1. Mise en place au Koweït,
émirat héréditaire, dune Assemblée nationale
élue (1963.). Instauration en Iran dun régime mixte mi-théocratique,
mi-présidentiel à laméricaine (1979). Adoption dune
Constitution organisant une République islamiste et démocratique
en Afghanistan (2003).
Nous adoptons ici un distinguo heideggerien. Cf. J. Derrida et G. Vattimo, La
religion, Seuil 1994, p. 24.
2. E. Kant, Critique de la raison pure, trad. J. Barni revue par P. Archambault,
GF, 1976, p. 521.
4. 3. P. Legendre, Les enfants du texte, Fayard, 1992, p. 4.
5. M. Heidegger, « Le dépassement de la métaphysique »
in Essais et conférences, trad. A. Préau, Tel Gallimard, 1980, p.
95
6. M. Heidegger, op. cit., p. 93.
7. M. Heidegger, op. cit., p. 91.
8. H. Kelsen, « La méthode et la notion fondamentale de la théorie
pure du droit », Revue de Métaphysique et de Morale, 1934, p. 199.
9. M. Heidegger, op. cit., p. 95.
10. Décision n°99-421 DC du 16 décembre 1999.
11. G. Debord, La Société du Spectacle, Gallimard, 1992, p. 15.
12. M. Heidegger, op. cit., p. 108.
13. M. Heidegger, op. cit., p. 111.
14. M. Heidegger, op. cit., p. 109.
15. M. Heidegger, Réponses et questions sur lhistoire et la politique,
trad. J. Launay, Mercure de France, 1988, p. 42.
16. M. Heidegger, « Le dépassement de la métaphysique »,
op. cit., p. 112.
17. R. Shürmann, « Que faire à la fin de la métaphysique
? » in Cahiers de lHerne, Heidegger, Éditions de lHerne,
1983, p. 449.
18. J. Rancière, « Les énoncés de la fin et du rien
» in Traversées du nihilisme, Osiris, 1993, p. 67.
Dans les régimes marxistes-léninistes, les Constitutions positives
ou « Constitutions bilans », reflets exacts des infrastructures socio-économiques
ne sont pas le fondement véritable de lordre juridique. De même,
les Constitutions des États islamiques ne sont que des apparences de Constitution.
La Sharia est la « Constitution matérielle » de ces États
selon lexpression utilisée par larticle premier de la Constitution
de lArabie Saoudite.
19. J.J. Rousseau, Du contrat social, Union Générale dÉditions,
1973, p. 219
20. J.J. Rousseau, op. cit., p. 104
21. Par exemple, R. Badinter qui affirme lexistence dun « noyau
dur, intangible et sacré » de droits que le constituant même
ne pourrait légitimement supprimer. Cf. Intervention de R. Badinter in
La déclaration des droits de lhomme et du citoyen et la jurisprudence,
colloque au Conseil constitutionnel des 25 et 26 mai 1989, PUF, 1989, p. 32.
22. Ainsi, en Iran, le guide spirituel est situé au-dessus des pouvoirs
exécutif, législatif ou judiciaire et est doté de prérogatives
dordre militaire et gouvernemental.
23. Les terroristes du 11 septembre ont voulu, semble-t-il, à la fois asservir
les anges à leur projet destructeur et les mimer. Leur feuille de route
retrouvée après lattentat contenait des consignes qui, dans
le Coran, sont données aux anges et non aux hommes. Par exemple, cette
consigne : « Dieu a dit : Frappe au dessus du cou et à toutes les
extrémités » [Verset 12 Sourate 8]. Leur inspirateur
Ben Laden a lui-même cherché à sidentifier au Prophète
dans les mises en scène de ses vidéos. On la vu ainsi méditer,
donner des sermons en arabe classique dans une grotte au sein de montagnes. Rappelons
que Mohammad aimait séjourner dans une grotte dans la montagne de Hirâ,
donnant sur la Kabah.
24. B. Botiveau, Loi islamique et droit dans les sociétés arabes,
Khartala-Iremam, 1993.
25. Les analyses de G. W. Leibniz [Nova Methodus (1667)], de lÉcole
de lExégèse au XIXe siècle et à partir de 1920
de H. Kelsen et de C. Schmitt montrent lexistence danalogies de méthode
et de concepts entre théologie et jurisprudence. Concernant C. Schmitt,
rappelons que sa Théologie politique est basée sur le postulat selon
lequel « tous les concepts prégnants de la théorie moderne
de lÉtat sont des concepts théologiques sécularisés
» in Théologie politique, trad. J-L. Schlegel, Gallimard, 1988, p.
