi un homme, les cinq candidats de la droite avaient recueilli
en moyenne 35,5 % des voix au premier tour de l'élection présidentielle.
Dans les circonscriptions où une femme était investie, cette moyenne
tombait à 29 %. Même déséquilibre au PS : là
où un homme était investi, la droite avait obtenu 31,2 % au premier
tour de l'élection présidentielle ; là où une femme
était candidate, la droite était en meilleure position avec 38,1
% des voix au premier tour de la présidentielle.
Autre discrimination infligée aux femmes : dans les instances où
le scrutin proportionnel a permis d'atteindre la parité entre les élus,
les femmes sont largement minoritaires dans les fonctions exécutives.
Ainsi, dans les conseils régionaux, pour 47,6 % de femmes conseillères,
seules 37,9 % sont membres des exécutifs.
Reste le grand trou noir des intercommunalités. Si les femmes "commencent
à se tailler une petite place" dans les conseils municipaux, "la
parité intercommunale reste encore à construire", constatent
Christophe Noyé et Marion Paraillous dans une note de l'Assemblée
des communautés de France. L'ensemble des 2 464 communautés compte
à peine 136 présidences féminines (5,5 %). Et seulement
7 des 176 communautés urbaines ou d'agglomération sont présidées
par une femme. Une situation d'autant plus injustifiée que, dans plus
de la moitié des intercommunalités (54,5 %), la direction administrative
est assurée par une femme.
Patrick Roger