LES DOCUMENTS DE TRAVAIL DU SÉNAT
  Série LÉGISLATION COMPARÉE
  LE PORT DU FOULARD ISLAMIQUE À LÉCOLE
  n° LC 128 Novembre 2003- 3 -
  LE PORT DU FOULARD ISLAMIQUE À LÉCOLE
  Sommaire
  Pages
  NOTE DE SYNTHÈSE......................................................................... 
  5
  DISPOSITIONS NATIONALES
  Allemagne .................................................................................... 
  7
  Belgique (Communauté française) ............................................ 
  9
  Danemark..................................................................................... 
  13
  Espagne......................................................................................... 
  15
  Grande-Bretagne.......................................................................... 
  17
  Pays-Bas....................................................................................... 
  19
  LISTE DES PRINCIPAUX TEXTES ANALYSÉS............................. 21
  LE PORT DU FOULARD ISLAMIQUE À LÉCOLE
  La laïcité de lécole publique, la faible autonomie 
  des établissements
  scolaires et la traditionnelle volonté de reconnaître des droits 
  aux individus plutôt
  quaux groupes ou aux minorités donnent au débat français 
  sur le port du foulard
  islamique à lécole un relief particulier.
  Il nest toutefois pas inutile dexaminer dans quelle mesure les autres
  pays européens autorisent les élèves de confession musulmane 
  à porter le foulard à
  lintérieur des établissements denseignement public.
  Lanalyse de la situation en Allemagne, en Belgique (communauté
  française), au Danemark, en Espagne, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas 
  montre
  que :
   cest dans la communauté française de Belgique que 
  les litiges relatifs
  au port du foulard par des élèves de confession musulmane ont 
  été
  proportionnellement les plus nombreux ;
   les revendications de certaines jeunes musulmanes ont récemment
  conduit le ministre néerlandais de lÉducation à rappeler 
  aux établissements
  scolaires les principes applicables.
  1) Cest dans la communauté française de Belgique que les 
  litiges relatifs
  au port du foulard par des élèves de confession musulmane ont 
  été
  proportionnellement les plus nombreux
  a) En Allemagne, au Danemark, en Espagne, en Grande-Bretagne et
  aux Pays-Bas, le port du foulard islamique dans les établissements scolaires 
  a
  donné lieu à un petit nombre de procédures administratives 
  ou judiciaires
  - 6 -
  Dans ces cinq pays, le port du port du foulard islamique par des élèves
  de confession musulmane est généralement admis, notamment dans 
  les
  établissements publics.
  Cette attitude est motivée en Allemagne par le respect de la liberté 
  de
  croyance, au Danemark, en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas par la volonté 
  de ne
  pas prendre de mesures discriminatoires, et en Espagne par le souci dassurer 
  avant
  tout la scolarisation des élèves dorigine étrangère.
  b) Dans la communauté française de Belgique, où les conflits 
  sont
  plus nombreux, le débat nest pas clos
  Jusquà maintenant, le principe de neutralité de lenseignement 
  public a
  été appliqué avec une souplesse telle que la plupart des 
  conflits ont pu être réglés à
  lamiable.
  Dans les affaires dont ils ont été saisis, les tribunaux ont toujours 
  fait
  prévaloir les principes dégalité et de neutralité 
  de lenseignement public sur la
  liberté religieuse et donné tort aux plaignantes et à leurs 
  familles.
  Le port de « tenues complètes » de la part de certaines élèves 
  a conduit
  le ministre de lÉducation à sexprimer en janvier 2002 
  pour linterdiction du
  voile. Quelques semaines plus tard, le gouvernement adoptait, à linitiative 
  du
  Ministre-président, une position favorable au foulard. Le texte publié 
  précise que
  le port du foulard ne doit ni présenter un caractère prosélyte 
  ni empêcher le
  respect des principes essentiels, comme la mixité. Le débat nest 
  cependant pas
  clos, car la section administrative du Conseil dÉtat, consultée 
  par le
  Ministre-président, a décliné sa compétence, au 
  motif, dune part, que la question
  était « potentiellement litigieuse » et, dautre part, 
  que la section de législation
  pouvait être amenée à se prononcer sur la question.