46. Il est vrai que le droit moderne sest constitué en grande partie
grâce à la sécularisation notamment de la théologie
chrétienne. Dès lors, on peut admettre que certains thèmes
théologiques (par exemple lidée de miracle) sont utilisés
de manière consciente ou non par la jurisprudence, même contemporaine.
Mais il reste à savoir comment la sécularisation de la théologie
chrétienne a été rendue possible. Le point de vue adopté
ici est que le droit sappuie sur une théologie naturelle (ou onto-théologie)
qui a rendu possible cette sécularisation. Nous nous référons
ici aux analyses de Heidegger selon lequel « la théologie chrétienne
est la christianisation dune théologie extra-chrétienne ».
Cf M. Heidegger, Schelling, trad. J-F. Courtine, Gallimard, 1993, p. 95.
26. E. Kant, cité par A. Philonenko, Luvre de Kant, t. 1, Vrin,
1975, p. 316.
27. Il sagit du Bodin « modernisé » et simplifié.
En réalité, Bodin na pas totalement rompu avec une tradition
éthico-théologique selon laquelle la souveraineté humaine
reste soumise à la « loi de Dieu et de nature ». Cf. S. Goyard-Fabre,
J. Bodin et le droit de la république, PUF, 1989, p. 99.
28. E. Husserl, Ideen.. I, §§43 et 79 cité par J-L. Marion, Dieu
sans lêtre, Puf, 1991, p. 51.
29. Ajoutons que, si linfini juridique est compris au sens de la Dialectique
kantienne comme un but qui séloigne à linfini, alors
lagir lui-même nest plus véritablement motivé
et contrôlé. Comme F. Loiret lexplique, « lÉtat
universel » assure seulement une « fonction de relance » purement
rhétorique Il en est de même lorsquon donne statut de principes
régulateurs à lintérêt général
ou à légalité. Cf. F. Loiret, Volonté et infini
chez Duns Scot, Éditions Kimé, 2003, p. 16.
30. Selon E. Kant, « lespace et le temps ne sont simplement représentés
a priori comme des formes de lintuition sensible, mais comme des intuitions
mêmes (
) » in Kant, Critique de la raison pure, trad. Treymesaygues
et Pacaud, Puf, 1971, p. 139.
31. J-M. Salanskis, « Lintuition dans la lecture heideggerienne de
Kant » in Le temps du sens, HYX, 1997, p. 77.
32. M. Troper, « Réplique à Denys de Béchillon »,
Revue de la Recherche juridique et droit prospectif, 1994-1, p. 268.
33. La Grundnorm est une condition de pensabilité du droit positif.
34. F. W. J. Schelling, Philosophie de la Révélation, trad. J-F.
Marquet et J-F. Courtine, Puf, 1989, p. 195.
35. J. F. Marquet, « Présentation » in F. W. J. Schelling,
op. cit., p. 13.
36. M. Troper, « Réplique à Denys de Béchillon »,
op. cit., p. 268.
37. L. Duguit, LÉtat, le droit objectif et la loi positive, 1901,
réédition Dalloz, 2003.
38. Cest lidée implicite, rarement exprimée dune
« auto-institution ». Voir, par exemple, J. Combacau, « Pas
une puissance, une liberté : la souveraineté internationale de lÉtat
», Pouvoirs 67, 1993, p. 48 : « Une fois éliminée
lhypothèse de la transcendance du pouvoir, il [lÉtat]
nest la création de quiconque si ce nest de lui-même,
procédant par auto-institution ».
39. J. Barthélémy et P. Duez, Traité de droit constitutionnel,
[1933], Économica, 1985, p. 248.
40. G. Burdeau, Droit constitutionnel et institutions politiques, L.G.D.J., 1980,
p. 49.
41. Article 2 de la Constitution égyptienne.
42. O. Beaud, « La souveraineté de lÉtat, le pouvoir
constituant et le Traité de Maastricht », RFDA, 9 (6), nov.-déc.
1993, p. 1063.
43. Le Conseil constitutionnel dans une décision du 26 mars 2003 a rappelé
quil « ne tient ni de larticle 61, ni de larticle 89,
ni daucune autre disposition de la Constitution le pouvoir de statuer sur
une révision constitutionnelle ». Il a mis fin ainsi aux spéculations
dune partie de la doctrine qui avait imaginé que le Conseil puisse
un jour procéder à un contrôle des lois constitutionnelles.
Ces spéculations étaient nées dun considérant
de la décision du 2 septembre 1992 rappelant que le pouvoir constituant
est limité notamment en vertu de larticle 89-5. Que ce considérant
qui ne fait que mentionner les dispositions constitutionnelles en vigueur ait
pu provoquer une si grande effervescence dans la doctrine manifeste clairement
un vrai « besoin » de droit naturel.
