COURS DE DROIT CONSTITUTIONNEL GÉNÉRAL

 

Cours écrit par O. CAMY
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Plan détaillé du cours




HISTOIRE CONSTITUTIONNELLE DE LA FRANCE

 


La difficile instauration du régime parlementaire en France
(de la Restauration à la IVème République) :

 

Section 1: la restauration et la naissance du parlementarisme
Section 2 : la monarchie orléaniste et l'implantation du parlementarisme
§1 le compromis avec la Révolution
§2 un parlementarisme dualiste et sans base populaire

Section 3 : la IIIème République et le fonctionnement du parlementarisme

§1 l'échec de la seconde République

§2 le retour à une dictature napoléonienne

§3  l'établissement de la république parlementaire

A historique

B les lois de 1875 et leur interprétation

Section 4 : la IVème République et l'échec du parlementarisme moniste

§1 l'installation de la IVème République

§2 le parlementarisme rationalisé de la IVème République

§3 les dérapages de la rationalisation

§4 la crise et la chute de la IVème République

 

 



 
 

INTRODUCTION
Lorsque le 6 avril 1814, le Sénat impérial après avoir proclamé la déchéance de Napoléon rappelle "la monarchie légitime", il peut sembler que la France va tirer un trait sur les acquis notamment institutionnels de la révolution. Ne va t-elle pas simplement revenir en arrière, à la monarchie absolutiste ? Après avoir participé à l'invention du droit constitutionnel moderne, elle semble tout prêt de l'oublier pour revenir aux vieilles coutumes de l'ancien Régime.
Cela peut après tout se comprendre : l'expérience révolutionnaire et plus encore napoléonienne semble avoir conduit à un échec monstrueux, sanglant. On a proclamé de beaux principes (souveraineté du peuple, séparation des pouvoirs, etc.) mais on n'en a appliqué aucun ; à supposer qu'ils aient été applicables. Durant cette période, la France n'a connu que la dictature :
- d'abord la dictature révolutionnaire (au profit de l'Assemblée)
- puis la dictature napoléonienne (au profit de l'Exécutif).
On comprend alors que ceux qui sont restés royalistes souhaitent qu'on en finisse avec ces expérimentations institutionnelles.[C'est la thèse des théoriciens favorables à un retour à l'AR tels que Burke en Angleterre, Rheberg en All.]
Revenons rapidement aux deux types de dictature qu'ont connus les français pour mieux comprendre pourquoi la Monarchie va de nouveau avoir sa chance en France :

- la dictature révolutionnaire :

lorsque le 10 août 1792, Louis XVI oppose son veto à deux décrets de l'Assemblée Nationale (concernant les biens des émigrés et les prêtres réfractaires), l'Assemblée législative ne le supporte pas et prend le pouvoir. Elle démet de ses fonctions le Roi suspect d'intelligence avec l'ennemi et crée un "Conseil Exécutif Provisoire".
On passe à un régime d'Assemblée. Ce régime marque un véritable tournant pour au moins 3 raisons:
--- il marque l'échec de la première tentative d'instaurer en France un régime de séparation des pouvoirs ; la Constitution de 1791, première constitution française avait en effet mis en place un régime de balance des pouvoirs inspiré des idées de Montesquieu (qui aurait pu s'orienter dans le sens du parlementarisme moderne: on avait vu par exemple s'instaurer une responsabilité politique avec le renvoi de Délesser, ministre des affaires étrangères par le Roi).
--- la prise du pouvoir par l'Assemblée va signifier la fin de la vieille monarchie française capétienne qu'avait pérennisé la Constitution de 1791
--- c'est l'apparition d'un type de Gouvernement inédit : un Gouvernement d'Assemblée ou conventionnel qui va se traduire très vite par une dictature au profit de révolutionnaires radicalisés, fanatiques membres du parti jacobin. Trois étapes peuvent être distinguées:
1 l'assemblée législative auquelle va se succéder une assemblée constituante appelée Convention gouverne par le biais d'un "Conseil Exécutif Provisoire". Elle élabore une Constitution, la Constitution du 24 juin 1793  qu'elle décide de ne pas appliquer.
2 chute des révolutionnaires modérés (les girondins) le 31 mars 1793. Cela conduit à un glissement de l'autorité de la Convention au Comité de salut public, puis à Robespierre. C'est le début de la Terreur.
3 le 9 Thermidor an II (27/071794), la Convention lasse de la Terreur fait exécuter Robespierre. Elle éparpille la puissance du Comité de Salut Public au profit de plusieurs comités. Fin de la dictature révolutionnaire.

Bilan institutionnel: la dictature a été rendue possible sur le plan juridique pour au moins deux raisons :
- le Gouvernement d'assemblée n'était pas fondé sur un strict respect du droit constitutionnel en vigueur. Les révolutionnaires n'ont appliqué ni la Constitution de 1791, ni celle de 1793 (dite "Montagnarde"). C'était un Gouvernement d'exception justifié par l'état de guerre intérieure et extérieure. Ainsi, le 10 octobre 1793, la Convention déclarait que le "Gouvernement sera révolutionnaire jusqu'à la paix".
- le Gouvernement d'assemblée n'était pas pur. Jamais, l'Assemblée à elle seule n'aurait pu organiser, mettre en œuvre la dictature. Elle a donc délégué, peut être cédé son autorité à des comités émanant d'elle ; surtout le Comité de Salut Public qui a en fait exercé la fonction gouvernementale de façon dictatoriale.

- la dictature napoléonienne:


Le 1er Prairial de l'an III (20 mai 1795), la Convention décimée et à bout de souffle refuse de mettre en application la Constitution de 1793. L'esprit est au compromis et au repos. Est décidée au contraire la mise en chantier d'une nouvelle Constitution qui va renforcer l'Exécutif, rétablir la Séparation des pouvoirs. Le problème, c'est que le nouveau régime, appelé Directoire, mis en place par la Constitution de l'an III va aller de crise en crise, de coup d'État en coup d'État jusqu'au dernier, celui du 18 Brumaire de l'an VIII qui permet à Napoléon de détenir seul le pouvoir.
Quelques mots sur la Constitution de l'an III. Elle est originale à plusieurs titres:
1 La Déclaration des Droits qui la précède exige en contrepartie des devoirs. Ex. "Nul n'est bon citoyen s'il n'est bon fils, bon père, bon frère, bon ami, bon époux".
2 Le régime mis en place est un régime de séparation stricte des pouvoirs. C'est donc la seconde tentative d'instaurer en France le régime présidentiel. Il n'y a point de responsabilité ministérielle et point de possibilité de dissoudre l'Assemblée.
3 Le pouvoir Exécutif est confié à un organe collégial : le directoire composé de 5 membres. Par crainte du pouvoir personnel, on n'a pas voulu rétablir un Chef d'État.

Résumons maintenant les étapes qui mènent au renforcement de la dictature de Napoléon.
- le 18 Brumaire, Napoléon supprime l'Assemblée et établit un Consulat provisoire.
- proclamation le 22 Frimaire de l'an VIII d'une nouvelle Constitution qui organise le pouvoir personnel de Napoléon. Le Gouvernement est remis à 3 Consuls; mais un seul, le Premier Consul nomme les ministres et les hauts fonctionnaires.
- le 2 août 1802, Napoléon est proclamé Premier Consul à vie.
- le 18 Mai 1804, Napoléon est proclamé Empereur.

