Compte-rendu du litige juridique relatif à
la candidature de Ben Ali aux élections de 2004
Maître Abdelwaheb Maâtar
Professeur en Droit - Avocat près la Cour de Cassation
Rue Haffouz, immeuble Intilaka Escalier B4 Sfax ˆ
Tunisie
Tél. :(00 216 ) 74226041 - Fax 74212385
Pour tout contact : nefertuti2001@yahoo.fr
1) - Le 04 juin 2002 et suite au référendum du 26 mai 2002 portant
une révision de la constitution qui permettrait à Ben Ali de se
présenter aux élections une 4ème fois ; Maître Abdelwaheb
Maâtar, avocat et constitutionnaliste, a saisi le tribunal administratif
pour demander l'annulation du référendum. Motif pris du fait que
le referendum du 26 mai 2002 a été organisé dans tous ses
aspects par un Décret n° 629 pris le 3 avril 2OO2 par Ben Ali lui-même,
alors que la constitution prévoit que l'organisation du référendum
est du ressort exclusif et de la compétence unique de l'assemblée
des députés, c'est-à-dire de l'organe législatif
qui est en l'espèce le code électoral.
Chose qui entache le référendum d'une illégalité
formelle évidente selon les juristes puisque il a commencé par
une usurpation de compétence par le Président de la République
au détriment du Parlement. Cette illégalité juridique est
doublée d'une autre matérielle selon laquelle la façon
dont a été organisée le dit referendum (selon les dispositions
du Décret n° 629) a manifestement déterminé son résultat.
(Voir les arguments détaillés dans la requête introductive
du recours rédigée par Maître Abdelwaheb Maâtar ci-joint)
.Ce recours en annulation auprès du tribunal administratif était
au nom des personnalistes ci-après :
- Néziba Rjiba (Om Zied)
- Mohamed Talbi
- Ali Ben Salem
- Mohamed Mahfoudh
- Mokhtar Yahiaoui
- Ali Tenjel
- Mohamed Tahar Chaïeb
- Chokri Yacoub
- Sahbi El Amri
- Sihem Ben Sedrine
Les dix requérants ainsi que leur avocat sont des défenseurs des
droits de l'homme et des personnalités politiques connues. Ils sont représentatifs
de l'opposition tunisienne et notamment du courant résistant à
la politique désastreuse de Ben Ali.
2) - Bien que les procédures du tribunal administratif exigent de la
partie attaquée (en l'espèce le 1er Ministre) de déposer
ses observations et ses répliques dans un délai de 3 mois, aucune
réplique n'a été faite jusqu'aujourd'hui. C'est dire l'embarras
des autorités face à la situation.
D'autant plus qu'une rumeur avait circulé en mars 2002, selon laquelle
le tribunal administratif agissant en qualité de consultant auprès
du président de la République, avait dans un premier temps refusé
de donner un avis favorable au Décret N° 629 du 3 avril 2002 susvisé
; vu qu'il empiète sur les attributions de la loi. L'embarras des autorités
est vérifié davantage en novembre 2002.
En effet, une loi organique N° 98 a été votée le 25
novembre 2002. Elle a ajouté à l'article 19 de la loi du tribunal
administratif un nouveau paragraphe interdisant le dit tribunal de statuer sur
la légalité des décrets similaires à celui qui a
fait l'objet des affaires sus mentionnées demandant l'annulation du référendum.
Chose d'ailleurs très instructive de la façon, dont les autorités
gèrent les affaires.
Mieux encore , le bien fondé du recours pour l'annulation du référendum
est tellement évident que la loi organique du 4 août 2003 modifiant
et complétant le code électoral a ajouté au dit code des
articles traitant des modalités d'organisation du referendum et confirmant
ainsi que la question ne peut nullement être réglée par
le chef de l'exécutif comme c'était le cas du référendum
du 26 mai 2002 (De fait il est devenu extrêmement difficile au Tribunal
Administratif de ne pas prononcer la
nullité de ce référendum) Il ne peut dans un tel embarras
qu'envoyer l'affaire aux calendes grecques.
D'ailleurs comme il le fait souvent dans les cas critiques pour le gouvernement.
3) - Maître Abdelwaheb Maâtar avocat des requérants n'a pas
cessé depuis avril 2003 de faire des demandes écrites au président
du tribunal administratif en vue d'enrôler les affaires et trancher le
litige. Aucune suite n'était donnée à ces demandes.
4) - Les élections étant prévues pour le 24 octobre 2004,
le dépôt des candidatures à la présidence devrait
se faire entre le 25 août et le 23 septembre 2004. La candidature de Ben
Ali à ces élections va se baser évidemment sur la révision
de l'article 39 de la constitution adoptée par le référendum
du 26 mai 2002.
Or, le dit référendum est actuellement l'objet d'un contentieux
en annulation non encore tranché par le tribunal administratif. Par conséquent
et en bonne logique juridique la candidature de Ben Ali faite dans ces conditions
ne peut être légalement acceptée. Cette candidature étant
fondée sur la révision de l'article 39 de la constitution qui
interdisait auparavant à Ben Ali de se représenter une quatrième
fois. La dite révision a été faite par le référendum
qui, de son coté, fait l'objet d'un litige non encore tranché
par le tribunal administratif compétent. Alors quelle serait la situation,
si après l'élection de Ben Ali en Octobre 2OO4, le tribunal prononcerait
la nullité du référendum ? Pour ces raisons juridiques
tout à fait sérieuses ,de l'avis des spécialistes , le
Conseil Constitutionnel ne pourrait pas en bonne logique juridique retenir la
candidature de Ben Ali tant que le Tribunal Administratif ne s'est pas d'avance
prononcé sur la légalité du référendum .
5) - Le 12 juillet 2004 l'Assemblée des députés a adopté
une loi organique N° 2004-52 relatif au conseil constitutionnel. Les articles
31, 32, 33 et 34 donnent au dit conseil la compétence de statuer sur
la recevabilité des candidatures à la présidence et d'examiner
les réclamations et les recours y afférents. Cependant, le Code
Électoral ne donne la qualité de saisir le Conseil Constitutionnel
que pour les candidats aux élections présidentielles eux mêmes.
Et partant, il est impossible aux autres de le saisir directement. (Voir support
juridique ci-joint)
6) - Maître Abdelwaheb Maâtar et les personnalités ayant
attaqué le référendum devant le tribunal administratif,
sont déterminées pour autant de ne pas lâcher ; ils entendent
«démontrer» qu'au-delà de son illégitimité
politique, le renouvellement de la candidature de Ben Ali est hautement illégal.
Des actions en ce sens seront entreprises. Le soutien de tous les tunisiens
et particulièrement des personnalités, partis et associations
démocratiques est hautement souhaité.
Sfax le 4 Septembre 2004 ( Tunisie )