  2) Les revendications de certaines jeunes musulmanes ont récemment
  conduit le ministre néerlandais de lÉducation à rappeler 
  aux établissements
  scolaires les principes applicables
  Le port du simple foulard est accepté aux Pays-Bas, où les
  discriminations religieuses sont prohibées par la loi. Cependant, les 
  revendications
  de certaines élèves, désireuses de porter des voiles couvrant 
  la totalité du visage,
  ont récemment conduit le ministre de lÉducation à 
  prendre position.
  En juin 2003, il a rappelé aux établissements scolaires que leurs
  prescriptions vestimentaires ne devaient pas être discriminatoires, notamment 
  sur
  le plan religieux. Aucun règlement intérieur ne peut donc prévoir 
  linterdiction
  générale du foulard.
  - 7 -
  En même temps, le ministre a précisé que le caractère 
  discriminatoire
  dune prescription vestimentaire était justifié lorsquil 
  reposait sur des
  considérations objectives, comme par la nécessité didentifier 
  les élèves.
  - 8 -
  LE PORT DU FOULARD ISLAMIQUE À LÉCOLE
  ALLEMAGNE
  Considéré comme une manifestation de la liberté de croyance,
  garantie par la Loi fondamentale, le port du foulard islamique par les élèves 
  de
  confession musulmane est admis.
  Le débat se concentre depuis quelques années sur le port du foulard
  islamique par les enseignantes, et la Cour constitutionnelle a, le 24 septembre
  2003, dans une affaire opposant lune delles au Land de Bade-Wurtemberg,
  indiqué que labsence dinterdiction législative explicite 
  permettait le port du
  foulard.
  Les procédures administratives ou judiciaires relatives au port du
  foulard islamique par les élèves sont rares. En août 1993, 
  contredisant les
  juridictions inférieures, le Tribunal administratif fédéral 
  a accepté la demande dune
  collégienne de treize ans de confession islamique dêtre dispensée 
  des cours
  déducation physique, qui étaient mixtes.
  Le Tribunal administratif fédéral a donné tort à 
  la cour dappel et au tribunal de première
  instance. Ces derniers avaient rejeté la demande de la jeune fille, sauf 
  pour les séances de
  natation, estimant quaucun motif exceptionnel particulier ne justifiait 
  quelle ne se
  conformât pas à lobligation scolaire. Selon la cour dappel, 
  le problème qui se posait à la
  collégienne pouvait être aisément résolu par le port 
  de vêtements amples et adaptés à la
  pratique du sport.
  Le Tribunal administratif fédéral a estimé quimposer 
  de revêtir des vêtements amples pour
  suivre les cours déducation physique constituait une mise à 
  lécart injustifiée et quil était
  donc fondé de la dispenser de suivre ces cours, si ceux-ci ne pouvaient 
  pas être assurés
  séparément pour les garçons et pour les filles.
  En revanche, dans un conflit opposant Mme Ludin, enseignante
  dorigine afghane, au Land de Bade-Wurtemberg, le Tribunal administratif 
  fédéral
  - 9 -
  avait confirmé en juillet 2002 linterdiction du port du foulard 
  islamique, en vertu
  du principe de neutralité de lécole publique.
  Dans la décision quelle a rendue le 24 septembre 2003, la Cour
  constitutionnelle fédérale a estimé que le port du foulard 
  par une enseignante nétait
  que potentiellement dangereux pour la neutralité de lécole 
  et que seul le
  législateur démocratiquement élu pouvait interdire le port 
  du foulard par les
  enseignantes, en tenant compte des facteurs locaux (composition de la population,
  traditions religieuses
). En labsence dinterdiction dans le 
  Land de Bade-
  Wurtemberg, les autorités éducatives navaient donc pas de 
  raison de refuser un
  poste à Mme Ludin.
  Les ministres de lÉducation des Länder, réunis les 
  10 et 11 octobre
  2003, divergent sur les conclusions à tirer de la décision de 
  la Cour
  constitutionnelle. Sept dentre eux (Bade-Wurtemberg, Basse-Saxe, Bavière,
  Berlin, Brandebourg, Hesse et Sarre) ont annoncé leur intention de légiférer 
  pour
  interdire aux enseignantes le port du foulard. Le Land de Brême est encore 
  indécis
  et les autres considèrent quil nest pas nécessaire 
  dintervenir.