44. G. Vedel, « Souveraineté et supraconstitutionnalité »,
Pouvoirs 67, 1993.
45. On peut faire ce type de critique à une décision originale de
la Cour suprême de lInde rendue dans laffaire Minerva Mills
v. Union of India en 1980. À cette occasion, la Cour suprême indienne
a estimé quun amendement qui supprimerait toutes les limitations
au pouvoir de révision serait lui-même inconstitutionnel car portant
atteinte à la « structure fondamentale » de la Constitution
protégée par ce pouvoir de révision. Si modifier le pouvoir
de révision porte atteinte à la structure fondamentale de la Constitution,
alors cela veut dire que cette structure est considérée comme intangible
et hors datteinte du pouvoir constituant pour léternité.
Comment cela est-il compatible avec lidée démocratique ? On
retrouve ici une position jusnaturaliste dogmatique qui était déjà
exprimée par certains juges dans la décision I.C. Golak Nath &
Ors v. State of Punjab & Anrs du 27 février 1967. Selon ces juges,
« les droits fondamentaux un statut transcendantal dans la Constitution
indienne et doivent donc être tenus hors datteinte du Parlement ».
46. G. Vedel, op. cit., p. 94
47. B. Chantebout, Brève histoire politique et institutionnelle de la Ve
République, Colin, 2004, p. 221.
48. G.W.F. Hegel, Principes de la philosophie du droit, §273, trad. R. Derathé,
Vrin, 1982, p. 288.
49. G. Vedel, op. cit., p.87.
50. G. Vedel, op. cit., p. 96.
51. G. Vedel, op. cit., p. 94.
52. F. Meyronnis, LAxe du Néant, Gallimard, 2003, p. 95.
53. F. Meyronnis, op. cit., p. 90.
54. G. Vedel, op. cit., p. 88.
55. On sera surpris de constater que cette thèse peut être illustrée
notamment par la position du G. de Gaulle dans le Discours de Bayeux : «
Tant il est vrai que les pouvoirs publics ne valent, en fait et en droit, que
s'ils s'accordent avec l'intérêt supérieur du pays, s'ils
reposent sur l'adhésion confiante des citoyens ».
On se rapproche ici de lidée de « civil disobedience »
qui, comme le rappelle J. Derrida, nest pas « défi à
la Loi, mais désobéissance à une disposition législative
au nom dune loi meilleure à venir ou déjà inscrite
dans lesprit ou la lettre de la Constitution ». Cf. Le Monde, du 19
/08 /04.
56. Voir la présentation de Simone Goyard-Fabre au Discours de la servitude
volontaire de La Boétie, GF Flammarion, 2003.
57. S. Goyard-Fabre, Les fondements de lordre juridique, Puf, 1992, p. 17.
58. Prendre au sérieux la signification juridique des droits naturels subjectifs
ne conduit pas pour autant à les assimiler à des droits posés,
directement invocables. Leur rôle est en réalité dexprimer
une transcendance juridique et donc dinspirer les producteurs de la loi
positive. De ce point de vue, leur incorporation directe dans le droit positif
telle quelle a été tentée par le Conseil constitutionnel
à partir de 1971 ou le souhait de certains de les appliquer immédiatement
est une erreur. Pour ce qui concerne les droits de 1789 ou de 1946, leur formulation
imprécise, leur caractère parfois programmatique viennent confirmer
cette appréciation.
59. Présentation de Simone Goyard-Fabre au Discours de la servitude volontaire,
op. cit., p. 18.
60. J-J. Rousseau, op. cit., p. 44.
61. Le demos est bien un nouveau Dieu inconnaissable. Cela ne revient pas pour
autant à adhérer à lidée de « lHomme-Dieu
» au risque du théomorphisme. Le sujet démocratique imite
Dieu sans sidentifier à lui.
62. M. David, « Positivisme juridique et souveraineté du peuple selon
Michel Troper », RDP, 1997, p. 993.
63. Il faut noter par ailleurs que, curieusement, on ne prend pas en compte ici
ce fait avéré que les mouvements extrémistes manipulent et
détournent aisément à leur profit les techniques de démocratie
semi-directe.
64. Décision n° 62-20 DC du 6 novembre 1962. Selon le Conseil constitutionnel,
«
il résulte de l'esprit de la Constitution qui a fait du Conseil
constitutionnel un organe régulateur de l'activité des pouvoirs
publics que les lois que la Constitution a entendu viser dans son article 61 sont
uniquement les lois votées par le Parlement et non point celles qui, adoptées
par le Peuple à la suite d'un référendum, constituent l'expression
directe de la souveraineté nationale ». En réalité,
il ne peut exister que des expressions « indirectes » de la Souveraineté
nationale. Autrement dit, il y a toujours représentation.