Bilan institutionnel: 

Il y a peu de choses à dire sur les Constitutions de l'Empire. Plus intéressant est l'Acte additionnel aux Constitutions de l'Empire, signé par Napoléon  lors des 100 jours (fin Mars-18 juillet 1815), c'est-à-dire après son retour de l'Ile d'Elbe. Cette constitution hâtivement rédigée qui se voulait libérale fut soumise à acceptation populaire. Pour plus de 5 millions d'inscrits, il n'y eut environ que 1300000 suffrages exprimés dont moins de 5000 NON. Elle fut promulguée lors de la cérémonie du Champ de Mai qui précéda de peu le départ de Napoléon pour Waterloo. La reprise des hostilités, puis la défaite firent que cet acte resta à l'état d'intention.
Il s'agissait, affirmait l'Empereur, "de combiner le plus haut point de libertés publiques et de sûreté individuelle avec la force et la centralisation nécessaire pour faire respecter par l'étranger l'indépendance du peuple français et la dignité de la couronne".
L'Acte additionnel prévoyait que le Pouvoir législatif serait exercé par l'Empereur et par 2 Assemblées, la chambre des Pairs et la Chambre des Représentants. Les Ministres, responsables des actes du Gouvernement et de l'exécution des lois, pouvaient être mis en accusation par la Chambre des Représentants et jugés par la Chambre des Pairs.
Les droits et libertés individuels qui avaient été souvent bafoués par la police impériale, étaient garantis. La censure préalable était supprimée et le jury devenait compétent, même en matière correctionnelle, pour les infractions commises par voie de presse.
D'où venait ce tardif libéralisme de Napoléon? Il devait en fait beaucoup à la Charte constitutionnelle accordée le 4 juin 1814 par le roi Louis XVIII lors de la première Restauration et qui reprit force après la seconde. Car comme nous allons le voir, la Restauration n'a pas conduit à un retour en arrière, à un retour à l'ancienne monarchie absolutiste mais paradoxalement a permis l'implantation en France du régime Parlementaire; ce que la Révolution elle n'a pas réussi à faire...

Section 1: la Restauration et la naissance du parlementarisme

Les faits: Louis XVIII de retour en France rétablit la monarchie en deux fois ; soit en 1814, puis en 1815 après l'échec des 100 jours. Dès juin 1814, il accorde à ses sujets une Charte constitutionnelle qui, sur la forme reste un texte archaïque mais sur le fond instaure une Monarchie limitée qui pourra évoluer vers le régime parlementaire.

A) la forme de la Charte :
La Charte ne repose pas comme les Constitutions modernes sur un contrat passé entre les dirigeants et le peuple ou par le peuple avec lui-même. La Charte est octroyée par le Roi, c'est-à-dire donnée de plein gré, arbitrairement par le Roi au Peuple. Ce que montre la formule employée à la fin du préambule : "Nous avons volontairement et par le libre exercice de notre autorité royale, accordé et accordons, fait concession et octroi à nos sujets, tant pour nous que pour nos successeurs, et à toujours, de la Charte constitutionnelle qui suit..."
Cette notion d'octroi tout comme la référence à la Divine Providence suffisent à montrer que l'on est revenu à une souveraineté de droit divin. Pour autant, ce retour à la légitimité traditionnelle ne signifie pas que le Roi retrouve une autorité sans limites. C'est ce que l'on découvre si l'on étudie sur le fond cette charte.

B) le contenu de la Charte :
Les pouvoirs du Roi sont limités d'une double façon :
a) La Charte maintient l'essentiel des droits donnés aux français  par la Révolution: égalité devant la loi, liberté individuelle, liberté d'opinion et de publication... Si la religion catholique est déclarée religion d'État, chacun peut professer sa religion avec une égale liberté.
B) Le Roi est le chef suprême de l'État, détient seul la puissance exécutive (article 13), propose et  promulgue seul la loi (article 16) et enfin nomme les juges (article 58). Cela signifie que le Roi règne et gouverne ; mais ce qui est plus important, c'est qu'il existe l'esquisse:
-  d'une séparation des pouvoirs: ainsi, les deux Chambres (des Pairs et des Députés) détiennent une "portion de la puissance législative". Et d'autre part, si "toute justice émane du Roi", les juges sont "inamovibles".
- d'une collaboration des pouvoirs: ainsi, "les ministres peuvent être membres de la Chambre des Pairs et de la Chambre des Députés. Ils ont en outre leur entrée dans l'une ou l'autre des deux Chambres, et doivent être entendus quand ils le demandent" (article 54).
- de facultés de révocation:
--- le Roi peut dissoudre la Chambre des Députés (article 50)
--- les ministres peuvent être accusés pour fait de trahison ou de concussion par la Chambre des représentants et jugés par la Chambre des Pairs. Dans ce dernier cas, il ne s'agit que d'une responsabilité pénale mais on a vu au siècle précédent, en Angleterre, que la simple menace par la Chambre des Communes d'engager la responsabilité pénale avait amené ceux-ci à démissionner. La notion de responsabilité politique, sanctionnée non par une peine mais par le départ du Gouvernement s'était ainsi dégagée.
De plus, les chambres d'après la Charte, votent le budget et consentent l'impôt. En refusant d'accorder des moyens financiers au Gouvernement, les Assemblées pourraient amener les ministres à se retirer.
Au total, on peut dire que la Charte, si elle n'organisait pas un régime parlementaire pouvait être un cadre qui autorisait son apparition. Il suffisait pour cela de la bonne volonté du Roi et de quelques années de paix extérieure et intérieure; facteurs qui ont été effectivement réunis.
Cela s'est fait de façon paradoxale lors de l'apparition de la responsabilité politique des ministres. Les ministres désignés par Louis XVIII furent en butte aux attaques des  députés monarchistes les plus conservateurs (les ultra); ces derniers soutinrent l'idée que la Chambre des Députés avait le droit de renverser les ministres nommés par le Roi. Mais cette idée conduisait en fait à diminuer l'autorité du Roi, à créer le régime parlementaire ; ce qui était le résultat inverse de ce qu'ils avaient souhaité.
Le premier des ministres qui furent amené à se retirer dans ces conditions fut le Duc de Richelieu, arrière petit neveu du Cardinal, principal ministre en 1815. Ce sont donc les adversaires du parlementarisme qui contribuèrent à l'instaurer. Cependant, lorsque en 1824, Charles X succéda à Louis XVIII, ils crurent qu'on allait enfin revenir à l'Ancien Régime. En effet, Charles X favorable à leurs idées tenta de briser l'évolution vers le régime parlementaire. Il essaya de gouverner sans tenir compte de l'opinion de la majorité des parlementaires et nomma en conséquence des Ministres Principaux non souhaités par la Chambre des Députés comme Polignac.
Le résultat de cette politique fut la Révolution de 1830. Révolution qui en amenant au pouvoir Louis Philippe ne fit que renforcer l'évolution vers le Parlementarisme.

Section 2: la monarchie orléaniste et l'implantation du parlementarisme en France

Les faits: la Révolution de 1830 provoque l'abdication de Charles X (qui avait essayé de museler l'opposition en prenant des ordonnances qui suspendaient notamment la liberté de la presse), l'élimination de la branche ainée des Bourbons au profit de Louis-Philippe, Duc d'Orléans. Celui ci contrairement à ses prédécesseurs, va passer un véritable compromis avec la Révolution et va admettre l'implantation d'un parlementarisme qui a cependant le défaut  d'être dualiste et de ne pas avoir de base populaire.