  - 10 -
  LE PORT DU FOULARD ISLAMIQUE À LÉCOLE
  BELGIQUE (Communauté française)
  Lenseignement fait partie des compétences des trois communautés
  française, flamande et germanophone.
  Dans la communauté française, le port du foulard nest encadré 
  par
  aucune norme. Cependant, le décret du 31 mars 1994 énonce lobligation 
  de
  neutralité de lenseignement. Par ailleurs, les établissements 
  scolaires, même
  publics, sont libres dédicter des prescriptions vestimentaires 
  dans leur
  règlement intérieur.
  Les conflits relatifs au port du foulard islamique sont généralement
  réglés localement, au sein des établissements ou par le 
  conseiller municipal
  chargé des questions scolaires. Toutefois, plusieurs affaires ont été 
  portées
  devant les tribunaux depuis la fin des années 80 : jusquà 
  maintenant, les décisions
  prises par la justice ont toutes été défavorables aux plaignantes 
  et à leur famille.
  Conformément à larticle 24 de la Constitution, qui dispose 
  que « la
  communauté organise un enseignement qui est neutre », le décret 
  du 31 mars
  1994 définissant la neutralité dans lenseignement public 
  subordonne lexercice de la
  liberté religieuse au respect dautres principes généraux. 
  Il énonce ainsi à
  larticle 3 :
  « Les élèves y sont entraînés graduellement 
  à la recherche
  personnelle ; ils sont motivés à développer leurs connaissances 
  raisonnées et
  objectives et à exercer leur esprit critique.
  » Lécole de la Communauté garantit à lélève 
  ou à létudiant, eu
  égard à son degré de maturité, le droit dexprimer 
  librement son opinion sur
  toute question dintérêt scolaire ou relative aux droits de 
  lhomme.
  - 11 -
  » Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de
  répandre des informations et des idées par tout moyen du choix 
  de lélève et de
  létudiant, à la seule condition que soient sauvegardés 
  les droits de lhomme, la
  réputation dautrui, la sécurité nationale, lordre 
  public, la santé et la moralité
  publiques, et que soit respecté le règlement intérieur 
  de létablissement.
  » La liberté de manifester sa religion ou ses convictions et la 
  liberté
  dassociation et de réunion sont soumises aux mêmes conditions. 
  »
  Par ailleurs, le décret du 24 juillet 1997 définissant les missions
  prioritaires de lenseignement public consacre le principe dégalité. 
  Il affirme
  notamment qu« assurer à tous les élèves des 
  chances égales démancipation
  sociale » constitue un objectif de lenseignement et que, pour que 
  cet objectif
  puisse être atteint, chaque élève a « lobligation 
  de participer à toutes les
  activités liées à la certification organisée par 
  létablissement et daccomplir les
  tâches qui en découlent », ce qui exclut par exemple que 
  des jeunes filles qui
  portent le foulard soient dispensées des cours déducation 
  physique.
  Même si les règlements de certains établissements scolaires 
  (1)
  interdisent le port de tout couvre-chef, jusquà présent, 
  le port du foulard islamique
  dans les écoles a suscité peu de procédures judiciaires, 
  car les principes de
  neutralité et dégalité font lobjet dune 
  application particulièrement souple : des
  compromis sont donc négociés entre les établissements scolaires 
  et les familles,
  par exemple pour ninterdire le foulard que pendant certaines activités 
  (travaux
  pratiques de chimie ou gymnastique).
  Plusieurs affaires ont cependant été portées devant les 
  tribunaux, qui se
  sont fondés sur les deux décrets susmentionnés pour dénier 
  aux jeunes filles de
  confession musulmane le droit de déroger au règlement intérieur 
  de leur
  établissement et de porter le foulard.