65. Cf. O. Camy, « Le retour au décisionnisme : lexemple de
linterprétation des pratiques constitutionnelles par la doctrine
française », RDP, 4-1996, p. 1020.
66. P. Braud, Le jardin des délices démocratiques, Presses de la
FNSP, 1991.
67. J. Rancière, op. cit., p. 72.
68. C. Schmitt, op. cit., p. 24.
69. Carré de Malberg cité par G. Bacot in Carré de Malberg
et l'origine de la distinction entre souveraineté du peuple et souveraineté
nationale, Éd. du CNRS, 1985, p. 54.
En réalité, la théorie de la souveraineté nationale
est compatible tout aussi bien avec le suffrage universel quavec le régime
républicain. Logiquement, elle est neutre relativement à la question
de létendue du suffrage et à celle de lidentité
des représentants (monarque, députés élus
) contrairement
à ce que prétendent certains manuels (Par exemple, J. Gicquel, A.
Hauriou et P. Gélard, Droit constitutionnel et institutions politiques,
Monchrestien, 1975, p. 365). Ce qui simpose, cest le passage à
la représentation. Mais il est vrai que la théorie de la souveraineté
nationale utilisée de manière idéologique a permis des restrictions
du suffrage et le maintien dun régime monarchique.
70. On pourrait croire que lorigine de cette identité souverain/État
se trouve chez les philosophes de Lumières. Il est vrai que, Rousseau par
exemple, appelle le corps politique (soit le peuple) issu du Contrat social aussi
bien État (« quand il est passif ») que Souverain («
quand il est actif »). Lorsquil obéit aux lois, le peuple est
face à lÉtat ; lorsquil se donne des lois, le peuple
participe à lautorité souveraine au sein de lÉtat.
Il reste que lidée dorganes étatiques distincts du peuple
souverain, mais exerçant la souveraineté à sa place (en tant
que représentants) et donc finalement se substituant à lui, est
étrangère à Rousseau en raison de son refus de la représentation.
Surtout, le souverain chez Rousseau ne peut être absorbé par lÉtat
en raison de cette instance transcendante quest la Volonté générale.
71. Cité par G. Bacot, op.cit., p. 54.
72. Selon Laferrière, « La spontanéité de la raison
dans lhomme est un fait divin ; qui oserait dire que la spontanéité
des révolutions nationales nest pas un fait providentiel ? »
M. F. Laferrière, Cours de droit public et administratif, Joubert, deuxième
édition, 1841-46, p. 6.
73. Abélard, Du bien suprême, trad. J. Jolivet, Bellarmin et Vrin,
1978, p. 105.
74. M. Heidegger, Schelling. Le traité de 1809 sur lessence de la
liberté humaine, trad. J-F. Courtine, Gallimard, 1993, p. 47.
75. H. Kelsen cité par C. Schmitt, op. cit., p. 32.
76. N. Luhmann, cité par S. Goyard-Fabre, Les fondements de lordre
juridique, PUF, 1992, p. 240
77. S. Goyard-Fabre, op. cit., p. 241
78. G. Silvestri, « La parabola della sovranità », Rivista
di diritto costituzionale, 1, 1996, p. 71.
79. « Depuis Copernic, lhomme a quitté le centre et roule vers
un point x » (la Volonté de Puissance n°1).
M. Heidegger, op. cit., p. 49
80. On doit dire quavec Schmitt, lintégration de laspect
théologique permet au mieux de prendre en charge au plan historique ou
sociologique le transfert de concepts du religieux au juridique. Mais une telle
intégration ne conduit pas le juriste allemand à serrer au plus
près la « vérité » de ces concepts. Cf. J.L.
Schlegel, Introduction à C. Schmitt, Théologie politique, op. cit.,
p. VII.
81. A. Negri, Le pouvoir constituant. Essai sur les alternatives de la modernité,
Puf, 1997, p. 23.
82. H. Arendt, Essai sur la révolution, trad. M. Chrestien, Gallimard,
1967, p. 205
83. A. Negri se contente de dire que cette adéquation entre sujet et procédure
« ne pourrait être niée dans les faits ».
84. M. Heidegger, Schelling. Le traité de 1809 sur lessence de la
liberté humaine, op. cit., p. 250.
85. A. Philonenko, Théorie et praxis dans la pensée morale et politique
de Kant et de Fichte, Vrin, 1976, p. 52.
86. E. Kant, Métaphysique des moeurs. Seconde partie, doctrine du droit,
Paris, Vrin, 1988, p. 205.