A) le compromis avec la Révolution :

Louis Philippe accepte tout d'abord le principe de souveraineté nationale. La nouvelle Charte constitutionnelle est fondée sur un accord politique entre le Roi et le Parlement. La Charte de 1830 est en fait celle de 1814 amendée par les deux Chambres. C'en est fini de la souveraineté de droit divin et du drapeau à fleur de lys. Les amendements portent eux-mêmes trace du compromis. Ils ont pour conséquence :
- l'ajout de nouveaux droits fondamentaux comme la liberté de la presse. De plus la religion catholique n'est plus considérée comme religion d'État ; elle est considérée simplement comme la religion de la majorité des français.
- le Roi renonce au droit d'édicter des ordonnances pour la sûreté de l'État : elles ne doivent avoir comme objet que l'exécution des lois.
- Les Pairs héréditaires sont supprimés ; il n'y aura plus à la Chambre des Pairs que des Pairs nommés.

B) un parlementarisme dualiste et sans base populaire :

a) dualiste: Louis Philippe veut gouverner. C'est pourquoi il choisit les ministres et les révoque. Mais comme d'autre part, il ne veut pas gouverner sans le soutien du Parlement, il admet que les ministres soient aussi responsables politiquement devant les Chambres. (Principe de la double responsabilité = dualisme). Il faut noter que cette responsabilité va s'exercer à travers un procédé aujourd'hui interdit : l'interpellation.
[Définition : il s'agit d'une question posée à un ministre suivie d'un débat général qui est conclu par le vote d'un ordre du jour favorable ou non à ce ministre. S'il est défavorable, le ministre démissionne]. A l'époque, l'interpellation était encore un droit collectif ; son exercice requérait l'assentiment de la majorité au Parlement.
D'autres procédés typiques du parlementarisme, toujours en vigueur naissent à cette époque : les questions orales, les enquêtes parlementaires. Ils sont nés de la pratique, c'est-à-dire d'interprétations extensives de la Charte.
b) sans base populaire: si on peut parler de régime parlementaire, on ne peut parler de démocratie parlementaire. En effet, le suffrage n'était pas universel ; seuls votaient les citoyens qui acquittaient un minimum d'impôts, le cens électoral. Sous la première Charte, il fallait pour être électeur, payer au moins trois cents francs de contribution directe et être âgé d'au moins de 30 ans ; la version de 1830 renvoyait la question à la loi qui réduisit ces exigences sans les supprimer. Conséquence:
- 1830: 300000 électeurs
- 1848: 450000     "
La campagne menée par les Républicains pour l'abolition du cens conduisit à la révolution du 22-24 février 1848 et à l'avènement de la République.

 

 

Section 3 : la IIIème République et l'avènement du parlementarisme moniste

Si les monarchistes ont réussi à implanter le parlementarisme, il revient aux républicains de l'avoir fait fonctionner durablement. Grâce à eux, le régime parlementaire ébauché entre 1875 et 1848 va cette fois fonctionner durablement de 1875 à 1940, soit pendant près de 65 ans. Cette réussite s'explique sans doute en partie parce que les Républicains ont voulu la démocratisation du régime parlementaire en instaurant le suffrage universel.
Cependant, cela ne s'est pas fait facilement, sans crises et de nouvelles expérimentations institutionnelles. De 1848 à 1875, date de l'installation de la IIIème République, la France va connaître une nouvelle période d'instabilité constitutionnelle marquée par 2 reculs:
- 1er recul : la tentative de revenir à un régime de séparation absolue des pouvoirs lors de la Seconde République.
- 2ème recul : la tentative de revenir à une dictature napoléonienne lors du Second Empire.
Avant de développer ces deux tentatives, il nous faut faire un bref rappel des faits.
Les faits: après l'abdication de Louis Philippe et la proclamation de la République le 25 février 1848, un gouvernement provisoire issu du soulèvement populaire est formé. Présidé par Dupont de l'Eure et comprenant Ledru-Rollin, Arago, Lamartine, Garnier-Pagès, L. Blanc, il prépare l'élection d'une Assemblée Nationale Constituante.
Cette Assemblée élue au Suffrage Universel direct va tenir sa première séance au début de mai 1848. Elle va connaître une existence agitée (journées d'émeute et de répression de juin 1848) mais elle se sépare en novembre après avoir adopté la Constitution du 12 Novembre 1848. Le régime instauré par cette Constitution est un régime présidentiel dont la durée de vie va être courte: 3 ans seulement. Il nous faut essayer de comprendre pourquoi les Républicains n'ont pas essayé de faire fonctionner le Parlementarisme tout de suite, pourquoi  une nouvelle tentative d'instaurer la spécialisation des pouvoirs en France a échoué...

A) l'échec de la Seconde République

Genèse: en réalité, les Républicains de 1848 sont très divisés. On peut distinguer entre deux tendances qui ne sont d'accord que sur une seule chose : pas de balance des pouvoirs.
- les républicains les plus radicaux : ils se donnent pour modèle les Montagnards de 1793 dont ils imitent l'attitude, le langage et les raisonnements. Leur projet constitutionnel est simple et logique : un peuple souverain, une seule assemblée pour délibérer en son nom, un exécutif subordonné à cette assemblée. C'est le système que décrivait ainsi Félix Piat : "tous les inconvénients tombent si le pouvoir exécutif est ce qu'il doit être, le bras de l'Assemblée; le bras obéit à la tête, il exécute unitairement la volonté de tous". Ce "bras" devait être un Comité exécutif ou, comme le proposait J. Grévy, lui-même futur Président de la IIIème république, un Président du Conseil des Ministres élu et révocable par l'Assemblée. En bref, ces républicains confondaient régime parlementaire et régime d'assemblée ;
- les républicains modérés  de conviction ancienne ou de ralliement récent, voient les choses tout autrement. Point de romantisme révolutionnaire chez eux, mais la volonté de clore une bonne fois pour toute la Révolution.
N'oublions pas que pour beaucoup de français de cette époque, la République faisait penser à la Convention, à la Terreur. Pour les républicains modérés, il s'agissait en conséquence de faire la République sans ressusciter le régime conventionnel. Point d'Assemblée unique donc mais un pouvoir législatif prudemment réparti entre deux Chambres. Point de Comité exécutif ou de chef de Gouvernement subordonné au législatif, mais un chef de l'État fort assisté de ministres. Mais comment donner à ce Président l'autorité nécessaire sinon en le faisant élire par le peuple ? Il pourra dire aux Assemblées: "Vous êtes les élus de la Nation, moi aussi !"