  Ainsi, le tribunal de grande instance de Bruxelles sest prononcé 
  le
  11 décembre 1997 contre la réintégration de six jeunes 
  filles dans leur école, dont
  le règlement interdisait le port de signes distinctifs. Le règlement 
  précisait
  « Porter un signe distinctif (vestimentaire ou emblématique) est 
  déjà donner [...]
  un message porteur de certaines valeurs, ce qui est tout à fait contraire 
  à la
  déontologie [...] ». Le tribunal a alors affirmé : « 
  dans notre État de droit, qui
  nest pas théocratique mais dinspiration pluraliste, ces textes 
  coraniques et
  paroles prophétiques, pas plus que la bible, lévangile ou 
  autres textes
  religieux, ne constituent une règle de droit à laquelle les organes 
  de lÉtat
  seraient soumis. »
  Dans une affaire similaire, la cour dappel de Liège avait, le 23 
  février
  1995, déclaré : « il convient de rappeler quil a déjà 
  été jugé que linterdiction
  (1) Cest le cas denviron 80 % des établissements publics 
  à Bruxelles.
  - 12 -
  du port dinsignes manifestant une opinion politique, religieuse ou
  philosophique nétait pas manifestement contraire à la liberté 
  de conscience et
  de culte garantie aux étudiants, lorsque ceci est appliqué sans 
  discrimination et
  repose sur des considérations objectives. »
  Il convient de souligner que ces décisions ont été rendues 
  en référé et
  que la Cour de cassation na pas eu loccasion de se prononcer.
  Indépendamment de tout incident particulier, mais face au
  développement, dune part, du port du foulard sur les lieux de travail 
  et, dautre
  part, de « tenues complètes » de la part délèves 
  de confession musulmane, une
  polémique a opposé au début de lannée 2002 
  le ministre de lÉducation et le
  Ministre-président de la communauté française.
  Le premier sétait exprimé en janvier 2002 pour linterdiction 
  du port
  du foulard. En mai 2002, à linitiative du second, le gouvernement 
  de la
  communauté adoptait une position commune favorable au foulard. Le communiqué
  de presse publié le 16 mai 2002 énonçait : « Il est 
  important que, dans une
  démocratie pluraliste, toutes les religions et signes religieux distinctifs 
  soient
  traités sur un même plan au sein de lécole. Des manifestations 
  de tels signes
  doivent donc être acceptées tant quelles ne sont pas assimilables 
  à du
  prosélytisme, ne résultent pas du fruit dune pression subie 
  en ce sens par les
  intéressées et ne se heurtent pas à des principes essentiels 
  tels que la mixité des
  cours. »
  Le même texte précisait que le port du foulard devait être 
  interdit
  pendant les cours déducation physique et sur les photographies 
  des documents
  didentité scolaires.
  A la suite de cette polémique, le Ministre-président a, le 30 
  mai 2002,
  sollicité lavis du Conseil dÉtat et du Centre pour 
  légalité des chances.
  Le Conseil dÉtat a décliné sa compétence, 
  mais sest référé à larrêt
  précité de la cour dappel de Liège du 23 février 
  1995 et à celui de la Cour
  européenne des droits de lhomme du 15 février 2001 (2), 
  qui nient la légitimité du
  port du foulard dans les établissements publics denseignement. 
  Quant au Centre
  pour légalité des chances (3), il a, en septembre 2002, 
  rendu un avis motivé dans
  lequel il ne se montre pas favorable à une interdiction de principe du 
  port de signes
  à connotation religieuse ou philosophique. Il estime que la solution 
  aux conflits ne
  peut être trouvée dans le droit, mais que chaque cas doit être 
  examiné séparément
  et en dehors de tout climat passionnel.
  (2) Arrêt rendu dans laffaire Mme Dahlab c/ Suisse, après 
  que le Tribunal fédéral eut interdit à Mme
  Dahlab, institutrice dans lenseignement public, de porter le foulard islamique 
  en classe.
  - 13 -
  (3) Personne morale de droit public créée par la loi en 1993, 
  le Centre pour légalité des chances et la
  lutte contre le racisme a pour mission la lutte contre toute forme de discrimination.
  - 14 -
  LE PORT DU FOULARD ISLAMIQUE À LÉCOLE
  DANEMARK
  Le port du foulard islamique dans les établissements denseignement
  est admis.
  En labsence de règles spécifiques, cest le principe 
  général
  dinterdiction de toute discrimination religieuse, raciale, nationale ou 
  ethnique qui
  sapplique.