87. Décision 62-20 DC du 6 novembre 1962. Cela ne remet pas en cause la
pertinence de la décision du Conseil constitutionnel puisque ce dernier
est lié par larticle 62 de la Constitution qui semble bien confier
au Conseil le contrôle des seules lois ordinaires et organiques.
88. C. Castoriadis, Linstitution imaginaire de la société,
Seuil, 1975, p. 153
89. C. Castoriadis, op. cit., p. 154.
90. C. Castoriadis, op. cit., p. 154.
91. J. J. Rousseau, op. cit., p. 89.
92. Larticle 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen
de 1789 est rousseauiste puisquil affirme que « la loi est lexpression
de la volonté générale » et que « tous les citoyens
ont le droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants à
sa formation ».
93 J. J. Rousseau, op. cit., p. 286.
94. Sauf par exemple J. Gicquel, A. Hauriou et P. Gélard, op. cit., p.
363.
95. J. J. Rousseau, op. cit., p. 113.
96. Dans les grands États, Rousseau propose que lon ait recours à
des parlementaires ayant un mandat impératif, les « députés
».
97. J. J. Rousseau, op. cit, p. 75.
98. J. J. Rousseau, op. cit. p. 104.
99. Que le souverain ne sidentifie pas à une Nation est évidemment
possible et souhaitable. On peut dire avec J. Roman que la Nation est «
lélément non soumis à discussion démocratique,
qui permet de définir le cadre dans lequel cette discussion aura lieu
» in Introduction à E. Renan, Quest-ce quune nation ?,
Agora Presses pocket, 1992, p. 28. Mais cela reste encore une utopie que
datteindre à une universalité démocratique sans passer
par la légitimité nationale.
100. Notamment, dans le Discours de Bayeux, le général De Gaulle
dévoile sa conception aristocratique de la Nation. Il y est notamment question
dune « élite » aux multiples qualités («
sentiment de sa supériorité morale, conscience d'exercer une sorte
de sacerdoce du sacrifice et de l'exemple, passion du risque et de l'entreprise,
mépris des agitations, prétentions, surenchères, confiance
souveraine en la force et en la ruse de sa puissante conjuration aussi bien qu'en
la victoire et en l'avenir de la patrie ») qui naurait pas réussi
« sans lassentiment de la masse française ». Cette conception
est encore « taboue » ; elle nest jamais développée
dans les manuels portant sur le droit constitutionnel de la Vème République.
101. On a pu ironiser à linfini sur cette expression typiquement
gaullienne : une « certaine idée de la France ». Mais cette
expression avait le mérite dimmuniser le discours de lÉtat
de tout dérive « substantialiste » de type ethnique, religieux,
etc.
102. La fédération bosniaque est elle-même, divisée
en « entités » ethniques ayant chacune leur propre citoyenneté.
103. Larticle 35 de la Constitution ivoirienne prévoit notamment
que le candidat à lélection présidentielle «
doit être ivoirien d'origine, né de père et de mère
eux-mêmes ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais renoncé à
la nationalité ivoirienne. Il ne doit s'être jamais prévalu
d'une autre nationalité. Il doit avoir résidé en Côte
d'Ivoire de façon continue pendant cinq années précédant
la date des élections et avoir totalisé dix ans de présence
effective ». La résolution 1572, adoptée à l'unanimité
des 15 membres du Conseil à l'initiative de la France, a finalement exigé
le 15 novembre 2004 la réforme de cet article.
104. E. Renan, Quest-ce quune nation ?, op. cit., p. 54.
105. Certaines Constitutions démocratiques modernes continuent de se référer
à un principe divin mais heureusement sans le définir et sans en
tirer des conséquences restrictives quant à la liberté de
religion. Ainsi, la Constitution de la République dIrlande se réfère
à la « Très Sainte Trinité », celle de la République
de Grèce à la « Trinité sainte, consubstantielle et
indivisible »
106. Ce qui est présenté comme le « peuple souverain »
nest en réalité le plus souvent que le peuple comme corps
électoral élisant des députés ou encore participant
aux pouvoirs constituant et législatif à travers des procédures
référendaires.
107. Le tirage au sort à lépoque de la démocratie athénienne
manifestait déjà cet évanouissement de lidentité
du souverain.
108. C. Lefort, « Limage du corps et le totalitarisme », in
LInvention démocratique, Fayard, 1981, p. 174.
109. Selon M. David : « Or, à tort ou à raison depuis le XVIe
siècle pour le moins et jusquà nos jours, cest non seulement
le caractère suprême du pouvoir mais aussi la puissance dÉtat
que nous englobons sous lappellation de souveraineté » in La
souveraineté du peuple, Paris, PUF, 1996, p. 21.