Le comité constitutionnel chargé par l'Assemblée de préparer le projet dut trouver un compromis entre les thèses des républicains modérés et radicaux. D'abord, il opta contre l'avis de quelques uns de ses membres pour une Assemblée unique. L'idée d'une deuxième Chambre, d'une Chambre Haute n'était pas dans l'esprit de l'époque: elle rappelait la Chambre des Pairs, le Sénat impérial, l'aristocratique Chambre des Lords anglais. Mais si le pouvoir législatif était concentré en une seule Assemblée, il fallait trouver un contre poids suffisant. Voilà pourquoi on opta pour un Président élu au suffrage universel direct. Voilà pourquoi on donna une grande liberté d'action à ce Président, ce qui conduisait à exclure le fait que les ministres nommés par lui soient renversés par l'Assemblée. les ministres ne pouvaient être révoqués (et nommés) que par le seul Président (pouvoirs propres art. 67).  La contre partie logique était que le Président ne puisse pas dissoudre cette Assemblée.
Au total, sans l'avoir vraiment voulu, les Républicains ont instauré un régime   de séparation absolue des pouvoirs où les facultés de révocation étaient absentes; même le droit de veto était absent [On retrouve le principe de spécialisation cher à Rousseau]. Cela avec un grave risque de conflits qui ne connaissent pas de mode de résolution pacifique. Les avertissements ne manquèrent pas : "pouvoirs indépendants, conflits de pouvoirs, révolutions" affirma J. Grévy. Selon, Vivien, membre dela Commission, on ne pouvait concevoir des conflits qu'entre des autorités qui exerçaient des fonctions identiques, mais qu'entre l'Assemblée investie du pouvoir législatif et le Président titulaire du pouvoir éxécutif, aucun conflit n'était possible puisque l'un éyait subordonné à l'autre : « si le Président n'accomplit pas ses fonctions, s'il n'exécute pas les lois..., vous prendrez les précautions nécessaires pour que toute onfraction à ses devoirs soit sévèrement réprimée... ». Les succès électoraux remportés lors des premières élections présidentielles par Louis Napoléon Bonaparte, neveu de l'Empereur inquiétèrent certes les Constituants. Mais le sort en était jeté. On sait ce qu'il advint : les conflits entre Louis Napoléon élu par une large majorité de français et l'Assembler législative en majorité monarchiste ne prirent fin que par le coup d'État bonapartiste du 2 décembre 1851.

B) le retour à une dictature napoléonienne

Cette nouvelle expérience institutionnelle ne nous retiendra guère. Il faut savoir seulement que par un plébiscite de décembre 1851, le Président obtient de transformer la République présidentielle en République autoritaire.
Une nouvelle Constitution fut élaborée: celle du 14 janvier 1852. Elle comportait un Président élu au suffrage universel pour 10 ans qui nommait et révoquait les ministres, un Sénat dont presque tous les membres étaient nommés par le Président, un Corps législatif dont le Président et les vice-présidents étaient nommés par le Président qui n'avait pas le droit d'initiative législative.
Dès le 7 novembre 1852, la dignité impériale était rétablie par un acte du sénat. Après 18 ans d'Empire d'abord autoritaire puis plus libéral, un autre acte du Sénat daté du 21 mars 1870 établit une Constitution impériale amendée que la majorité du peuple français approuva. Sans la guerre de 1870 et la défaite de Sedan, l'application de cette constitution aurait pu amener le pays au régime parlementaire.

C) l'établissement de la République parlementaire

les faits: Napoléon III capitule le 2 décembre 1870. L'organisation d'une régence par l'Impératrice Eugènie échoue. Un Gouvernement provisoire présidé par le Général Trochu se forme. Il demande un armistice qui est conclu le 28 janvier 1871; cet armistice rend possible l'élection d'une Assemblée Nationale le 8 février 1871. Curieusement, les élections conduisent à la victoire des monarchistes qui étaient favorables à la paix alors que les républicains étaient pour la continuation de la guerre.
Cette assemblée, sans véritable souffle novateur qui nomme Thiers comme chef du pouvoir exécutif va se contenter de gérer le provisoire en attendant une restauration improbable (compte tenu du conflit de légitimité entre les prétendants à la Couronne). Il faudra attendre les débuts de 1875 pour que les Républicains devenus majoritaires à l'Assemblée réussissent à établir une République Parlementaire.
Cependant, lors de cette période transitoire, 3 grandes lois sont adoptées qui esquissent le régime Parlementaire:
- la  loi Rivet du 31 Août 1871:
On essaye de rendre responsable politiquement devant l'Assemblée à la fois le Chef de l'État et un vice-président du Conseil des Ministres.
- la  loi des Trente du 13 Mars 1873 : (ou "Constitution De Broglie")
On essaye d'encadrer l'Exécutif en obligeant par exemple Thiers à demander au Conseil des Ministres l'autorisation de faire des déclarations de politique intérieure devant le Parlement.
- la  loi du Septennat du 20 novembre 1873 :
Cette loi confie pour 7 ans le pouvoir exécutif au Maréchal de Mac-Mahon, successeur de Thiers. Il s'agissait d'organiser une présidence personnelle suffisamment longue pour attendre que "Dieu ouvre les yeux au futur Henri V ou daigne les lui fermer". Henri V n'ayant pas d'enfant, on espérait qu'à sa mort le trône reviendrait au Duc d'Orléans qui lui était plus favorable aux idées nouvelles (acceptant le drapeau tricolore, la Monarchie constitutionnelle).
Enfin, cette loi décida la création d'une Commission de 30 membres pour mettre au point des lois constitutionnelles.

Pour en savoir plus sur les origines de la IIIe : extraits du Traité de droit constitutionnel de Barthélemy et Duez (1933).

a) les lois constitutionnelles de 1875
[soit 3 lois  -   24 février 1875 concernant le Sénat - 25 février 1875 concernant l'organisation des pouvoirs publics - 16 juillet 1875 sur les rapports entre les pouvoirs publics]
1 caractéristiques formelles :
= Constitution brève (25 articles), empirique (elle résulte d'un compromis entre républicains et monarchistes) et facile à réviser.
2 caractéristiques au fond :
Elle organise d'emblée un régime parlementaire un peu sur le modèle de la Charte de 1830 auquelle on aurait ajouté les procédures nées dans la pratique de 1830 et 1848); régime que l'on peut en un tour de main transformer en monarchie parlementaire. Ce régime résulte d'un compromis entre monarchistes et républicains.
Les monarchistes ont obtenu :
- l'absence d'une Déclaration des Droits
- un Parlement bicaméral composé:
----- d'une Chambre des députés élus au scrutin majoritaire uninominal à 2 tours censé être peu démocratique.
----- d'un Sénat qui rappelle un peu la Chambre des Pairs de la Monarchie de Juillet. En effet il comprend des sénateurs élus (225) mais aussi des sénateurs inamovibles (75) qui ne seront supprimés qu'à partir de 1884. Ce Sénat a une place aussi importante que la 1ère Chambre: il vote la loi et peut être constitué en Cour de Justice pour juger sur un plan pénal les membres de l'Exécutif. En pratique, il ira même jusqu'à renverser le Cabinet. Enfin, il a le privilège de ne pouvoir être dissous tandis qu'il donne son avis conforme pour la dissolution de la Chambre des députés.
- un Président de la République fort élu pour 7 ans non par l'ensemble de la population mais par l'Assemblée Nationale (nom donné au Parlement). Il nomme et révoque les ministres ainsi que les hauts fonctionnaires. Il peut dissoudre la Chambre des Députés.
Quant aux Républicains, ils ont obtenu  :
- le maintien du Suffrage Universel au moins pour l'élection des députés
- l'existence d'un Président de la "République" (depuis l'amendement Wallon 1875) dont les pouvoirs sont limités puiqu'ils sont tous soumis à contreseing (article 3 de la loi du 25 février)
- la limitation du droit de dissolution grâce à l'avis conforme du Sénat.

Au total, on a bien l'impression de se trouver devant une troisième Charte ; c'est-à-dire un cadre qui rend possible le fonctionnement durable d'un parlementarisme fondé sur les facultés de révocation classiques :
- le droit de dissolution royale (car donné au chef de l'État et non à un chef de Gouvernement ou Président du Conseil qui n'est pas prévu par la Constitution)
- la responsabilité politique des ministres devant la Chambre des députés.