  La traditionnelle tolérance des sociétés scandinaves prévaut 
  donc,
  notamment dans le milieu scolaire, et les dispositions qui interdisent toute
  discrimination sy appliquent par analogie, les éventuels conflits 
  étant résolus au
  niveau local.
  La loi du 12 juin 1996 portant interdiction de toute discrimination sur le
  marché du travail interdit notamment toute différence de traitement 
  fondée sur un
  critère religieux, tel que le port du foulard. En août 2000, ce 
  texte a été utilisé pour
  la première fois dans une affaire relative au foulard islamique : la 
  cour dappel de
  Copenhague a condamné un grand magasin dOdense qui, deux ans auparavant, 
  avait
  renvoyé une jeune stagiaire de quinze ans qui refusait denlever 
  son foulard.
  Lemployeur a été condamné au versement de dommages 
  et intérêts dun montant
  de 10 000 couronnes (cest-à-dire environ 1 350 €) et au paiement 
  des frais de
  procédure à hauteur de 25 000 couronnes (environ 3 500 €).
  Daprès le tribunal, les prescriptions vestimentaires du magasin
  constituaient une forme de discrimination indirecte envers toutes les femmes 
  de
  confession musulmane. Du reste, le programme du gouvernement pour une
  meilleure intégration des minorités étrangères, 
  publié en 2003, aborde la question
  du foulard et affirme que, à moins de raisons liées à la 
  sécurité ou à lhygiène, rien
  ne soppose à ce quune femme porte un foulard sur son lieu 
  de travail.
  - 15 -
  La société danoise dans son ensemble accepte le port du foulard, 
  comme
  en témoigne une étude menée en 2001 par le cabinet de consultants 
  PLS
  RAMBOLL. Daprès cette étude, seulement :
   17 % des personnes interrogées portaient un jugement négatif 
  sur le
  fait quune collègue porte un foulard ;
   24 % déclaraient ne pas apprécier dêtre soignées 
  par une infirmière
  portant un foulard ;
   23 % faisaient la même observation pour une vendeuse.
  Le plus fort pourcentage de personnes hostiles au foulard se trouvait
  parmi les électeurs du Dansk Folkeparti (parti du peuple, de tendance 
  populiste).
  La députée Louis Frevert, responsable pour les questions déducation 
  du
  Dansk Folkeparti, a annoncé pendant lété 2003 lintention 
  de son groupe
  politique de déposer une proposition de loi tendant à interdire 
  le port de « couvrechefs
  à connotation culturelle » à lécole.
  - 16 -
  LE PORT DU FOULARD ISLAMIQUE À LÉCOLE
  ESPAGNE
  Lenseignement relève de la compétence des communautés
  autonomes et, dans la plupart dentre elles, le port du foulard dans les
  établissements publics denseignement sest développé 
  sans quaucun débat ait
  lieu.
  En labsence de règles spécifiques et compte tenu, dune 
  part, de la
  compétence des communautés autonomes en matière déducation 
  et, dautre
  part, de la relative indépendance des établissements scolaires, 
  les conflits sont
  réglés localement, en donnant la priorité à la scolarisation 
  des enfants.
  La loi organique du 23 décembre 2002 relative à la qualité 
  de léducation,
  dont les dispositions simposent aux législateurs des communautés 
  autonomes, fait
  du « respect de la liberté de conscience et des convictions religieuses 
  et
  morales » un devoir des élèves, au même titre que 
  le travail scolaire.
  Par ailleurs, dans son article consacré à lintégration 
  dans le système
  éducatif, elle énonce que « les administrations chargées 
  des questions
  déducation favorisent lintégration des élèves 
  provenant de pays étrangers
  dans le système éducatif » et que « les élèves 
  étrangers ont les mêmes droits et
  devoirs que les élèves espagnols. Leur intégration dans 
  le système éducatif
  suppose lacceptation des règles de caractère général, 
  ainsi que celles des
  établissements quils fréquentent. »
  Deux décrets royaux du 26 janvier 1996, applicables par défaut 
  dans
  lenseignement primaire et secondaire en labsence de mesures prises 
  par les
  communautés autonomes, accordent aux conseils détablissement 
  la compétence
  pour adopter le règlement intérieur, qui peut notamment comporter 
  des
  dispositions sur la tenue vestimentaire.