110. Le consensus en faveur de la séparation des pouvoirs nexclut
pas des divergences sur les modalités de cette séparation : balance
des pouvoirs chez Montesquieu, spécialisation des pouvoirs chez Rousseau.
111. Federalist 45, p. 296.
112. Cf. Article VI de la Constitution américaine de 1787 : « La
présente Constitution, ainsi que les lois des États-Unis qui seront
faites en conséquence et tous les traités faits sous lautorité
des États-Unis constitueront la loi suprême du pays et seront obligatoires
pour tous les juges dans chaque État, et cela nonobstant des dispositions
contraires insérées dans la Constitution ou dans les lois de lun
quelconque des États ».
113. Il sagit bien de transférer de la puissance étatique
sans que la souveraineté ne soit limitée. Un changement de vocabulaire
simpose ; il a déjà commencé. Ainsi, le Conseil constitutionnel
refusant la formulation du Préambule de 1946 qui évoque des «
limitations de souveraineté », préfère parler de «
transferts de compétences ». De même le nouvel article 88-2
de la Constitution reprend la formule du Conseil : « la France consent aux
transferts de souveraineté nécessaires à létablissement
de lunion européenne ».
114. Cf. La Cour de La Haye en 1923 déclarait « se refuser à
voir dans la conclusion dun traité quelconque, par lequel un État
sengage à faire ou à ne pas faire quelque chose, un abandon
de souveraineté ». Affaire du vapeur « Wimbledon », arrêt
du 17 août 1923 cité par J. Combacau op. cit., p. 56.
115. On se retrouve ici dans un cadre de pensée rousseauiste. Il faut insister
sur le fait que laliénation de la souveraineté apparemment
organisée par le droit positif ne remet pas en cause le raisonnement de
Rousseau. La souveraineté, parce quelle est transcendance ou attribut
dun être transcendant, ne peut être cédée. Elle
ne saurait non plus être « reprise » par la Nation puisquelle
est constitutive de la Nation. (Cf. Contra J. Gicquel, A. Hauriou, P. Gélard,
op. cit., p. 365).
116. M. Heidegger, Schelling, op. cit., p. 128.
117. Cette position semble largement majoritaire dans la doctrine constitutionnaliste
française. Par exemple, G. Vedel : « On doit dire que, en droit,
la Constitution ne saurait comporter de vraies lacunes. Ce que lon appellerait
des lacunes, en effet, se rapporterait à labsence de règles
que lon jugerait désirables ». Cf. G. Vedel in La déclaration
des droits de lhomme et du citoyen et la jurisprudence, op. cit., p. 51.
G. Vedel est suivi par Y. Aguila in « Cinq questions sur linterprétation
constitutionnelle », RFDC, 1995, p. 29. De son côté, le Conseil
constitutionnel a toujours refusé dadmettre lexistence de lacunes
constitutionnelles de telle sorte que la Constitution ne pourrait pas fournir
du sens et donc une norme pour régler la conduite de tous ceux qui lappliquent
; ce qui obligerait le Conseil à poser lui-même une norme en fonction
de ses propres préférences. Tout se passe comme si la conception
de Kelsen, dans une certaine mesure, lavait emporté. Dans sa Théorie
pure du droit, Kelsen avait en effet rejeté la « théorie des
lacunes » qui était défendue par « la doctrine traditionnelle
» dans les années 30. Selon cette théorie, par exemple, le
droit en vigueur ne serait pas applicable dans un cas concret « lorsquil
ne contient aucune norme générale qui sy rapporte ».
Kelsen répond que labsence de norme générale explicite
signifie que le droit en vigueur donne une permission dagir. Logiquement,
pour Kelsen, le droit est toujours interprétable et applicable. Cf. H.
Kelsen, op. cit., p. 329. Contra P. Amselek, « À propos de la théorie
kelsenienne de labsence de lacunes dans le droit » in La pensée
politique de Kelsen, Cahiers de philosophie juridique et politique, Université
de Caën, 1990, p. 121. P. Amselek insiste sur lexistence de certains
cas où le législateur par négligence, oubli, na pas
édicté des normes utiles pour gérer des domaines. Pour autant,
il ne démontre pas que le droit imparfait, du point de vue de la doctrine,
est inapplicable logiquement. Mieux, tout en refusant le « logicisme »
de Kelsen, il montre quen réalité, la dogmatique, grâce
à certains moyens traditionnels (le recours à limplicite,
aux assomptions darrière-plan du législateur
), a la
possibilité de trouver une norme applicable.
Dans le cadre de pensée kelsenien, linterprétation «
authentique » est celle qui a des effets de droit reconnus et sanctionnés
par un ordre juridique. Elle se distingue de linterprétation «
scientifique » pratiquée notamment par la doctrine.
