Cours
écrit par O. CAMY
© Droits de reproduction et de diffusion
réservés.
Copyright : bien que l'accès au site soit totalement libre, les données (hors domaine public) demeurent la propriété exclusive de l'auteur. Aucune extraction massive et systématique n'est autorisée. Le format, la version numérique des données, les données elles-mêmes (hors domaine public) sont protégés par les législations nationales et internationales relatives au droit d'auteur, à la propriété intellectuelle.
La difficile instauration du régime
parlementaire en France
(de la Restauration à la IVème
République) :
Section
1: la restauration et la naissance du parlementarisme
Section
2 : la monarchie orléaniste et l'implantation du parlementarisme
§1
le compromis avec la Révolution
§2 un parlementarisme dualiste et sans
base populaire
Section
3 : la IIIème République et le fonctionnement du parlementarisme
§1 l'échec de la seconde République
§2 le retour à une dictature
napoléonienne
§3 l'établissement de la
république parlementaire
A historique
B les lois de 1875 et leur interprétation
Section
4 : la IVème République et l'échec du parlementarisme moniste
§1 l'installation de la IVème
République
§2 le parlementarisme rationalisé de la IVème République
§3 les dérapages de la rationalisation
§4 la crise et la chute de la IVème
République
INTRODUCTION
Lorsque le 6 avril 1814, le Sénat
impérial après avoir proclamé la
déchéance de Napoléon rappelle "la monarchie
légitime", il peut sembler que la France va tirer un trait sur
les acquis notamment institutionnels de la révolution. Ne va
t-elle pas simplement revenir en arrière, à la monarchie
absolutiste ? Après avoir participé à l'invention
du droit constitutionnel moderne, elle semble tout prêt de
l'oublier pour revenir aux vieilles coutumes de l'ancien Régime.
Cela peut après tout se comprendre :
l'expérience révolutionnaire et plus encore
napoléonienne semble avoir conduit à un échec
monstrueux, sanglant. On a proclamé de beaux principes
(souveraineté du peuple, séparation des pouvoirs, etc.)
mais on n'en a appliqué aucun ; à supposer qu'ils aient
été applicables. Durant cette période, la France
n'a connu que la dictature :
- d'abord la dictature révolutionnaire
(au profit de l'Assemblée)
- puis la dictature napoléonienne
(au profit de l'Exécutif).
On comprend alors que ceux qui sont restés
royalistes souhaitent qu'on en finisse avec ces expérimentations institutionnelles.[C'est
la thèse des théoriciens favorables à un retour
à l'AR tels que Burke en Angleterre, Rheberg en All.]
Revenons rapidement aux deux types de dictature
qu'ont connus les français pour mieux comprendre pourquoi la Monarchie
va de nouveau avoir sa chance en France :
- la dictature révolutionnaire :
lorsque le 10 août 1792, Louis XVI
oppose son veto à deux décrets de l'Assemblée Nationale
(concernant les biens des émigrés et les prêtres réfractaires),
l'Assemblée législative ne le supporte pas et prend le pouvoir.
Elle démet de ses fonctions le Roi suspect d'intelligence avec l'ennemi
et crée un "Conseil Exécutif Provisoire".
On passe à un régime d'Assemblée.
Ce régime marque un véritable tournant pour au moins 3 raisons:
--- il marque l'échec de la première
tentative d'instaurer en France un régime de séparation des pouvoirs
;
la Constitution de 1791, première constitution française
avait en effet mis en place un régime de balance des pouvoirs
inspiré des idées de Montesquieu (qui aurait pu
s'orienter dans le sens du parlementarisme moderne: on avait vu par
exemple s'instaurer une responsabilité politique avec le renvoi
de Délesser, ministre des affaires étrangères par
le Roi).
--- la prise du pouvoir par l'Assemblée
va signifier la fin de la vieille monarchie française capétienne qu'avait pérennisé la Constitution de 1791
--- c'est l'apparition d'un type de Gouvernement
inédit : un Gouvernement d'Assemblée ou conventionnel qui
va se traduire très vite par une dictature au profit de révolutionnaires
radicalisés, fanatiques membres du parti jacobin. Trois étapes
peuvent être distinguées:
1 l'assemblée législative auquelle
va se succéder une assemblée constituante appelée Convention
gouverne par le biais d'un "Conseil Exécutif Provisoire". Elle élabore
une Constitution, la Constitution du 24 juin 1793 qu'elle décide
de ne pas appliquer.
2 chute des révolutionnaires
modérés (les girondins) le 31 mars 1793. Cela conduit
à un glissement de l'autorité de la Convention au
Comité de salut public, puis à Robespierre. C'est le
début de la Terreur.
3 le 9 Thermidor an II (27/071794), la Convention
lasse de la Terreur fait exécuter Robespierre. Elle éparpille
la puissance du Comité de Salut Public au profit de plusieurs comités.
Fin de la dictature révolutionnaire.
Bilan institutionnel: la dictature
a été rendue possible sur le plan juridique pour au moins
deux raisons :
- le Gouvernement d'assemblée
n'était pas fondé sur un strict respect du droit constitutionnel
en vigueur. Les révolutionnaires n'ont appliqué ni la Constitution
de 1791, ni celle de 1793 (dite "Montagnarde"). C'était un Gouvernement
d'exception justifié par l'état de guerre intérieure
et extérieure. Ainsi, le 10 octobre 1793, la Convention déclarait
que le "Gouvernement sera révolutionnaire jusqu'à la paix".
- le Gouvernement d'assemblée
n'était pas pur. Jamais, l'Assemblée à elle seule
n'aurait pu organiser, mettre en œuvre la dictature. Elle a donc délégué,
peut être cédé son autorité à des comités
émanant d'elle ; surtout le Comité de Salut Public qui a
en fait exercé la fonction gouvernementale de façon dictatoriale.
- la dictature napoléonienne:
Le 1er Prairial de l'an III (20 mai 1795),
la Convention décimée et à bout de souffle refuse de mettre
en application la Constitution de 1793. L'esprit est au compromis et au repos.
Est décidée au contraire la mise en chantier d'une nouvelle Constitution
qui va renforcer l'Exécutif, rétablir la Séparation des
pouvoirs. Le problème,
c'est que le nouveau régime, appelé Directoire, mis en place par
la Constitution de l'an III va aller de crise en crise, de coup d'État
en coup d'État jusqu'au dernier, celui du 18 Brumaire de l'an VIII qui
permet à Napoléon de détenir seul le pouvoir.
Quelques mots sur la Constitution de l'an
III. Elle est originale à plusieurs titres:
1 La Déclaration des Droits qui la
précède exige en contrepartie des devoirs. Ex. "Nul n'est bon
citoyen s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon
époux".
2 Le régime mis en place est un
régime de séparation stricte des pouvoirs. C'est donc la
seconde tentative d'instaurer en France le régime
présidentiel. Il n'y a point de responsabilité
ministérielle et point de possibilité de dissoudre
l'Assemblée.
3 Le pouvoir Exécutif est confié
à un organe collégial : le directoire composé de 5
membres. Par crainte du pouvoir personnel, on n'a pas voulu
rétablir un Chef d'État.
Résumons maintenant les étapes
qui mènent au renforcement de la dictature de Napoléon.
- le 18 Brumaire, Napoléon
supprime l'Assemblée et établit un Consulat provisoire.
- proclamation le 22 Frimaire de
l'an VIII d'une nouvelle Constitution qui organise le pouvoir personnel
de Napoléon. Le Gouvernement est remis à 3 Consuls; mais
un seul, le Premier Consul nomme les ministres et les hauts fonctionnaires.
- le 2 août 1802, Napoléon
est proclamé Premier Consul à vie.