  - 17 -
  Dans lensemble, le port du foulard est accepté par les établissements
  scolaires. Toutefois, certains conflits ont eu lieu, notamment dans le cas denfants
  contraints (4) de sinscrire dans un établissement privé. 
  En effet, même soutenus
  par des fonds publics, les établissements privés peuvent, à 
  la différence des
  établissements publics, imposer un uniforme à leurs élèves.
  Jusquà maintenant, les conflits de ce type se sont peu ou prou
  transformés en débat sur le rôle respectif des établissements 
  publics et privés dans
  le système éducatif, puisque les autorités éducatives 
  locales ont toujours pris la
  décision dintégrer les élèves concernées 
  dans des établissements publics.
  Le dernier conflit important remonte à février 2002. Il concernait 
  une
  jeune Marocaine de treize ans : létablissement catholique de la 
  banlieue de Madrid
  qui devait laccueillir lui ayant refusé le port du foulard, elle 
  a finalement été
  dirigée vers un établissement public. Le ministre régional 
  de lÉducation a fondé sa
  décision sur deux arguments : lexistence, dans la communauté 
  autonome de
  Madrid, détablissements scolaires autorisant le port du foulard 
  et labsence
  dinterdiction explicite.
  Lincident a suscité une polémique entre les responsables 
  locaux de
  léducation, partisans de la priorité à la scolarisation 
  obligatoire, et plusieurs
  personnalités nationales, parmi lesquelles les ministres de lÉducation 
  et du
  Travail, ainsi que le Défenseur du peuple (équivalent du Médiateur 
  de la République
  en France). La ministre de lÉducation sest exprimée 
  contre le port du foulard à
  lécole au motif que lassimilation des étrangers passait 
  par lacceptation des
  valeurs de la société espagnole, et le ministre du Travail a comparé 
  le port du
  foulard à lexcision. Le Défenseur du peuple a, quant à 
  lui, souligné que de telles
  manifestations culturelles et religieuses « romp[ai]ent les critères 
  égalitaires qui
  doivent simposer dans la société espagnole ».
  Bien que les responsables éducatifs locaux aient, à plusieurs 
  reprises,
  souligné que lexistence de dispositions nationales sur la tenue 
  vestimentaire leur
  permettrait de résoudre plus facilement les conflits, le ministère 
  national de
  lÉducation nentend pas édicter de telles règles 
  pour le moment.
  (4) Il sagit notamment des enfants qui déménagent pendant 
  lannée scolaire et auxquels la commission
  locale pour la scolarisation indique les établissements comportant des 
  places disponibles.
  - 18 -
  LE PORT DU FOULARD ISLAMIQUE À LÉCOLE
  GRANDE-BRETAGNE
  Le port du foulard est admis dans la plupart des établissements
  denseignement.
  La Commission pour légalité raciale et le ministère 
  de lÉducation
  considèrent que linterdiction du port du foulard constituerait 
  une discrimination
  injustifiée.
  Bien que la plupart des écoles imposent un uniforme, le port du foulard,
  dans la mesure où il est de la même couleur que les autres vêtements, 
  est accepté.
  Dans les régions où de fortes minorités musulmanes sont 
  implantées, le
  phénomène du foulard islamique a même été 
  pris en compte par les règlements des
  établissements. Des conflits ont cependant parfois lieu, par exemple 
  lorsquune
  jeune fille se présente avec la tête couverte dun foulard 
  ne correspondant pas au
  modèle prévu par le règlement de lécole.
  Le ministère de lÉducation, dans ses instructions relatives 
  à luniforme,
  précise que les établissements scolaires doivent être « 
  sensibles aux besoins des
  différentes cultures, races et religions » et quils doivent 
  notamment accepter les
  tenues islamiques ainsi que les turbans des jeunes sikhs.