118. Le « pouvoir » des interprètes authentiques découvert
par les auteurs réalistes concerne leur capacité à donner
au texte juridique presque nimporte quelle signification. Pour certains
de ces auteurs, ce pouvoir dordre « sémantique » implique
nécessairement un pouvoir « normatif ».
119. E. Kant, Critique de la raison pure, Garnier-Flammarion, 1976, p. 521.
120. Luc Ferry, Philosophie politique, t. 2, PUF, 1984, p. 126.
121. E. Kant, op. cit., p. 522.
122. Le terme « doctrine traditionnelle » sapplique ici à
la doctrine contemporaine encore peu influencée par lÉcole
réaliste. Il ne fait pas référence aux juristes favorables
à la théorie des lacunes que Kelsen critique dans la Théorie
pure du droit. Voir supra note 118.
123. H. Kelsen, op. cit., p. 333.
124. U. Eco, Art et beauté dans lesthétique médiévale,
Grasset, 1997, p. 102.
125. R. Descartes, Discours de la méthode, Garnier-Flammarion, 1966, p.
64.
126. Pour une démonstration à partir dun exemple, celui de
linterprétation de larticle 68 de la Constitution, relatif
à la responsabilité pénale du Président de la République,
voir 127. O. Camy, « La controverse de larticle 68. Aspects théologiques
», RDP, n°3, 2001, p. 811.
On suppose par exemple que, si le rédacteur de la Constitution a choisi
de donner valeur dimpératif au présent de lindicatif
comme cest lusage dans les Constitutions modernes, il le fera dans
tous les cas.
128. Le choix des méthodes objectives semble reposer en partie sur une
critique du recours à lintention du constituant. G. Vedel explique
que « Linterprétation des règles objectives par la volonté
subjective de leur auteur, technique empruntée à linterprétation
des actes privés (testament par exemple) générateurs de droits
subjectifs et ne simposant pas nécessairement erga omnes, peut être
et a été critiquée ». Cité par Y. Aguila, op.
cit., p. 27.
129. M. Troper, « La signature des ordonnances », Pouvoirs, n°40,
1987, p. 79.
130. Cette dualité sens caché/sens apparent est refusée par
les partisans dune interprétation littérale, intégriste.
En Islam, ce type dinterprétation littérale se retrouve souvent
chez les partisans dune lecture « juridiste » du Coran. À
lopposé, la tradition mystique arabo-persane distingue soigneusement
entre dune part le bâtin, le caché locculte, et dautre
part, le zâhir, lexplicite, le visible ou encore lextériorité
de la lettre qui peut faire lobjet dune interprétation légaliste
[H. Corbin]. Un des enjeux pour le renouveau du fiqh (la science juridique musulmane)
est bien de savoir si cette science peut, en son sein, privilégier une
orientation ésotérique à une orientation exotérique.
Sur ce sujet, D. Colson, Trois essais de philosophie anarchiste, Éditions
Léo Scheer, 2004, p. 100 qui commente A. Laroui, Islam et histoire. Essai
dépistémologie, Champs Flammarion, 2001.
131. Pour Averroès, la consistance du texte révélé
existe même « au sein de sa conformité avec les énoncés
obtenus par voie démonstrative » ; soit les énoncés
philosophiques (§23 du Discours décisif). Cf. Introduction dAlain
de Libera à Averroès, Discours décisif, trad. M. Geoffroy,
Garnier-Flammarion, 1996, p. 23.
132. H. de Lubac, Exégèse médiévale. Les quatre sens
de lÉcriture, vol. 1, Aubier, 1959-1964, p. 103.
133. M. Troper, « La signature
», op. cit., p. 85.
134. J. Meunier, Le pouvoir du Conseil constitutionnel. Essai danalyse stratégique,
LGDJ, 1994, p. 145.
135. H. Kelsen, op. cit., p. 99.
136. H. Helsen, op. cit., p. 102.
137. E. Kant, cité par A. Philonenko, op. cit., p. 318.
138. A. Philonenko, op. cit., p. 317.
139. Il est vrai que Kelsen dans la dernière partie de la Théorie
pure du droit critique les « soi-disant méthodes dinterprétation
» utilisées par la science du droit traditionnelle. Mais cette critique
nest que partielle. Il sagit seulement de rejeter lidée
véhiculée par ces méthodes selon laquelle le processus dinterprétation
serait un « acte purement intellectuel » permettant de faire un choix
« correct » parmi toutes les significations possibles dun énoncé
juridique. Pour autant, certains des postulats propres à ces méthodes
sont conservés par Kelsen. Il sagit notamment du postulat de complétude.
Simplement la complétude est comprise de manière différente.