Mais ce parlementarisme prendra en fait deux formes selon que ce seront les républicains ou les monarchistes qui seront au pouvoir. On peut dire que si la IIIème République conservera toujours un régime constitutionnel parlementaire, son régime politique évoluera adoptant une forme dualiste puis moniste.

b) les interprétations des lois constitutionnelles de 1875
1ère forme: le parlementarisme dualiste.
C'est ainsi que Mac Mahon, premier Président de la IIIème République mais monarchiste interprète la Constitution. Il le prouve notamment :
- en se croyant investi d'une responsabilité spéciale devant la Nation qui fait de lui un sage, un arbitre garant du respect de la Constitution et des intérêts vitaux de la France.
- en appelant des ministres qui ont sa confiance et en les renvoyant lorsque ce n'est plus le cas.
- en utilisant le droit de dissolution pour s'opposer à la Chambre des députés en s'appuyant sur le Sénat.
Cette tentative d'orienter le parlementarisme dans un sens dualiste va se heurter à un obstacle sérieux : aux élections générales des 20 février et 5 mars 1876, les républicains remportent une large victoire. Ils vont exiger que le cabinet soit composé d'hommes favorables à leurs idées. Cela aboutit à la crise du 16 Mai 1877 ; journée pendant laquelle Mac-Mahon renvoie son Président du Conseil qui avait eu le tort selon lui d'accepter un ordre du jour voté par la Chambre des Députés. Mac Mahon dissout la Chambre mais la majorité républicaine est réélue le 14 octobre, grossie. Dès lors, Mac-Mahon se soumettra, puis en 1879 démissionnera. On est passé à une autre forme de parlementarisme.
2ème forme: le Parlementarisme moniste (1877-1940)
A partir de 1879, date à laquelle Jules Grévy succède à Mac-Mahon, la  IIIème République passe aux mains des Républicains qui vont l'orienter dans un sens moniste ; un parlementarisme qui va très vite entrer en crise.
- l'orientation dans un sens moniste :  on peut la déduire d'un discours important de Jules Grévy tenu le 6 février 1879 (discours surnommé "Constitution Grévy"). Dans  ce message, J. Grévy accepte le principe :
* d'une part : de la non utilisation du droit de dissolution. En effet, la façon dont Mac-Mahon a utilisé cette prérogative l'a discréditée aux yeux des Républicains. Elle est apparue comme une atteinte aux droits de la Nation représentée par la Chambre des députés. Dès lors J. Grévy mais aussi les futurs chefs d'État hésiteront à utiliser ce droit, pourtant indispensable pour assurer leur indépendance vis-à-vis des Chambres. En 1924, le Parlement ira même jusqu'à contraindre A. Millerand à démissionner parce qu'il envisageait d'avoir recours à ce droit.
* d'autre part: du choix des ministres dans la majorité ; ces derniers n'étant responsables que devant le Parlement.
Cela aboutit à un dessaisissement du Président. Ce dernier ne voit pas pour autant son rôle devenir nul. S'il n'est pas un chef de gouvernement, il conservera un rôle effectif dans deux domaines :
- il continue à intervenir dans les domaines consensuels (diplomatie, politique coloniale, haute administration) ; soit les domaines où les partis politiques ne s'opposent pas.
- il choisit réellement les ministres dont le Président du Conseil. Son choix n'est donc pas un acte passif d'enregistrement de la volonté des partis. Pourquoi? il n'existe pas en France à cette époque comme en Angleterre, deux partis organisés fortement, ayant à leur tête des leaders incontestables devenant automatiquement ministres ou chefs du gouvernement lorsque l'un des partis l'emporte. Dès lors, il est rare que des personnes soient nettement désignées au Chef de l'État par les indications du pays ou le vœu des Chambres. Il reste donc dans les limites assez larges des indications des partis politiques, une marge de manœuvre importante au profit du  Chef de l'État.
Cependant le centre de gravité du régime a changé avec l'effacement de la présidence de la République. Ce sont les ministres qui, en réalité, détiennent le pouvoir gouvernemental, agissant sous le contrôle de la Chambre des députés. A cette époque, la prédominance du Cabinet a été telle que l'on a pu qualifier le régime de gouvernement ministériel. Le Cabinet réuni en Conseil des Ministres à l'Elysée ou en Conseil de Cabinet hors la présence du chef de l'Etat détermine et délibère sur la politique gouvernementale. Et il revient au Président du Conseil de diriger les délibérations et de représenter le Cabinet devant les Chambres, de répondre aux interpellations les plus importantes.

c) la crise du parlementarisme moniste
Il reste que la "Constitution Grévy" en affaiblissant l'Exécutif va être un des facteurs explicatifs de la crise du parlementarisme sous la IIIème République. L'autre facteur étant l'absence de phénomène majoritaire. Cette crise va avoir plusieurs manifestations :
* instabilité gouvernementale (et non ministérielle) : avec un processus d'accélération à partir de 1924. Pourquoi ? la Chambre des Députés n'a pas de majorité organisée autour d'un parti dominant (chaque parti a au maximum 100 sièges); elle ne peut donc apporter un soutien fiable et constant à un Cabinet. Se multiplient les questions et surtout les interpellations (débat- vote sur un ordre du jour, pur et simple, motivé : de confiance ou de défiance) qui aboutissent à son renversement.
* absence de leadership gouvernemental. On écarte de la Présidence les hommes dont on pouvait attendre ou redouter un exercice énergique des prérogatives présidentielles. Grévy fut préféré à Gambetta, Carnot à J. Ferry, F. Faure à Waldeck-Rousseau. Enfin, on cherche un Président du Conseil qui soit avant tout un homme de compromis, capable de plaire à une majorité hétéroclite.
* dessaisissement du Parlement au profit des partis politiques:
En réalité, le Parlement ne choisit ni ne contrôle le Gouvernement; ce sont les partis qui le font à sa place ; même la loi est initiée et approuvée avant tout par les partis. Le Gouvernement d'Assemblée n'est donc qu'une apparence; on aboutit plutôt à une partitocratie.

Des efforts seront faits pour restituer au régime une efficacité et restaurer l'Exécutif:
- organisation de la Présidence du Conseil: le poste de Président de Conseil est d'abord crée de facto ; puis après 1914, la Présidence du Conseil est organisée administrativement (un Secrétariat Gouvernemental est crée). Enfin, en 1934, une loi de finance reconnaît l'existence d'un "Ministre chargé de la Présidence du Conseil" qui aura un local particulier : l'Hôtel de Matignon.
-apparition des décrets-lois: pendant la Guerre 14-18, le Parlement accepte de déléguer au Gouvernement le pouvoir de faire la loi. Puis, à partir de 1924, Poincaré obtient de nouveau l'autorisation du Parlement. Il y aura généralisation des décrets-lois entre 1934 et 1940.
Ces remèdes ne résoudront rien.

NOTA : voir la naissance de l'idée de rationalisation du Parlementarisme qui sera reprise et appliquée sous les IVème et Vème Républiques. (Cf Blum, Tardieu...)

Conclusion:
Cette crise explique la chute de la IIIème République. Face à la guerre et surtout face à la défaite, le régime se révélera incapable  de réagir. L'exécutif se divisera sur la question : continuer la lutte ou demander un armistice. Finalement, par la loi du 10 juillet 1940, le Parlement préférera donner les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain et lui permettra de réviser la Constitution.