- le 18 Mai 1804, Napoléon
est proclamé Empereur.
Bilan institutionnel:
Il y a peu
de choses à dire sur les Constitutions de l'Empire. Plus intéressant
est l'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire, signé par
Napoléon lors des 100 jours (fin Mars-18 juillet 1815), c'est-à-dire
après son retour de l'Ile d'Elbe. Cette constitution hâtivement
rédigée qui se voulait libérale fut soumise à
acceptation populaire. Pour plus de 5 millions d'inscrits, il n'y eut environ
que 1300000 suffrages exprimés dont moins de 5000 NON. Elle fut
promulguée lors de la cérémonie du Champ de Mai qui
précéda de peu le départ de Napoléon pour Waterloo.
La reprise des hostilités, puis la défaite firent que cet
acte resta à l'état d'intention.
Il s'agissait, affirmait l'Empereur,
"de combiner le plus haut point de libertés publiques et de sûreté
individuelle avec la force et la centralisation nécessaire pour
faire respecter par l'étranger l'indépendance du peuple français
et la dignité de la couronne".
L'Acte additionnel prévoyait
que le Pouvoir législatif serait exercé par l'Empereur et
par 2 Assemblées, la chambre des Pairs et la Chambre des Représentants.
Les Ministres, responsables des actes du Gouvernement et de l'exécution
des lois, pouvaient être mis en accusation par la Chambre des Représentants
et jugés par la Chambre des Pairs.
Les droits et libertés individuels
qui avaient été souvent bafoués par la police impériale,
étaient garantis. La censure préalable était supprimée
et le jury devenait compétent, même en matière correctionnelle,
pour les infractions commises par voie de presse.
D'où venait ce tardif libéralisme
de Napoléon? Il devait en fait beaucoup à la Charte constitutionnelle
accordée le 4 juin 1814 par le roi Louis XVIII lors de la première
Restauration et qui reprit force après la seconde. Car comme nous
allons le voir, la Restauration n'a pas conduit à un retour en arrière,
à un retour à l'ancienne monarchie absolutiste mais paradoxalement
a permis l'implantation en France du régime Parlementaire; ce que
la Révolution elle n'a pas réussi à faire...
Section 1: la Restauration et la naissance du parlementarisme
Les faits: Louis XVIII de retour en France rétablit la monarchie en deux fois ; soit en 1814, puis en 1815 après l'échec des 100 jours. Dès juin 1814, il accorde à ses sujets une Charte constitutionnelle qui, sur la forme reste un texte archaïque mais sur le fond instaure une Monarchie limitée qui pourra évoluer vers le régime parlementaire.
A)
la forme de la Charte :
La Charte ne repose pas comme les Constitutions
modernes sur un contrat passé entre les dirigeants et le peuple ou par
le peuple avec lui-même. La Charte est octroyée par le Roi, c'est-à-dire
donnée de plein gré, arbitrairement par le Roi au Peuple. Ce que
montre la formule employée à la fin du préambule : "Nous
avons volontairement et par le libre exercice de notre autorité royale,
accordé et accordons, fait concession et octroi à nos sujets,
tant pour nous que pour nos successeurs, et à toujours, de la Charte
constitutionnelle qui suit..."
Cette notion d'octroi tout comme
la référence à la Divine Providence suffisent à
montrer que l'on est revenu à une souveraineté de droit divin.
Pour autant, ce retour à la légitimité traditionnelle
ne signifie pas que le Roi retrouve une autorité sans limites. C'est
ce que l'on découvre si l'on étudie sur le fond cette charte.
B)
le contenu de la Charte :
Les pouvoirs du Roi sont limités
d'une double façon :
a) La Charte maintient l'essentiel
des droits donnés aux français par la Révolution:
égalité devant la loi, liberté individuelle, liberté
d'opinion et de publication... Si la religion catholique est déclarée
religion d'État, chacun peut professer sa religion avec une égale
liberté.
B) Le Roi est le chef suprême
de l'État, détient seul la puissance exécutive (article
13), propose et promulgue seul la loi (article 16) et enfin nomme
les juges (article 58). Cela signifie que le Roi règne et gouverne
; mais ce qui est plus important, c'est qu'il existe l'esquisse:
- d'une séparation
des pouvoirs: ainsi, les deux Chambres (des Pairs et des Députés)
détiennent une "portion de la puissance législative". Et
d'autre part, si "toute justice émane du Roi", les juges sont "inamovibles".
- d'une collaboration des pouvoirs:
ainsi, "les ministres peuvent être membres de la Chambre des Pairs
et de la Chambre des Députés. Ils ont en outre leur entrée
dans l'une ou l'autre des deux Chambres, et doivent être entendus
quand ils le demandent" (article 54).
- de facultés de révocation:
--- le Roi peut dissoudre la Chambre des
Députés (article 50)
--- les ministres peuvent être
accusés pour fait de trahison ou de concussion par la Chambre
des représentants et jugés par la Chambre des Pairs. Dans
ce dernier cas, il ne s'agit que d'une responsabilité
pénale mais on a vu au siècle précédent, en
Angleterre, que la simple menace par la Chambre des Communes d'engager
la responsabilité pénale avait amené ceux-ci
à démissionner. La notion de responsabilité
politique, sanctionnée non par une peine mais par le
départ du Gouvernement s'était ainsi
dégagée.
De plus, les chambres d'après
la Charte, votent le budget et consentent l'impôt. En refusant d'accorder
des moyens financiers au Gouvernement, les Assemblées pourraient
amener les ministres à se retirer.
Au total, on peut dire que la Charte,
si elle n'organisait pas un régime parlementaire pouvait être
un cadre qui autorisait son apparition. Il suffisait pour cela de la bonne
volonté du Roi et de quelques années de paix extérieure
et intérieure; facteurs qui ont été effectivement
réunis.
Cela s'est fait de façon
paradoxale lors de l'apparition de la responsabilité politique des
ministres. Les ministres désignés par Louis XVIII furent
en butte aux attaques des députés monarchistes les
plus conservateurs (les ultra); ces derniers soutinrent l'idée que
la Chambre des Députés avait le droit de renverser les ministres
nommés par le Roi. Mais cette idée conduisait en fait à
diminuer l'autorité du Roi, à créer le régime
parlementaire ; ce qui était le résultat inverse de ce qu'ils
avaient souhaité.
Le premier des ministres qui furent
amené à se retirer dans ces conditions fut le Duc de Richelieu,
arrière petit neveu du Cardinal, principal ministre en 1815. Ce
sont donc les adversaires du parlementarisme qui contribuèrent à
l'instaurer. Cependant, lorsque en 1824, Charles X succéda à
Louis XVIII, ils crurent qu'on allait enfin revenir à l'Ancien Régime.
En effet, Charles X favorable à leurs idées tenta de briser
l'évolution vers le régime parlementaire. Il essaya de gouverner
sans tenir compte de l'opinion de la majorité des parlementaires
et nomma en conséquence des Ministres Principaux non souhaités
par la Chambre des Députés comme Polignac.
Le résultat de cette politique
fut la Révolution de 1830. Révolution qui en amenant au pouvoir
Louis Philippe ne fit que renforcer l'évolution vers le Parlementarisme.
Section 2: la monarchie orléaniste et l'implantation du parlementarisme en France
Les faits: la Révolution de 1830 provoque l'abdication de Charles X (qui avait essayé de museler l'opposition en prenant des ordonnances qui suspendaient notamment la liberté de la presse), l'élimination de la branche ainée des Bourbons au profit de Louis-Philippe, Duc d'Orléans. Celui ci contrairement à ses prédécesseurs, va passer un véritable compromis avec la Révolution et va admettre l'implantation d'un parlementarisme qui a cependant le défaut d'être dualiste et de ne pas avoir de base populaire.
