Mme Royal propose une "surveillance populaire" de l'action des élus


LE MONDE 23.10.06

Pour Ségolène Royal, "un projet présidentiel se noue avec le peuple pendant la campagne électorale". Mais déjà la candidate à l'investiture du PS, invitée dimanche 22 octobre à la Cité de la réussite, à la Sorbonne, a son idée sur "la façon dont (elle) entend répondre à la crise démocratique dans le pays" - crise "morale, politique" mais aussi "crise du résultat". Interrogée sur la responsabilité des politiques, Mme Royal a ainsi évoqué l'hypothèse d'une "surveillance populaire" de leur action. "Il n'y a pas d'évaluation au long cours. Or c'est une demande profonde des Français, a-t-elle souligné. C'est pourquoi je pense qu'il faudra clarifier la façon dont les élus pourront rendre compte, à intervalles réguliers, avec des jurys citoyens tirés au sort."
Ces jurys, a précisé Mme Royal, assureraient "une surveillance populaire sur la façon dont les élus remplissent leur mandat par rapport à la satisfaction des besoins, ou par rapport au juste diagnostic des difficultés qui se posent". Cela a-t-il quelque chose à voir avec les comptes rendus de mandat instaurés par Bertrand Delanoë, le maire de Paris ? "Non", répondait Mme Royal à la sortie. Y aurait-il sanction ? "Pas forcément". Jusqu'à quel niveau de responsabilité s'étendrait ce contrôle citoyen ? "Je n'ai pas réponse à tout", éludait avec le sourire la présidente de la région Poitou-Charentes.

Mme Royal paraît puiser son inspiration dans La République des idées, un forum qui réunit depuis 2001 des intellectuels. Dans un livre paru le 21 septembre intitulé La Contre-démocratie, Pierre Rosanvallon, critique sur la démocratie participative, évoque en effet la création d'"agences citoyennes de notation pour apprécier les actions de certains organismes publics" ou d'"observatoires citoyens". "C'est indéniablement sur ce terrain de l'expertise et de la veille citoyenne que se situe l'un des enjeux essentiels du progrès démocratique", écrit le professeur au Collège de France. Il avait, dans un passé récent, reproché à Mme Royal d'"emprunter" quelques-unes de ses idées. Or, parmi les pistes à explorer citée par M. Rosanvallon figure celle de "citoyens tirés au sort constitués en commission d'enquête".
A la Sorbonne, Mme Royal s'est défendue de vouloir opposer la démocratie participative à la démocratie représentative. "On m'a traitée de populiste", s'est-elle indignée, mais les Français "ne veulent plus être simplement convoqués tous les cinq ans aux urnes". Pour illustrer le "fossé qui s'est établi entre les politiques et le peuple", elle est revenue sur sa déclaration s'abritant derrière l'avis des Français au sujet de l'intégration de la Turquie dans l'Union européenne. "J'ai bien entendu les réactions, a souligné Mme Royal. Mais on ne peut pas dire au peuple Français qu'on va le consulter et puis lui dire qu'il est trop bête et qu'il doit faire comme l'élite lui dit."
"Moi, a-t-elle dit après s'en être prise à M. Sarkozy, le pouvoir, j'en ferai quelque chose et je ne trouverai pas une échappatoire." Parmi les réformes qu'elle promeut figure toujours la décentralisation. Dimanche, elle a pris l'exemple de la construction de centres éducatifs. "L'Etat central n'y arrive pas, n'y arrivera pas", a-t-elle justifié.
Pour le président de la République, comme "pour tous les élus", Mme Royal s'est prononcée pour le non-cumul des mandats et leur limitation dans le temps à deux. Ce point, qui ne figure pas dans le projet du PS, lui a semble-t-il échappé. Car dans la soirée, elle s'est employée à corriger le tir en se déclarant "favorable" à cette limitation uniquement pour l'hôte de l'Elysée.
Isabelle Mandraud