Dans le cadre de la science du droit traditionnelle, on pourrait dire quun
ordre juridique est complet et donc applicable parce quil existe des méthodes
dinterprétation permettant de trouver en son sein un sens caché
et donc une norme utilisable pour toute situation. Pour Kelsen, lordre juridique
reste complet et applicable par tout interprète authentique (notamment
un tribunal) pour des raisons logiques. Ainsi, labsence de norme générale
ou le caractère indéterminé dune norme générale
nexcluent pas que lordre juridique reste applicable dans un cas concret
si la connaissance juridique utilise des « principes logiques ». Par
exemple, Kelsen propose dutiliser le raisonnement a contrario dans le cas
suivant : « lorsque lordre juridique nétablit pas lobligation
dun individu dadopter une certaine conduite, il permet la conduite
contraire » (Cf. H. Kelsen, op. cit., p. 330).
140. Kelsen a explicitement adhéré à cette « philosophie
du comme si » proposée notamment par H. Vaihinger (Die Philosophie
des Als-Ob, 7e et 8e éditions, Leipzig, 1922). Cela lui permet notamment
de donner statut de norme fictive à la norme fondamentale. Cf. H. Kelsen,
Théorie générale des normes, trad., O. Beaud et F. Malkani,
1996, PUF, p. 344.
141. Kritik der reinen Vernunft, cité par A. Philonenko, op. cit., p. 321.
142. On retrouve ici la méthode weberienne des « idéaux-types
» qui permet déclairer un élément du réel
par rapport à un modèle pur auquel correspond lidée
qui explicite ou justifie cet élément. Cette méthode a été
appliquée par Kelsen pour analyser les régimes politiques. Cf. P.
Amselek, op. cit., note 3., p. 123.
143. M. Clavel, Critique de Kant, Flammarion, 1980, p. 622.
144. L. Husson, « Analyse critique de la méthode de lexégèse
», Archives de philosophie du droit, 1972, n°17, p. 117.
145. Cet irrationalisme apparaît notamment dans ce passage de la Théorie
pure du droit : « Dun point de vue du droit positif, il nexiste
aucun criterium sur la base duquel lune des possibilités données
dans le cadre du droit à appliquer pourrait être préférée
aux autres. Il ny a purement et simplement aucune méthode que lon
puisse dire de droit positif qui permettrait de distinguer, entre plusieurs significations
linguistiques dune norme, une seule, qui serait la vraie signification (
)
» in H. Kelsen, Théorie pure du droit, op. cit., p. 458. Le passage
à un acte de volonté ne relevant pas d « une opération
de connaissance » est donc inévitable pour Kelsen (sauf à
utiliser des normes morales, sociales, etc.) qui ne sont pas de droit positif.
On peut objecter que la détermination du sens ne relève pas dune
activité « scientifique » comme semble le supposer Kelsen (doù
son recours à lidée de critérium, de méthodes,
etc.), mais plutôt dun art. Dautre part, un ordre juridique
notamment constitutionnel peut reprendre des normes morales, sociales pour les
transformer en normes de droit positif ; ces normes deviennent alors des aides
à linterprétation.
146. M. Troper, La philosophie du droit, Que sais-je ?, PUF, 2003, p. 108.
147. J. Meunier, op. cit., p. 103.
148. G. W. Leibniz, Le droit de la raison, Vrin, 1994, p. 190.
149. La position des réalistes peut paraître, sur ce point, peu éloignée.
Par exemple, R. Guastini affirme non pas que « lordre juridique est
cohérent, mais quil peut être réduit à la cohérence
: systématisé. Ce qui est une chose tout à fait
différente. Car alors le système nest pas un donné
qui préexiste à la science juridique (à linterprétation)
: cest plutôt son résultat » in « Lordre
juridique. Une critique de quelques idées reçues », P. Comanducci,
R. Guastini, éd., Analisi e diritto 2000. Ricerche di giurisprudenza analitica,
Giappichelli, 2000. Mais la question reste de savoir doù vient lidée
de système et quel est son rapport au théologique. Or, les réalistes
ne se posent pas cette question.
150. Ibid., p. 59.
151. H. G. Gadamer, Vérité et méthode, [1960], trad. É.
Sacre, Seuil, 1976, p. 148.
152. Le célèbre article 4 du Code Civil qui prévoit quun
juge pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice sil
refuse de juger « sous prétexte du silence, de lobscurité
ou de linsuffisance de la loi » affirme bien, comme la analysé
Kelsen, la complétude du droit. Mais cette complétude ne peut être
comprise, atteinte, que si le juge utilise une théologie rationnelle. Cf.
H. Kelsen, Théorie générale des normes, op. cit., p. 489.
153. G. Steiner, Réelles présences, [1989], Gallimard, 1991.