A) le compromis avec la Révolution :
Louis Philippe accepte tout d'abord
le principe de souveraineté nationale. La nouvelle Charte constitutionnelle
est fondée sur un accord politique entre le Roi et le Parlement.
La Charte de 1830 est en fait celle de 1814 amendée par les deux
Chambres. C'en est fini de la souveraineté de droit divin et du
drapeau à fleur de lys. Les amendements portent eux-mêmes
trace du compromis. Ils ont pour conséquence :
- l'ajout de nouveaux droits fondamentaux
comme la liberté de la presse. De plus la religion catholique n'est plus
considérée comme religion d'État ; elle est considérée
simplement comme la religion de la majorité des français.
- le Roi renonce au droit d'édicter
des ordonnances pour la sûreté de l'État : elles ne doivent
avoir comme objet que l'exécution des lois.
- Les Pairs héréditaires
sont supprimés ; il n'y aura plus à la Chambre des Pairs
que des Pairs nommés.
B) un parlementarisme dualiste et sans base populaire :
a) dualiste: Louis Philippe veut gouverner.
C'est pourquoi il choisit les ministres et les révoque. Mais comme d'autre
part, il ne veut pas gouverner sans le soutien du Parlement, il admet que les
ministres soient aussi responsables politiquement devant les Chambres. (Principe
de la double responsabilité = dualisme). Il
faut noter que cette responsabilité va s'exercer à travers un
procédé aujourd'hui interdit : l'interpellation.
[Définition : il s'agit d'une question
posée à un ministre suivie d'un débat général
qui est conclu par le vote d'un ordre du jour favorable ou non à ce ministre.
S'il est défavorable, le ministre démissionne]. A l'époque,
l'interpellation était encore un droit collectif ; son exercice requérait
l'assentiment de la majorité au Parlement.
D'autres procédés typiques
du parlementarisme, toujours en vigueur naissent à cette époque
: les questions orales, les enquêtes parlementaires. Ils sont nés
de la pratique, c'est-à-dire d'interprétations extensives de la
Charte.
b) sans base populaire: si on peut parler de
régime parlementaire, on ne peut parler de démocratie
parlementaire. En effet, le suffrage n'était pas universel ;
seuls votaient les citoyens qui acquittaient un minimum d'impôts,
le cens électoral. Sous la première Charte, il fallait
pour être électeur, payer au moins trois cents francs de
contribution directe et être âgé d'au moins de 30
ans ; la version de 1830 renvoyait la question à la loi qui
réduisit ces exigences sans les supprimer. Conséquence:
- 1830: 300000 électeurs
- 1848: 450000 "
La campagne menée par les Républicains
pour l'abolition du cens conduisit à la révolution du 22-24 février
1848 et à l'avènement de la République.
Section 3 : la IIIème République et l'avènement du parlementarisme moniste
Si les monarchistes ont réussi
à implanter le parlementarisme, il revient aux républicains
de l'avoir fait fonctionner durablement. Grâce à eux, le régime
parlementaire ébauché entre 1875 et 1848 va cette fois fonctionner
durablement de 1875 à 1940, soit pendant près de 65 ans.
Cette réussite s'explique sans doute en partie parce que les Républicains
ont voulu la démocratisation du régime parlementaire en instaurant
le suffrage universel.
Cependant, cela ne s'est pas fait
facilement, sans crises et de nouvelles expérimentations institutionnelles.
De 1848 à 1875, date de l'installation de la IIIème République,
la France va connaître une nouvelle période d'instabilité
constitutionnelle marquée par 2 reculs:
- 1er recul : la tentative de revenir
à un régime de séparation absolue des pouvoirs lors
de la Seconde République.
- 2ème recul : la tentative
de revenir à une dictature napoléonienne lors du Second Empire.
Avant de développer ces deux
tentatives, il nous faut faire un bref rappel des faits.
Les faits: après l'abdication
de Louis Philippe et la proclamation de la République le 25 février
1848, un gouvernement provisoire issu du soulèvement populaire est
formé. Présidé par Dupont de l'Eure et comprenant
Ledru-Rollin, Arago, Lamartine, Garnier-Pagès, L. Blanc, il prépare
l'élection d'une Assemblée Nationale Constituante.
Cette Assemblée élue
au Suffrage Universel direct va tenir sa première séance
au début de mai 1848. Elle va connaître une existence agitée
(journées d'émeute et de répression de juin 1848)
mais elle se sépare en novembre après avoir adopté
la Constitution du 12 Novembre 1848. Le régime instauré par
cette Constitution est un régime présidentiel dont la durée
de vie va être courte: 3 ans seulement. Il nous faut essayer de comprendre
pourquoi les Républicains n'ont pas essayé de faire fonctionner
le Parlementarisme tout de suite, pourquoi une nouvelle tentative
d'instaurer la spécialisation des pouvoirs en France a échoué...
A) l'échec de la Seconde République
Genèse: en réalité,
les Républicains de 1848 sont très divisés. On peut
distinguer entre deux tendances qui ne sont d'accord que sur une seule
chose : pas de balance des pouvoirs.
- les républicains les plus
radicaux : ils se donnent pour modèle les Montagnards de 1793 dont
ils imitent l'attitude, le langage et les raisonnements. Leur projet constitutionnel
est simple et logique : un peuple souverain, une seule assemblée
pour délibérer en son nom, un exécutif subordonné
à cette assemblée. C'est le système que décrivait
ainsi Félix Piat : "tous les inconvénients tombent si le
pouvoir exécutif est ce qu'il doit être, le bras de l'Assemblée;
le bras obéit à la tête, il exécute unitairement
la volonté de tous". Ce "bras" devait être un Comité
exécutif ou, comme le proposait J. Grévy, lui-même
futur Président de la IIIème république, un Président
du Conseil des Ministres élu et révocable par l'Assemblée.
En bref, ces républicains confondaient régime parlementaire
et régime d'assemblée ;
- les républicains modérés
de conviction ancienne ou de ralliement récent, voient les choses
tout autrement. Point de romantisme révolutionnaire chez eux, mais
la volonté de clore une bonne fois pour toute la Révolution.
N'oublions pas que pour beaucoup
de français de cette époque, la République faisait
penser à la Convention, à la Terreur. Pour les républicains
modérés, il s'agissait en conséquence de faire la
République sans ressusciter le régime conventionnel. Point
d'Assemblée unique donc mais un pouvoir législatif prudemment
réparti entre deux Chambres. Point de Comité exécutif
ou de chef de Gouvernement subordonné au législatif, mais
un chef de l'État fort assisté de ministres. Mais comment
donner à ce Président l'autorité nécessaire
sinon en le faisant élire par le peuple ? Il pourra dire aux Assemblées:
"Vous êtes les élus de la Nation, moi aussi !"
Le comité constitutionnel
chargé par l'Assemblée de préparer le projet dut trouver
un compromis entre les thèses des républicains modérés
et radicaux. D'abord, il opta contre l'avis de quelques uns de ses membres
pour une Assemblée unique. L'idée d'une deuxième Chambre,
d'une Chambre Haute n'était pas dans l'esprit de l'époque:
elle rappelait la Chambre des Pairs, le Sénat impérial, l'aristocratique
Chambre des Lords anglais. Mais si le pouvoir législatif était
concentré en une seule Assemblée, il fallait trouver un contre
poids suffisant. Voilà pourquoi on opta pour un Président
élu au suffrage universel direct. Voilà pourquoi on donna
une grande liberté d'action à ce Président, ce qui
conduisait à exclure le fait que les ministres nommés par
lui soient renversés par l'Assemblée. les ministres ne pouvaient
être révoqués (et nommés) que par le seul Président
(pouvoirs propres art. 67). La contre partie logique était
que le Président ne puisse pas dissoudre cette Assemblée.