Section 4: le nouvel échec du parlementarisme moniste sous la IVème République

Les républicains ont donc réussi à faire fonctionner le parlementarisme dans le cadre de la République. Mais en lui donnant une orientation moniste (à la limite du Gouvernement d'Assemblée), ils ne purent éviter qu'il entre en crise. Après la Guerre 40-45, les Républicains crurent qu'en réformant la Parlementarisme moniste, ils pourraient éviter les errements de la IIIème République. Avant d'étudier la réforme du Parlementarisme moniste et son échec, il nous faut rappeler comment s'est installée la IIIème République.

A l'installation de la IVème République

A la Libération, le Gouvernement issu de la Résistance, (le Gouvernement Provisoire de la République Française) dirigé par le G de Gaulle hésite. Certains membres sont favorables au retour aux lois de 1875; d'autres veulent une Nouvelle République. De Gaulle va demander aux français de trancher par un référendum. Ce référendum qui a lieu le 21 octobre 1945 voit la très nette victoire des partisans de la IVème République. L'Assemblée qui est élue le même jour sera constituante. Cette Assemblée composée d'une majorité socialiste/communiste se met au travail. Elle proposera aux Français 2 projets de Constitution; 2 projets car le premier sera refusé. Étudions rapidement ce premier projet qui sera critiqué implicitement par le G de Gaulle dans un discours fort célèbre, le Discours de Bayeux de Juin 46.
Ce premier projet de Constitution est marqué par la volonté de revenir à la "Constitution Grévy". Il est refusé par la droite gaulliste et traditionnelle (le M.R.P.). Son contenu:
* le pouvoir législatif est confié à une Assemblée unique pour 5 ans au suffrage universel direct. Le Sénat est remplacé par 2 organes consultatifs (le Conseil de l'Union Française et le Conseil Économique).
* le pouvoir exécutif est partagé entre;
-  un Président élu par l'Assemblée Nationale au rôle honorifique.
- un Président du Conseil élu lui aussi par l'Assemblée nationale qui choisit lui-même ses ministres. La composition, la structure, le programme du Cabinet doivent être approuvées par l'Assemblée lors d'un vote à la majorité absolue (on parle d'investiture).
Nous avons là le schéma d'un régime parlementaire moniste qui peut évoluer facilement vers le Régime d'Assemblée. Les seuls garde fous sont les suivants:
1 le cabinet ne peut être renversé qu'à la majorité absolue (=des membres) de l'Assemblée (alors que sous la IIème république, il pourrait être renversé à la majorité relative).
2 la dissolution est de nouveau possible mais assortie de conditions sévères :
    - possibilité d'une auto dissolution de l'Assemblée mais à la majorité des 2/3.
     - possibilité d'une dissolution par le Conseil des Ministres mais à condition que 2 Gouvernements soient tombés au cours d'une session annuelle.
Ces garde fous seront jugés insuffisants par la droite et le centre. Le 5 Mai 1946, le projet est repoussé. Le 2 juin 1946, une nouvelle Assemblée constituante est élue et obtient la ratification par le corps électoral le 13 octobre d'un projet modifié. On aboutit à un parlementarisme moniste rationalisé qui entrera cependant en crise lui aussi.

B le parlementarisme rationalisé de la IVème République

Cette idée de rationalisation du parlementarisme n'est ni nouvelle, ni propre à la France. D'une part, on la retrouve exprimée par de nombreux hommes politiques sous la IIIème République (Cf. Tardieu, Blum...). D'autre part, d'autres pays comme la R.F.A., l'Italie tenteront de l'appliquer au sortir de la 2ème G.M.. Il s'agit au moyen de techniques juridiques (véritables béquilles) de permettre à un Gouvernement de trouver une majorité de soutien alors que le mode de scrutin, le système de partis ne la fournissent pas.
La Constitution de 1946 utilise principalement 2 techniques:
- le Gouvernement procède de l'Assemblée Nationale grâce à un contrat de législature liant le Président du Conseil et sa majorité; l'Assemblée Nationale investit le Président du Conseil au vu de son programme à la majorité absolue.
- le Gouvernement ne peut être censuré qu'à la majorité absolue et non par le simple jeu d'interpellations.
Le problème, c'est que la stabilité gouvernementale n'est pas liée à l'obtention par le Gouvernement de moyens législatifs et budgétaires ; or si le Gouvernement engage sa responsabilité politique à la majorité relative sur une loi ordinaire ou budgétaire, rien n'est prévu s'il échoue.
Les autres techniques  de  rationalisation d'importance mineure peuvent être étudiées à partir de la description de l'organisation des pouvoirs publics.
- le pouvoir législatif est confié de nouveau à un Parlement bicaméral; les 2 chambres sont:
-- une Assemblée Nationale élue à la RP au suffrage universel direct ; mais bientôt, une loi dite des "apparentements" du 9 mai 1951 introduira un élément majoritaire. (les listes apparentées qui l'emportent dans une circonscription gagnent tous les sièges comme avec le scrutin majoritaire).
-- un Conseil de la République élu à partir de la loi du 23 septembre 1948 comme le Sénat de la IIIème République. Ce Conseil n'a au départ qu'un rôle consultatif; c'est-à-dire qu'il ne vote pas la loi. Il se contente  de donner un avis sur les projets et propositions de loi. Mais s'il vote une modification de la loi voulue par l'Assemblée nationale, cela à la majorité absolue, alors l'Assemblée Nationale ne peut passer outre qu'à la suite d'un vote acquis dans les mêmes formes. Après une réforme de 1954, le Conseil de la République retrouvera comme le Sénat de la IIIème république le pouvoir de voter la loi.
- le pouvoir exécutif  est donné à :
* un Président de la République élu pour 7 ans par le Parlement; il n'est plus chef de l'Exécutif et perd au profit du Président du Conseil de nombreuses prérogatives.
* un Président du Conseil qui dirige le Gouvernement qu'on veut stable; il dispose pour cela notamment des compétences suivantes:
. il est seul à pouvoir poser la question de confiance après autorisation du cabinet
. il dispose du droit de dissolution qui ne peut intervenir que si dans un délai de 18 mois, 2 crises ministérielles dans les formes "constitutionnelles" sont intervenues (c'est-à-dire si le Gouvernement est tombé soit parce que la question de confiance a été rejetée à la majorité absolue, soit parce qu'il a été victime d'une motion de censure votée à la majorité absolue). de plus, une dissolution ne peut intervenir dans les 18 premiers mois d'une législature (article 51).
Il faut ajouter que, jusqu'en 1954, en cas de dissolution, le Président de l'Assemblée Nationale remplaçait le Président du Conseil dans ses fonctions et désignait, en accord avec le bureau de l'Assemblée, un nouveau ministre de l'Intérieur. Après, ce n'est que dans le cas où la dissolution fait suite à un vote de censure que le Président de l'Assemblée Nationale remplace le Président du Conseil. Il fait alors aussi fonction de ministre de l'Intérieur.
Comme on le voit, par rapport au premier projet de constitution, ce projet prend réellement en compte le problème de l'instabilité ministérielle. Mais de façon contradictoire, il ne rompt pas avec la tradition révolutionnaire et même républicaine qui identifie souveraineté nationale et souveraineté parlementaire ; ce qui se traduit par le fait que le Gouvernement continue de procéder étroitement du Parlement; il n'a pas d'autonomie réelle et donc peut être très affaibli si la rationalisation ne marche pas.