Au total, sans l'avoir vraiment
voulu, les Républicains ont instauré un régime
de séparation absolue des pouvoirs où les facultés
de révocation étaient absentes; même le droit de veto
était absent [On retrouve le principe de spécialisation cher
à Rousseau]. Cela avec un grave risque de conflits qui ne connaissent
pas de mode de résolution pacifique. Les avertissements ne manquèrent
pas : "pouvoirs indépendants, conflits de pouvoirs, révolutions"
affirma J. Grévy. Selon, Vivien, membre dela Commission, on ne pouvait
concevoir des conflits qu'entre des autorités qui exerçaient
des fonctions identiques, mais qu'entre l'Assemblée investie du
pouvoir législatif et le Président titulaire du pouvoir éxécutif,
aucun conflit n'était possible puisque l'un éyait subordonné
à l'autre : « si le Président n'accomplit pas ses fonctions,
s'il n'exécute pas les lois..., vous prendrez les précautions
nécessaires pour que toute onfraction à ses devoirs soit
sévèrement réprimée... ». Les succès
électoraux remportés lors des premières élections
présidentielles par Louis Napoléon Bonaparte, neveu de l'Empereur
inquiétèrent certes les Constituants. Mais le sort en était
jeté. On sait ce qu'il advint : les conflits entre Louis Napoléon
élu par une large majorité de français et l'Assembler
législative en majorité monarchiste ne prirent fin que par
le coup d'État bonapartiste du 2 décembre 1851.
B) le retour à une dictature napoléonienne
Cette nouvelle expérience
institutionnelle ne nous retiendra guère. Il faut savoir seulement
que par un plébiscite de décembre 1851, le Président
obtient de transformer la République présidentielle en République
autoritaire.
Une nouvelle Constitution fut élaborée:
celle du 14 janvier 1852. Elle comportait un Président élu
au suffrage universel pour 10 ans qui nommait et révoquait les ministres,
un Sénat dont presque tous les membres étaient nommés
par le Président, un Corps législatif dont le Président
et les vice-présidents étaient nommés par le Président
qui n'avait pas le droit d'initiative législative.
Dès le 7 novembre 1852, la
dignité impériale était rétablie par un acte
du sénat. Après 18 ans d'Empire d'abord autoritaire puis
plus libéral, un autre acte du Sénat daté du 21 mars
1870 établit une Constitution impériale amendée que
la majorité du peuple français approuva. Sans la guerre de
1870 et la défaite de Sedan, l'application de cette constitution
aurait pu amener le pays au régime parlementaire.
C) l'établissement de la République parlementaire
les faits: Napoléon III capitule
le 2 décembre 1870. L'organisation d'une régence par l'Impératrice
Eugènie échoue. Un Gouvernement provisoire présidé
par le Général Trochu se forme. Il demande un armistice qui
est conclu le 28 janvier 1871; cet armistice rend possible l'élection
d'une Assemblée Nationale le 8 février 1871. Curieusement,
les élections conduisent à la victoire des monarchistes qui
étaient favorables à la paix alors que les républicains
étaient pour la continuation de la guerre.
Cette assemblée, sans véritable
souffle novateur qui nomme Thiers comme chef du pouvoir exécutif
va se contenter de gérer le provisoire en attendant une restauration
improbable (compte tenu du conflit de légitimité entre les
prétendants à la Couronne). Il faudra attendre les débuts
de 1875 pour que les Républicains devenus majoritaires à
l'Assemblée réussissent à établir une République
Parlementaire.
Cependant, lors de cette période
transitoire, 3 grandes lois sont adoptées qui esquissent le régime
Parlementaire:
- la loi Rivet du 31 Août
1871:
On essaye de rendre responsable
politiquement devant l'Assemblée à la fois le Chef de l'État
et un vice-président du Conseil des Ministres.
- la loi des Trente du 13
Mars 1873 : (ou "Constitution De Broglie")
On essaye d'encadrer l'Exécutif
en obligeant par exemple Thiers à demander au Conseil des Ministres
l'autorisation de faire des déclarations de politique intérieure
devant le Parlement.
- la loi du Septennat du 20
novembre 1873 :
Cette loi confie pour 7 ans le pouvoir
exécutif au Maréchal de Mac-Mahon, successeur de Thiers.
Il s'agissait d'organiser une présidence personnelle suffisamment
longue pour attendre que "Dieu ouvre les yeux au futur Henri V ou daigne
les lui fermer". Henri V n'ayant pas d'enfant, on espérait qu'à
sa mort le trône reviendrait au Duc d'Orléans qui lui était
plus favorable aux idées nouvelles (acceptant le drapeau tricolore,
la Monarchie constitutionnelle).
Enfin, cette loi décida la
création d'une Commission de 30 membres pour mettre au point des
lois constitutionnelles.
Pour en savoir plus sur les origines de la IIIe : extraits du Traité de droit constitutionnel de Barthélemy et Duez (1933).
a)
les lois constitutionnelles de 1875
[soit 3 lois -
24 février 1875 concernant le Sénat - 25 février 1875
concernant l'organisation des pouvoirs publics - 16 juillet 1875 sur les
rapports entre les pouvoirs publics]
1 caractéristiques formelles
:
= Constitution brève (25 articles),
empirique (elle résulte d'un compromis entre républicains et monarchistes)
et facile à réviser.
2 caractéristiques au fond
:
Elle organise d'emblée un
régime parlementaire un peu sur le modèle de la Charte de
1830 auquelle on aurait ajouté les procédures nées
dans la pratique de 1830 et 1848); régime que l'on peut en un tour
de main transformer en monarchie parlementaire. Ce régime résulte
d'un compromis entre monarchistes et républicains.
Les monarchistes ont obtenu :
- l'absence d'une Déclaration
des Droits
- un Parlement bicaméral
composé:
----- d'une Chambre des députés
élus au scrutin majoritaire uninominal à 2 tours censé
être peu démocratique.
----- d'un Sénat qui rappelle
un peu la Chambre des Pairs de la Monarchie de Juillet. En effet il comprend
des sénateurs élus (225) mais aussi des sénateurs
inamovibles (75) qui ne seront supprimés qu'à partir de 1884.
Ce Sénat a une place aussi importante que la 1ère Chambre:
il vote la loi et peut être constitué en Cour de Justice pour
juger sur un plan pénal les membres de l'Exécutif. En pratique,
il ira même jusqu'à renverser le Cabinet. Enfin, il a le privilège
de ne pouvoir être dissous tandis qu'il donne son avis conforme pour
la dissolution de la Chambre des députés.
- un Président de la République
fort élu pour 7 ans non par l'ensemble de la population mais par
l'Assemblée Nationale (nom donné au Parlement). Il nomme
et révoque les ministres ainsi que les hauts fonctionnaires. Il
peut dissoudre la Chambre des Députés.
Quant aux Républicains, ils
ont obtenu :
- le maintien du Suffrage Universel
au moins pour l'élection des députés
- l'existence d'un Président de la
"République" (depuis l'amendement Wallon 1875) dont les pouvoirs sont
limités puiqu'ils sont tous soumis à contreseing (article 3 de
la loi du 25 février)
- la limitation du droit de dissolution
grâce à l'avis conforme du Sénat.
Au total, on a bien l'impression de se trouver
devant une troisième Charte ; c'est-à-dire un cadre qui rend possible
le fonctionnement durable d'un parlementarisme fondé sur les facultés
de révocation classiques :
- le droit de dissolution royale (car
donné au chef de l'État et non à un chef de
Gouvernement ou Président du Conseil qui n'est pas prévu
par la Constitution)
- la responsabilité politique des
ministres devant la Chambre des députés.
Mais ce parlementarisme prendra en fait deux formes selon que ce seront les républicains ou les monarchistes qui seront au pouvoir. On peut dire que si la IIIème République conservera toujours un régime constitutionnel parlementaire, son régime politique évoluera adoptant une forme dualiste puis moniste.
b)
les interprétations des lois constitutionnelles de 1875
1ère forme: le parlementarisme dualiste.
C'est ainsi que Mac Mahon, premier
Président de la IIIème République mais monarchiste
interprète la Constitution. Il le prouve notamment :
- en se croyant investi d'une responsabilité
spéciale devant la Nation qui fait de lui un sage, un arbitre garant
du respect de la Constitution et des intérêts vitaux de la
France.
- en appelant des ministres qui
ont sa confiance et en les renvoyant lorsque ce n'est plus le cas.
- en utilisant le droit de dissolution
pour s'opposer à la Chambre des députés en s'appuyant
sur le Sénat.
Cette tentative d'orienter le parlementarisme
dans un sens dualiste va se heurter à un obstacle sérieux
: aux élections générales des 20 février et
5 mars 1876, les républicains remportent une large victoire. Ils
vont exiger que le cabinet soit composé d'hommes favorables à
leurs idées. Cela aboutit à la crise du 16 Mai 1877 ; journée
pendant laquelle Mac-Mahon renvoie son Président du Conseil qui
avait eu le tort selon lui d'accepter un ordre du jour voté par
la Chambre des Députés. Mac Mahon dissout la Chambre mais
la majorité républicaine est réélue le 14 octobre,
grossie. Dès lors, Mac-Mahon se soumettra, puis en 1879 démissionnera.
On est passé à une autre forme de parlementarisme.
2ème forme: le Parlementarisme
moniste (1877-1940)
A partir de 1879, date à
laquelle Jules Grévy succède à Mac-Mahon, la
IIIème République passe aux mains des Républicains
qui vont l'orienter dans un sens moniste ; un parlementarisme qui va très
vite entrer en crise.
- l'orientation dans un sens moniste
: on peut la déduire d'un discours important de Jules Grévy
tenu le 6 février 1879 (discours surnommé "Constitution Grévy").
Dans ce message, J. Grévy accepte le principe :
* d'une part : de la non utilisation
du droit de dissolution. En effet, la façon dont Mac-Mahon a utilisé
cette prérogative l'a discréditée aux yeux des Républicains.
Elle est apparue comme une atteinte aux droits de la Nation représentée
par la Chambre des députés. Dès lors J. Grévy
mais aussi les futurs chefs d'État hésiteront à utiliser
ce droit, pourtant indispensable pour assurer leur indépendance
vis-à-vis des Chambres. En 1924, le Parlement ira même jusqu'à
contraindre A. Millerand à démissionner parce qu'il envisageait
d'avoir recours à ce droit.
* d'autre part: du choix des ministres
dans la majorité ; ces derniers n'étant responsables que
devant le Parlement.
Cela aboutit à un dessaisissement
du Président. Ce dernier ne voit pas pour autant son rôle
devenir nul. S'il n'est pas un chef de gouvernement, il conservera un rôle
effectif dans deux domaines :
- il continue à intervenir
dans les domaines consensuels (diplomatie, politique coloniale, haute administration)
; soit les domaines où les partis politiques ne s'opposent pas.
- il choisit réellement les
ministres dont le Président du Conseil. Son choix n'est donc pas
un acte passif d'enregistrement de la volonté des partis. Pourquoi?
il n'existe pas en France à cette époque comme en Angleterre,
deux partis organisés fortement, ayant à leur tête
des leaders incontestables devenant automatiquement ministres ou chefs
du gouvernement lorsque l'un des partis l'emporte. Dès lors, il
est rare que des personnes soient nettement désignées au
Chef de l'État par les indications du pays ou le vœu des Chambres.
Il reste donc dans les limites assez larges des indications des partis
politiques, une marge de manœuvre importante au profit du Chef de
l'État.
Cependant le centre de gravité du
régime a changé avec l'effacement de la présidence
de la République. Ce sont les ministres qui, en
réalité, détiennent le pouvoir gouvernemental,
agissant sous le contrôle de la Chambre des
députés. A cette époque, la prédominance du
Cabinet a été telle que l'on a pu qualifier le
régime de gouvernement ministériel. Le Cabinet
réuni en Conseil des Ministres à l'Elysée ou en
Conseil de Cabinet hors la présence du chef de l'Etat
détermine et délibère sur la politique
gouvernementale. Et il revient au Président du Conseil de
diriger les délibérations et de représenter le
Cabinet devant les Chambres, de répondre aux interpellations les
plus importantes.
c)
la crise du parlementarisme moniste
Il reste que la "Constitution Grévy"
en affaiblissant l'Exécutif va être un des facteurs explicatifs
de la crise du parlementarisme sous la IIIème République.
L'autre facteur étant l'absence de phénomène majoritaire.
Cette crise va avoir plusieurs manifestations :
* instabilité gouvernementale
(et non ministérielle) : avec un processus d'accélération
à partir de 1924. Pourquoi ? la Chambre des Députés
n'a pas de majorité organisée autour d'un parti dominant
(chaque parti a au maximum 100 sièges); elle ne peut donc apporter
un soutien fiable et constant à un Cabinet. Se multiplient les questions
et surtout les interpellations (débat- vote sur un ordre du jour,
pur et simple, motivé : de confiance ou de défiance) qui
aboutissent à son renversement.
* absence de leadership gouvernemental.
On écarte de la Présidence les hommes dont on pouvait attendre
ou redouter un exercice énergique des prérogatives présidentielles.
Grévy fut préféré à Gambetta, Carnot
à J. Ferry, F. Faure à Waldeck-Rousseau. Enfin, on cherche
un Président du Conseil qui soit avant tout un homme de compromis,
capable de plaire à une majorité hétéroclite.
* dessaisissement du Parlement au
profit des partis politiques:
En réalité, le Parlement
ne choisit ni ne contrôle le Gouvernement; ce sont les partis qui
le font à sa place ; même la loi est initiée et approuvée
avant tout par les partis. Le Gouvernement d'Assemblée n'est donc
qu'une apparence; on aboutit plutôt à une partitocratie.
Des efforts seront faits pour restituer
au régime une efficacité et restaurer l'Exécutif:
- organisation de la Présidence
du Conseil: le poste de Président de Conseil est d'abord crée
de facto ; puis après 1914, la Présidence du Conseil est
organisée administrativement (un Secrétariat Gouvernemental
est crée). Enfin, en 1934, une loi de finance reconnaît l'existence
d'un "Ministre chargé de la Présidence du Conseil" qui aura
un local particulier : l'Hôtel de Matignon.
-apparition des décrets-lois:
pendant la Guerre 14-18, le Parlement accepte de déléguer
au Gouvernement le pouvoir de faire la loi. Puis, à partir de 1924,
Poincaré obtient de nouveau l'autorisation du Parlement. Il y aura
généralisation des décrets-lois entre 1934 et 1940.
Ces remèdes ne résoudront
rien.
NOTA : voir la naissance de l'idée de rationalisation du Parlementarisme qui sera reprise et appliquée sous les IVème et Vème Républiques. (Cf Blum, Tardieu...)
Conclusion:
Cette crise explique la chute de
la IIIème République. Face à la guerre et surtout
face à la défaite, le régime se révélera
incapable de réagir. L'exécutif se divisera sur la
question : continuer la lutte ou demander un armistice. Finalement, par
la loi du 10 juillet 1940, le Parlement préférera donner
les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain et lui permettra de
réviser la Constitution.