C les dérapages de la rationalisation
Ils concernent :
- l'investiture: elle doit avoir lieu normalement à la majorité absolue. Or, Ramadier, premier Président du Conseil nommé sous la IVème République accepte après avoir été investi le 21 janvier 1947 de revenir une seconde fois devant l'Assemblée nationale pour répondre à des interpellations concernant la composition de son Gouvernement. Dès lors va se développer la pratique de ce qu'on appelle la "double investiture":
une première investiture à la majorité absolue sur le nom du président du Conseil et le programme du Gouvernement
 une deuxième investiture à la majorité relative sur la composition du Gouvernement qui va l'affaiblir.
- la question de confiance : normalement, le Président du Conseil devait utiliser la question de confiance dans des cas rares compte tenu de la prise de risque qu'elle suppose. Mais, dans la pratique, il y eut inflation de questions de confiance. Le Président du Conseil en usa très souvent pour contraindre sa majorité à voter des projets de lois qu'il jugeait indispensables. Or les députés s'arrangèrent pour rejeter la question de confiance à la majorité relative. En conséquence, le Gouvernement n'obtenait pas ce qu'il voulait, soit l'adoption de son projet de loi et était mis en minorité; ce qui l'obligeait à démissionner. Comme de plus, le rejet de la question de confiance n'avait pas eu lieu à la majorité absolue, cela ne pouvait être comptabilisé comme une crise ministérielle constitutionnelle permettant de dissoudre.
- la réapparition des interpellations: les interpellations interdites par la Constitution de 1946 réapparurent très vite. Elles avaient l'avantage pour les députés de leur permettre de renverser le Gouvernement à la majorité relative (ou des suffrages exprimés) ; ce qui empêchait là encore l'utilisation du droit de dissolution. En réalité, la procédure officielle de la motion de censure faite pour renverser le Gouvernement (adoptée à la majorité absolue) n'entraîna jamais la démission du Gouvernement.
- la non utilisation du droit de dissolution: le droit de dissolution était assorti comme on l'a vu de conditions qui rendaient son utilisation improbable (Cf rappel des conditions); de plus, les députés en renversant le Gouvernement dans des conditions non prévues par la Constitution avaient réussi à priver le Gouvernement de cette arme. Une seule dissolution intervint le 2 décembre 1955 faite par E. Faure (la dernière était celle du 25 juin 1877) à la suite de deux erreurs de tir des députés: en février 1955, P. Mendès-France, puis E. Faure en décembre ayant été renversés à la majorité absolue.  Mais ce fut un échec. E. Faure n'obtint pas grâce aux élections une majorité plus large et plus soudée.
La conséquence de cet échec de la rationalisation fut à la fois la crise et la chute du régime.

D la crise et la chute de la IVème république.
La rationalisation du parlementarisme moniste sous la IVème République n'a pas  permis aux différents gouvernements d'obtenir une majorité de soutien cohérente et durable ; majorité que le mode de scrutin choisi, la R.P. (même réformée en 1951) et surtout le système de parti en vigueur ne pouvaient procurer naturellement à ces Gouvernements.
Un mot sur ce système de partis qui reste défavorable tout au long de la IVème République: c'est un système de multipartisme difficilement tempéré par des alliances.
- multipartisme car il existe au départ trois grands partis susceptibles de s'allier, soit le P.C., la SFIO et le M.R.P. à 25% de voix; c'est le système dit du "tripartisme" qui pouvait apparaître au départ comme une garantie de stabilité. Mais ce tripartisme va disparaître très tôt: les deux derniers partis vont décliner électoralement rapidement et vont se créer de nombreux petits partis  qui seront en dessous des 25%. (par exemple le RPF, rassemblement du peuple français du G. de Gaulle crée en avril 1947).  Aucun Gouvernement n'a pu donc bénéficier comme en GB de majorité monopartisane ou au moins de majorité bipartisane.
- alliances difficiles car certains partis "extrémistes" vont refuser d'entrer dans des alliances ou ne pas y rester: il s'agit de partis qui sont contre le régime tels que le P.C., le RPF du G de Gaulle (dissous en 1953), les poujadistes... Du coup, les Gouvernements devront toujours rechercher une majorité au centre, forcément hétéroclite, sans volonté commune car artificielle. Cette majorité ne peut s'appuyer que sur 400 députés seulement sur 620. Elle doit comprendre des représentants d'au moins quatre familles politiques opposées: les socialistes, les radicaux, les républicains populaires et les modérés du centre droit. Familles qui se divisent constamment sur les différents secteurs de la vie nationale. D'où des défaillances fréquentes  de la cohésion Gouvernementale conduisant à la chute des ministères: par exemple, en décembre 1952, le Président Pinay devra constater la défection du groupe M.R.P. et démissionne en se référant à "la défaillance d'un groupe important de la majorité".
On comprend maintenant pourquoi le régime va très vite entrer en crise; crise dont les symptômes ressemblent beaucoup à ceux de la crise de la IIIème République:
- instabilité gouvernementale : 25 Gouvernements du 21 novembre 1945 au 1er juin 1958. Les crises ministérielles pendant lesquelles on cherche un nouveau Président du Conseil étant de plus en plus longues. Par exemple lorsqu'éclate l'insurrection d'Alger le 13 mai 1958, la France n'a pas de Gouvernement. Voilà près d'un mois que le Président du Conseil F. Gaillard a démissionné.
- dessaisissement du Parlement :  En contradiction avec l'article 13 de la Constitution, sont réapparus depuis 1953 les décrets-lois. C'est le Gouvernement qui  prend les mesures législatives les plus importantes. Pourtant, une loi Marie avait en 1948 fixé un domaine au règlement que le Gouvernement ne pouvait quitter. Très exactement, l'article 6 de cette loi prévoyait que des décrets pris en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat pouvaient abroger, modifier ou remplacer des lois en vigueur dans les matières "ayant par leur nature un caractère réglementaire", dont l'article 7 donnait une énumération limitative. Cela veut dire que le Gouvernement se voyait fixé un domaine normatif (ce qui ne l'empêchait pas de modifier des lois ou décrets-lois antérieurs qui étaient entrés dans ce domaine). Mais en aucun cas, il ne pouvait sortir de ce domaine pour entrer dans celui de la loi ou du Parlement. Mais cela ne fut pas respecté.
- échec des révisions constitutionnelles: ce fut le cas de la révision de 1954 qui essaya notamment de supprimer la double investiture du Gouvernement qui était apparue en pratique. Elle instaura une investiture unique: le Président du Conseil désigné par le Président de la République devait présenter son programme et la composition de son Gouvernement à l'Assemblée Nationale. De plus, le vote devait avoir lieu à la majorité relative. Cela devait permettre au Gouvernement de trouver une majorité plus facilement tout en ne donnant plus aux partis politiques la possibilité de contrôler la composition du cabinet. En fait, apparut avant l'investiture une phase préliminaire de consultation; le Président du Conseil "pressenti" (avant d'être désigné par le Président de la République) prenant contact avec les partis pour obtenir leur accord préalable sur la  composition du Gouvernement. La réforme n'avait servi à rien.
- carence du pouvoir d'État: C'est vrai pour le Président de la république qui n'est qu'une magistrature d'influence sans réelle légitimité. Concernant cette légitimité, par exemple le dernier Président de la République de la IVème République, R. Coty ne sera élu le 24 décembre 1953 qu'au 13ème tour. Rappelons que tous les actes du Président de la République doivent être contresignés par le Président du Conseil et les ministres responsables. C'est pourquoi, il ne peut prendre aucune initiative sauf en ce qui concerne la désignation du Président du Conseil (compétence non soumise à contreseing). Dans ce seul secteur, le Président en cas de crise Gouvernementale, conservait un réel pouvoir.
Au total, la France apparaît à cette époque comme "l'homme malade de l'Europe", l'exemple type du régime Parlementaire moniste instable comme l'est l'Italie aujourd'hui ou Israël. Tout comme la IIIème république, la IVème république chutera en raison de l'incapacité de son pouvoir exécutif à faire face à une crise internationale majeure; crise qui naîtra du problème de la décolonisation.