Section 4: le nouvel échec du parlementarisme moniste sous la IVème République
Les républicains ont donc réussi à faire fonctionner le parlementarisme dans le cadre de la République. Mais en lui donnant une orientation moniste (à la limite du Gouvernement d'Assemblée), ils ne purent éviter qu'il entre en crise. Après la Guerre 40-45, les Républicains crurent qu'en réformant la Parlementarisme moniste, ils pourraient éviter les errements de la IIIème République. Avant d'étudier la réforme du Parlementarisme moniste et son échec, il nous faut rappeler comment s'est installée la IIIème République.
A l'installation de la IVème République
A la Libération, le Gouvernement
issu de la Résistance, (le Gouvernement Provisoire de la République
Française) dirigé par le G de Gaulle hésite. Certains
membres sont favorables au retour aux lois de 1875; d'autres veulent une
Nouvelle République. De Gaulle va demander aux français de
trancher par un référendum. Ce référendum qui
a lieu le 21 octobre 1945 voit la très nette victoire des partisans
de la IVème République. L'Assemblée qui est élue
le même jour sera constituante. Cette Assemblée composée
d'une majorité socialiste/communiste se met au travail. Elle proposera
aux Français 2 projets de Constitution; 2 projets car le premier
sera refusé. Étudions rapidement ce premier projet qui sera
critiqué implicitement par le G de Gaulle dans un discours fort
célèbre, le Discours de Bayeux de Juin 46.
Ce premier projet de Constitution
est marqué par la volonté de revenir à la "Constitution
Grévy". Il est refusé par la droite gaulliste et traditionnelle
(le M.R.P.). Son contenu:
* le pouvoir législatif est
confié à une Assemblée unique pour 5 ans au suffrage
universel direct. Le Sénat est remplacé par 2 organes consultatifs
(le Conseil de l'Union Française et le Conseil Économique).
* le pouvoir exécutif est
partagé entre;
- un Président élu
par l'Assemblée Nationale au rôle honorifique.
- un Président du Conseil
élu lui aussi par l'Assemblée nationale qui choisit lui-même
ses ministres. La composition, la structure, le programme du Cabinet doivent
être approuvées par l'Assemblée lors d'un vote à
la majorité absolue (on parle d'investiture).
Nous avons là le schéma
d'un régime parlementaire moniste qui peut évoluer facilement
vers le Régime d'Assemblée. Les seuls garde fous sont les
suivants:
1 le cabinet ne peut être
renversé qu'à la majorité absolue (=des membres) de
l'Assemblée (alors que sous la IIème république, il
pourrait être renversé à la majorité relative).
2 la dissolution est de nouveau
possible mais assortie de conditions sévères :
- possibilité
d'une auto dissolution de l'Assemblée mais à la majorité
des 2/3.
- possibilité
d'une dissolution par le Conseil des Ministres mais à condition
que 2 Gouvernements soient tombés au cours d'une session annuelle.
Ces garde fous seront jugés
insuffisants par la droite et le centre. Le 5 Mai 1946, le projet est repoussé.
Le 2 juin 1946, une nouvelle Assemblée constituante est élue
et obtient la ratification par le corps électoral le 13 octobre
d'un projet modifié. On aboutit à un parlementarisme moniste
rationalisé qui entrera cependant en crise lui aussi.
B le parlementarisme rationalisé de la IVème République
Cette idée de rationalisation
du parlementarisme n'est ni nouvelle, ni propre à la France. D'une
part, on la retrouve exprimée par de nombreux hommes politiques
sous la IIIème République (Cf. Tardieu, Blum...). D'autre
part, d'autres pays comme la R.F.A., l'Italie tenteront de l'appliquer
au sortir de la 2ème G.M.. Il s'agit au moyen de techniques juridiques
(véritables béquilles) de permettre à un Gouvernement
de trouver une majorité de soutien alors que le mode de scrutin,
le système de partis ne la fournissent pas.
La Constitution de 1946 utilise
principalement 2 techniques:
- le Gouvernement procède
de l'Assemblée Nationale grâce à un contrat de législature
liant le Président du Conseil et sa majorité; l'Assemblée
Nationale investit le Président du Conseil au vu de son programme
à la majorité absolue.
- le Gouvernement ne peut être
censuré qu'à la majorité absolue et non par le simple
jeu d'interpellations.
Le problème, c'est que la
stabilité gouvernementale n'est pas liée à l'obtention
par le Gouvernement de moyens législatifs et budgétaires
; or si le Gouvernement engage sa responsabilité politique à
la majorité relative sur une loi ordinaire ou budgétaire,
rien n'est prévu s'il échoue.
Les autres techniques de
rationalisation d'importance mineure peuvent être étudiées
à partir de la description de l'organisation des pouvoirs publics.
- le pouvoir législatif est
confié de nouveau à un Parlement bicaméral; les 2
chambres sont:
-- une Assemblée Nationale élue
à la RP au suffrage universel direct ; mais bientôt, une loi dite
des "apparentements" du 9 mai 1951 introduira un élément majoritaire.
(les listes apparentées qui l'emportent dans une circonscription gagnent
tous les sièges comme avec le scrutin majoritaire).
-- un Conseil de la République
élu à partir de la loi du 23 septembre 1948 comme le
Sénat de la IIIème République. Ce Conseil n'a au
départ qu'un rôle consultatif; c'est-à-dire qu'il
ne vote pas la loi. Il se contente de donner un avis sur les
projets et propositions de loi. Mais s'il vote une modification de la
loi voulue par l'Assemblée nationale, cela à la
majorité absolue, alors l'Assemblée Nationale ne peut
passer outre qu'à la suite d'un vote acquis dans les mêmes
formes. Après une réforme de 1954, le Conseil de la
République retrouvera comme le Sénat de la IIIème
république le pouvoir de voter la loi.
- le pouvoir exécutif
est donné à :
* un Président de la République
élu pour 7 ans par le Parlement; il n'est plus chef de l'Exécutif
et perd au profit du Président du Conseil de nombreuses prérogatives.
* un Président du Conseil
qui dirige le Gouvernement qu'on veut stable; il dispose pour cela notamment
des compétences suivantes:
. il est seul à pouvoir poser
la question de confiance après autorisation du cabinet
. il dispose du droit de dissolution
qui ne peut intervenir que si dans un délai de 18 mois, 2 crises
ministérielles dans les formes "constitutionnelles" sont intervenues
(c'est-à-dire si le Gouvernement est tombé soit parce que
la question de confiance a été rejetée à la
majorité absolue, soit parce qu'il a été victime d'une
motion de censure votée à la majorité absolue). de
plus, une dissolution ne peut intervenir dans les 18 premiers mois d'une
législature (article 51).
Il faut ajouter que, jusqu'en 1954, en cas de
dissolution, le Président de l'Assemblée Nationale
remplaçait le Président du Conseil dans ses fonctions et
désignait, en accord avec le bureau de l'Assemblée, un
nouveau ministre de l'Intérieur. Après, ce n'est que dans
le cas où la dissolution fait suite à un vote de censure
que le Président de l'Assemblée Nationale remplace le
Président du Conseil. Il fait alors aussi fonction de ministre
de l'Intérieur.
Comme on le voit, par rapport au premier
projet de constitution, ce projet prend réellement en compte le problème
de l'instabilité ministérielle. Mais de façon contradictoire,
il ne rompt pas avec la tradition révolutionnaire et même républicaine
qui identifie souveraineté nationale et souveraineté parlementaire
; ce qui se traduit par le fait que le Gouvernement continue de procéder
étroitement du Parlement; il n'a pas d'autonomie réelle et donc
peut être très affaibli si la rationalisation ne marche pas.