E La chute du régime:
Si la IVème République a pu relever l'économie, elle n'a pu maîtriser le problème de la décolonisation.
1947: insurrection de Madagascar
1950: crises au Maroc et en Tunisie
1954: insurrection algérienne du 1er novembre 1954;
A ses débuts, personne ne la considère comme grave. M. Mitterrand, alors ministre de l'Intérieur du Cabinet Mendès-France s'associe aux déclarations de son président du Conseil disant: "l'Algérie, c'est la France".  Il est vrai que la décolonisation semble impensable dans le cadre algérien compte tenu de sa spécificité:
- l'Algérie est un département français et contrairement par exemple à un protectorat, elle n'a pas vocation à devenir indépendante.
- l'Algérie compte près d'un million d'européens à côté de 8 à 9 millions de musulmans.
M. E. Faure qui a succédé à M. Mendès-France décide en avril 1955 l'état d'urgence en Algérie. le nouveau Gouvernement socialiste issu des élections du 2 janvier 1956 devait en principe marquer un tournant "libéral" de la politique algérienne. Dans sa campagne électorale, M. Guy Mollet qui va devenir Président du Conseil avait parlé de guerre "imbécile et sans issue". Mais le 6 février 1956, venu à Alger voir les choses sur place, il est l'objet de manifestations d'hostilité et de jets de tomates. Refusant d'apparaître comme le bradeur de l'Algérie, il propose une politique qui, deviendra la politique officielle de la IVème République. Elle tient en trois termes:
- Cessez-le-feu à obtenir par nos armes
- élections libres; ce qui n'est pas évident car il y a toujours deux collèges, un collège français et un collège musulman
- négociations mais avec qui? ainsi, le F.L.N. ne veut pas parler; il pose un préalable qui n'est pas le cessez-le-feu mais l'indépendance.
On poursuivra donc la "lutte contre la rébellion". Pour cela, M. G. Mollet obtient des pouvoirs spéciaux votés à la quasi unanimité et décide l'envoi du contingent. Son successeur, M. Bourgès-Maunoury propose une réforme libérale: le collège électoral unique mais dont les Européens d'Algérie ne veulent pas car ils seraient très minoritaires (1/10), un Parlement fédératif, une organisation exécutive propre. Il est renversé le 30 septembre 1957 notamment grâce aux communistes et aux poujadistes. M. F. Gaillard, nouveau P du C réussit à faire voter le projet mais sous une forme affadie ; de plus le projet doit entrer en application après le cessez-le-feu. Cela ne peut évidemment apporter de solution à l'affaire algérienne qui s'internationalise. Les propositions anglo-américaines reprises par F. Gaillard provoquent un vif débat à l'Assemblée le 15 avril. Le Gouvernement est renversé le 15 avril: il a eu contre lui les communistes, 150 voix de droite et une vingtaine de gauche dont M. Mitterrand et M. Mendès-France. S'ouvre alors la grande crise de "mai 1958".
Durant le mois qui suit la chute du ministère Gaillard, on cherche désespérément un Gouvernement, un nouveau Président du Conseil. Lorsqu'on le trouve en la personne de M. Pierre Pflimlin, président du M.R.P., partisan  d'une politique libérale, alors la population européenne qui redoute une politique d'abandon et refuse le collège unique finit par se révolter.  Le 13 Mai 1958, jour de l'investiture de P. Pflimlin, grâce à la complicité de l'armée sur place, on s'empare du Gouvernement général à Alger. Se constitue un Comité de Salut Public décidé à défendre l'Algérie française.

Devant l'enlisement des gouvernements et le risque de guerre civile, le Président de la République finit par désigner le principal adversaire du régime, De Gaulle comme Président du Conseil. Il est investi le 1er juin. Ont voté contre lui principalement les communistes et une grosse moitié des socialistes, 49 sur 95. Ce dernier demande le vote par l'Assemblée de 3 lois qui seront adoptées le 3 juin:
- une loi qui reconduit les pouvoirs spéciaux en Algérie : cette loi ne fait pas problème car c'est pour régler l'affaire algérienne qu'on a appelé le G. de Gaulle. Il est normal qu'on lui donne des pouvoirs aux moins égaux à ceux donnés à ses prédécesseurs.
- une loi lui permettant au Gouvernement de modifier la législation par ordonnances pour une durée de 6 mois. (Ce sont les anciens décrets-lois)
- surtout une loi qui donne au Gouvernement le pouvoir d'élaborer un projet de Constitution nouvelle. Ce projet soulève de longues discussions. En fait, pour De Gaulle, il faut d'abord réformer l'État; c'est cela seul qui permettra de résoudre la question algérienne. la déclaration d'investiture du est très nette: "ce ne serait rien que de remédier provisoirement, tant bien que mal, à un état de choses désastreux, si nous ne décidions pas à en finir avec la cause profonde de nos épreuves. Cette cause - l'Assemblée le sait et la nation en est convaincue - c'est la confusion  et, par là même, l'impuissance des pouvoirs". mais comment arrive-t-on à passer de la IVème à la Vème République ? Cette dernière loi se contente de déroger à la procédure de révision prévue par l'article 90 de la Constitution  de 1946 afin de permettre au seul Gouvernement de réviser la Constitution. Celui-ci pourra établir un nouveau projet de Constitution mais dans le respect des principes ; il ne s'agit pas de recommencer Vichy. On ne veut pas donner un chèque en blanc au général de Gaulle. les 5 principes sont les suivants
1 le suffrage universel est source de tout pouvoir
2 séparation entre les pouvoirs exécutif et législatif
3 responsabilité du Gouvernement devant le Parlement.
4 indépendance de l'autorité judiciaire
5 organisation constitutionnelle des rapports entre la république et les peuples associés.
Ces principes dont seuls les 3 premiers ont été revendiqués explicitement par De Gaulle constitueront le cadre de la future Vème République. Après avis d'un Comité consultatif et du Conseil d'État, le projet est arrêté en Conseil des Ministres puis sera adopté lors du référendum du 28 septembre 1958 à:
- 78% pour les départements métropolitains ou d'outre mer.
- 86% pour les territoires des ex-colonies (sauf la Guinée de Sékou Touré).
Du côté des Non:
- les Communistes, un nouvel organisme rassemblant les forces de gauche, c'est l'UFD, sorte de cartel rassemblant des syndicalistes, la gauche de la SFIO, des radicaux (Cf Mendès-France), de l'UDSR (Cf. M. Mitterrand).... et les professeurs de droit qui trouvent la Constitution rétrograde et rappellent le précédent de la Monarchie de Juillet.
du côté du OUI :
- la majorité des socialistes (CF G. Mollet, G. Defferre), des radicaux, le M.R.P., les indépendants.