C les dérapages de
la rationalisation
Ils concernent :
- l'investiture: elle doit avoir
lieu normalement à la majorité absolue. Or, Ramadier, premier
Président du Conseil nommé sous la IVème République
accepte après avoir été investi le 21 janvier 1947
de revenir une seconde fois devant l'Assemblée nationale pour répondre
à des interpellations concernant la composition de son Gouvernement.
Dès lors va se développer la pratique de ce qu'on appelle
la "double investiture":
une première investiture
à la majorité absolue sur le nom du président du Conseil
et le programme du Gouvernement
une deuxième investiture
à la majorité relative sur la composition du Gouvernement
qui va l'affaiblir.
- la question de confiance : normalement,
le Président du Conseil devait utiliser la question de confiance
dans des cas rares compte tenu de la prise de risque qu'elle suppose. Mais,
dans la pratique, il y eut inflation de questions de confiance. Le Président
du Conseil en usa très souvent pour contraindre sa majorité
à voter des projets de lois qu'il jugeait indispensables. Or les
députés s'arrangèrent pour rejeter la question de
confiance à la majorité relative. En conséquence,
le Gouvernement n'obtenait pas ce qu'il voulait, soit l'adoption de son
projet de loi et était mis en minorité; ce qui l'obligeait
à démissionner. Comme de plus, le rejet de la question de
confiance n'avait pas eu lieu à la majorité absolue, cela
ne pouvait être comptabilisé comme une crise ministérielle
constitutionnelle permettant de dissoudre.
- la réapparition des interpellations:
les interpellations interdites par la Constitution de 1946 réapparurent
très vite. Elles avaient l'avantage pour les députés
de leur permettre de renverser le Gouvernement à la majorité
relative (ou des suffrages exprimés) ; ce qui empêchait là
encore l'utilisation du droit de dissolution. En réalité,
la procédure officielle de la motion de censure faite pour renverser
le Gouvernement (adoptée à la majorité absolue) n'entraîna
jamais la démission du Gouvernement.
- la non utilisation du droit de
dissolution: le droit de dissolution était assorti comme on l'a
vu de conditions qui rendaient son utilisation improbable (Cf rappel des
conditions); de plus, les députés en renversant le Gouvernement
dans des conditions non prévues par la Constitution avaient réussi
à priver le Gouvernement de cette arme. Une seule dissolution intervint
le 2 décembre 1955 faite par E. Faure (la dernière était
celle du 25 juin 1877) à la suite de deux erreurs de tir des députés:
en février 1955, P. Mendès-France, puis E. Faure en décembre
ayant été renversés à la majorité absolue.
Mais ce fut un échec. E. Faure n'obtint pas grâce aux élections
une majorité plus large et plus soudée.
La conséquence de cet échec
de la rationalisation fut à la fois la crise et la chute du régime.
D
la crise et la chute de la IVème république.
La rationalisation du parlementarisme
moniste sous la IVème République n'a pas permis aux
différents gouvernements d'obtenir une majorité de soutien
cohérente et durable ; majorité que le mode de scrutin choisi,
la R.P. (même réformée en 1951) et surtout le système
de parti en vigueur ne pouvaient procurer naturellement à ces Gouvernements.
Un mot sur ce système de
partis qui reste défavorable tout au long de la IVème République:
c'est un système de multipartisme difficilement tempéré
par des alliances.
- multipartisme car il existe au
départ trois grands partis susceptibles de s'allier, soit le P.C.,
la SFIO et le M.R.P. à 25% de voix; c'est le système dit
du "tripartisme" qui pouvait apparaître au départ comme une
garantie de stabilité. Mais ce tripartisme va disparaître
très tôt: les deux derniers partis vont décliner électoralement
rapidement et vont se créer de nombreux petits partis qui
seront en dessous des 25%. (par exemple le RPF, rassemblement du peuple
français du G. de Gaulle crée en avril 1947). Aucun
Gouvernement n'a pu donc bénéficier comme en GB de majorité
monopartisane ou au moins de majorité bipartisane.
- alliances difficiles car certains
partis "extrémistes" vont refuser d'entrer dans des alliances ou
ne pas y rester: il s'agit de partis qui sont contre le régime tels
que le P.C., le RPF du G de Gaulle (dissous en 1953), les poujadistes...
Du coup, les Gouvernements devront toujours rechercher une majorité
au centre, forcément hétéroclite, sans volonté
commune car artificielle. Cette majorité ne peut s'appuyer que sur
400 députés seulement sur 620. Elle doit comprendre des représentants
d'au moins quatre familles politiques opposées: les socialistes,
les radicaux, les républicains populaires et les modérés
du centre droit. Familles qui se divisent constamment sur les différents
secteurs de la vie nationale. D'où des défaillances fréquentes
de la cohésion Gouvernementale conduisant à la chute des
ministères: par exemple, en décembre 1952, le Président
Pinay devra constater la défection du groupe M.R.P. et démissionne
en se référant à "la défaillance d'un groupe
important de la majorité".
On comprend maintenant pourquoi
le régime va très vite entrer en crise; crise dont les symptômes
ressemblent beaucoup à ceux de la crise de la IIIème République:
- instabilité gouvernementale
: 25 Gouvernements du 21 novembre 1945 au 1er juin 1958. Les crises ministérielles
pendant lesquelles on cherche un nouveau Président du Conseil étant
de plus en plus longues. Par exemple lorsqu'éclate l'insurrection
d'Alger le 13 mai 1958, la France n'a pas de Gouvernement. Voilà
près d'un mois que le Président du Conseil F. Gaillard a
démissionné.
- dessaisissement du Parlement :
En contradiction avec l'article 13 de la Constitution, sont réapparus
depuis 1953 les décrets-lois. C'est le Gouvernement qui prend
les mesures législatives les plus importantes. Pourtant, une loi
Marie avait en 1948 fixé un domaine au règlement que le Gouvernement
ne pouvait quitter. Très exactement, l'article 6 de cette loi prévoyait
que des décrets pris en Conseil des ministres après avis
du Conseil d'Etat pouvaient abroger, modifier ou remplacer des lois en
vigueur dans les matières "ayant par leur nature un caractère
réglementaire", dont l'article 7 donnait une énumération
limitative. Cela veut dire que le Gouvernement se voyait fixé un
domaine normatif (ce qui ne l'empêchait pas de modifier des lois
ou décrets-lois antérieurs qui étaient entrés
dans ce domaine). Mais en aucun cas, il ne pouvait sortir de ce domaine
pour entrer dans celui de la loi ou du Parlement. Mais cela ne fut pas
respecté.
- échec des révisions
constitutionnelles: ce fut le cas de la révision de 1954 qui essaya
notamment de supprimer la double investiture du Gouvernement qui était
apparue en pratique. Elle instaura une investiture unique: le Président
du Conseil désigné par le Président de la République
devait présenter son programme et la composition de son Gouvernement
à l'Assemblée Nationale. De plus, le vote devait avoir lieu
à la majorité relative. Cela devait permettre au Gouvernement
de trouver une majorité plus facilement tout en ne donnant plus
aux partis politiques la possibilité de contrôler la composition
du cabinet. En fait, apparut avant l'investiture une phase préliminaire
de consultation; le Président du Conseil "pressenti" (avant d'être
désigné par le Président de la République)
prenant contact avec les partis pour obtenir leur accord préalable
sur la composition du Gouvernement. La réforme n'avait servi
à rien.
- carence du pouvoir d'État:
C'est vrai pour le Président de la république qui n'est qu'une
magistrature d'influence sans réelle légitimité. Concernant
cette légitimité, par exemple le dernier Président
de la République de la IVème République, R. Coty ne
sera élu le 24 décembre 1953 qu'au 13ème tour. Rappelons
que tous les actes du Président de la République doivent
être contresignés par le Président du Conseil et les
ministres responsables. C'est pourquoi, il ne peut prendre aucune initiative
sauf en ce qui concerne la désignation du Président du Conseil
(compétence non soumise à contreseing). Dans ce seul secteur,
le Président en cas de crise Gouvernementale, conservait un réel
pouvoir.
Au total, la France apparaît
à cette époque comme "l'homme malade de l'Europe", l'exemple
type du régime Parlementaire moniste instable comme l'est l'Italie
aujourd'hui ou Israël. Tout comme la IIIème république,
la IVème république chutera en raison de l'incapacité
de son pouvoir exécutif à faire face à une crise internationale
majeure; crise qui naîtra du problème de la décolonisation.
E La
chute du régime:
Si la IVème République
a pu relever l'économie, elle n'a pu maîtriser le problème
de la décolonisation.
1947: insurrection de Madagascar
1950: crises au Maroc et en Tunisie
1954: insurrection algérienne
du 1er novembre 1954;
A ses débuts, personne ne
la considère comme grave. M. Mitterrand, alors ministre de l'Intérieur
du Cabinet Mendès-France s'associe aux déclarations de son
président du Conseil disant: "l'Algérie, c'est la France".
Il est vrai que la décolonisation semble impensable dans le cadre
algérien compte tenu de sa spécificité:
- l'Algérie est un département
français et contrairement par exemple à un protectorat, elle
n'a pas vocation à devenir indépendante.
- l'Algérie compte près
d'un million d'européens à côté de 8 à
9 millions de musulmans.
M. E. Faure qui a succédé
à M. Mendès-France décide en avril 1955 l'état
d'urgence en Algérie. le nouveau Gouvernement socialiste issu des
élections du 2 janvier 1956 devait en principe marquer un tournant
"libéral" de la politique algérienne. Dans sa campagne électorale,
M. Guy Mollet qui va devenir Président du Conseil avait parlé
de guerre "imbécile et sans issue". Mais le 6 février 1956,
venu à Alger voir les choses sur place, il est l'objet de manifestations
d'hostilité et de jets de tomates. Refusant d'apparaître comme
le bradeur de l'Algérie, il propose une politique qui, deviendra
la politique officielle de la IVème République. Elle tient
en trois termes:
- Cessez-le-feu à obtenir
par nos armes
- élections libres; ce qui
n'est pas évident car il y a toujours deux collèges, un collège
français et un collège musulman
- négociations mais avec
qui? ainsi, le F.L.N. ne veut pas parler; il pose un préalable qui
n'est pas le cessez-le-feu mais l'indépendance.
On poursuivra donc la "lutte contre
la rébellion". Pour cela, M. G. Mollet obtient des pouvoirs spéciaux
votés à la quasi unanimité et décide l'envoi
du contingent. Son successeur, M. Bourgès-Maunoury propose une réforme
libérale: le collège électoral unique mais dont les
Européens d'Algérie ne veulent pas car ils seraient très
minoritaires (1/10), un Parlement fédératif, une organisation
exécutive propre. Il est renversé le 30 septembre 1957 notamment
grâce aux communistes et aux poujadistes. M. F. Gaillard, nouveau
P du C réussit à faire voter le projet mais sous une forme
affadie ; de plus le projet doit entrer en application après le
cessez-le-feu. Cela ne peut évidemment apporter de solution à
l'affaire algérienne qui s'internationalise. Les propositions anglo-américaines
reprises par F. Gaillard provoquent un vif débat à l'Assemblée
le 15 avril. Le Gouvernement est renversé le 15 avril: il a eu contre
lui les communistes, 150 voix de droite et une vingtaine de gauche dont
M. Mitterrand et M. Mendès-France. S'ouvre alors la grande crise
de "mai 1958".
Durant le mois qui suit la chute
du ministère Gaillard, on cherche désespérément
un Gouvernement, un nouveau Président du Conseil. Lorsqu'on le trouve
en la personne de M. Pierre Pflimlin, président du M.R.P., partisan
d'une politique libérale, alors la population européenne
qui redoute une politique d'abandon et refuse le collège unique
finit par se révolter. Le 13 Mai 1958, jour de l'investiture
de P. Pflimlin, grâce à la complicité de l'armée
sur place, on s'empare du Gouvernement général à Alger.
Se constitue un Comité de Salut Public décidé à
défendre l'Algérie française.
Devant l'enlisement des gouvernements et
le risque de guerre civile, le Président de la République finit
par désigner le principal adversaire du régime, De Gaulle comme
Président du Conseil. Il est investi le 1er juin. Ont voté contre
lui principalement les communistes et une grosse moitié des socialistes,
49 sur 95. Ce dernier demande le vote par l'Assemblée de 3 lois qui seront
adoptées le 3 juin:
- une loi qui reconduit les pouvoirs spéciaux
en Algérie : cette loi ne fait pas problème car c'est pour régler
l'affaire algérienne qu'on a appelé le G. de Gaulle. Il est normal
qu'on lui donne des pouvoirs aux moins égaux à ceux donnés
à ses prédécesseurs.
- une loi lui permettant au Gouvernement
de modifier la législation par ordonnances pour une durée de 6
mois. (Ce sont les anciens décrets-lois)
- surtout une loi qui donne au Gouvernement le
pouvoir d'élaborer un projet de Constitution nouvelle. Ce projet
soulève de longues discussions. En fait, pour De Gaulle, il faut
d'abord réformer l'État; c'est cela seul qui permettra de
résoudre la question algérienne. la déclaration
d'investiture du est très nette: "ce ne serait rien que de
remédier provisoirement, tant bien que mal, à un
état de choses désastreux, si nous ne décidions
pas à en finir avec la cause profonde de nos épreuves.
Cette cause - l'Assemblée le sait et la nation en est convaincue
- c'est la confusion et, par là même, l'impuissance
des pouvoirs". mais comment arrive-t-on à passer de la
IVème à la Vème République ? Cette
dernière loi se contente de déroger à la
procédure de révision prévue par l'article 90 de
la Constitution de 1946 afin de permettre au seul Gouvernement de
réviser la Constitution. Celui-ci pourra établir un
nouveau projet de Constitution mais dans le respect des principes ; il
ne s'agit pas de recommencer Vichy. On ne veut pas donner un
chèque en blanc au général de Gaulle. les 5
principes sont les suivants
1 le suffrage universel est source de tout
pouvoir
2 séparation entre les pouvoirs exécutif
et législatif
3 responsabilité du Gouvernement devant
le Parlement.
4 indépendance de l'autorité judiciaire
5 organisation constitutionnelle des rapports
entre la république et les peuples associés.
Ces principes dont seuls les 3 premiers ont
été revendiqués explicitement par De Gaulle
constitueront le cadre de la future Vème République.
Après avis d'un Comité consultatif et du Conseil
d'État, le projet est arrêté en Conseil des
Ministres puis sera adopté lors du référendum du
28 septembre 1958 à:
- 78% pour les départements métropolitains
ou d'outre mer.
- 86% pour les territoires des ex-colonies
(sauf la Guinée de Sékou Touré).
Du côté des Non:
- les Communistes, un nouvel organisme rassemblant
les forces de gauche, c'est l'UFD, sorte de cartel rassemblant des syndicalistes,
la gauche de la SFIO, des radicaux (Cf Mendès-France), de l'UDSR (Cf.
M. Mitterrand).... et les professeurs de droit qui trouvent la Constitution
rétrograde et rappellent le précédent de la Monarchie de
Juillet.
du côté du OUI :
- la majorité des socialistes (CF
G. Mollet, G. Defferre), des radicaux, le M.R.P., les indépendants.