  La Commission pour légalité raciale est linstance 
  chargée de veiller au
  respect de la loi de 1976 qui interdit les discriminations fondées sur 
  la race, sur la
  nationalité, ou sur lorigine ethnique ou nationale. Les questions 
  religieuses ne
  font donc en principe pas partie de ses attributions. Elle a eu toutefois loccasion 
  de
  sexprimer sur le port du foulard islamique à lécole 
  dès la fin des années 80. Elle a
  alors estimé que linterdiction du foulard constituait une discrimination 
  raciale
  indirecte, car une telle mesure affecte « de façon disproportionnée 
  » la population
  originaire du sous-continent indien. Depuis lors, son code de bonne conduite 
  pour
  lélimination de la discrimination raciale à lécole 
  dispose que toute prescription
  - 19 -
  vestimentaire qui entraîne la mise à lécart dun 
  élève pour des raisons religieuses
  ou culturelles est discriminatoire. Ceci exclut par exemple les règlements
  imposant le port de jupes dans une école fréquentée par 
  des jeunes filles souhaitant
  adopter la tenue islamique.
  Il convient de souligner que les avis de la Commission pour légalité
  raciale ne constituent que des recommandations. En labsence de tout texte
  interdisant les discriminations fondées sur le critère religieux, 
  les tribunaux
  pourraient prendre des décisions contraires.
  En effet, en 1983, dans laffaire Mandla c. Dowell Lee, la Chambre des
  Lords sétait appuyée sur la loi de 1976 sur les discriminations 
  raciales pour
  résoudre un problème comparable à celui du foulard islamique. 
  Toutefois, il est
  admis que cette jurisprudence ne sapplique pas au cas des musulmans, à 
  cause de la
  trop grande hétérogénéité de la communauté 
  quils constituent.
  Dans laffaire Mandla c. Dowell Lee en 1983, la Chambre des Lords a donné 
  raison à la famille
  dun enfant sikh qui refusait de porter la casquette de luniforme 
  de son école et portait le
  turban afin de se conformer aux prescriptions de sa religion. Le directeur de 
  lécole avait
  refusé laccès à lenfant en avançant 
  que le fait de porter un turban constituait une
  manifestation des origines ethniques et risquait donc daccentuer les distinctions
  religieuses et sociales.
  La Chambre des Lords a décidé que le refus du directeur constituait 
  une discrimination
  illégale car les obligations relatives à luniforme étaient 
  telles que certains groupes raciaux
  comme les Sikhs pouvaient sy conformer moins facilement que dautres. 
  Ce faisant, elle
  assimile donc la discrimination contre le groupe religieux constitué 
  par les Sikhs à une
  discrimination raciale. Bien que les Sikhs ne puissent pas être considérés 
  comme un
  « groupe racial » dans lacception commune, la Chambre des 
  Lords élargit le sens de
  lexpression. Pour constituer un tel groupe, il suffit quune communauté 
  sidentifie par :
   une longue histoire commune ;
   une tradition culturelle ;
   une origine géographique commune ;
   une langue commune ;
   une littérature commune ;
   une religion commune ;
   le fait de constituer une minorité.
  La Chambre des Lords considère les deux premiers critères comme 
  essentiels, à la différence
  des cinq autres, quelle juge seulement pertinents.
  - 20 -
  LE PORT DU FOULARD ISLAMIQUE À LÉCOLE
  PAYS-BAS
  Le port du foulard est admis, aussi bien dans les établissements
  scolaires que sur les lieux de travail.
  Cependant, devant la multiplication des incidents liés au port de voiles
  masquant le visage, le ministre de lÉducation a rappelé 
  en juin 2003 aux
  établissements scolaires les principes applicables (document n° 1) 
  en matière de
  tenue vestimentaire.
  La loi de 1994 sur légalité de traitement interdit plusieurs 
  formes de
  discrimination, parmi lesquelles les discriminations religieuses. La loi sapplique 
  à
  tous les domaines de la vie sociale, et notamment à lenseignement.
  Sappuyant sur lavis donné le 20 mars 2003 par la Commission 
  pour
  légalité de traitement (5) (document n° 2) dans une 
  affaire opposant un
  établissement denseignement professionnel et plusieurs élèves 
  portant un voile
  couvrant la totalité du visage, le ministre précise aux établissements 
  scolaires publics
  quils sont libres dédicter des prescriptions vestimentaires 
  auxquelles les élèves
  sont tenus de se conformer, pour autant :
   que ces prescriptions ne soient pas discriminatoires ;
   quelles ne portent pas atteinte à la liberté dexpression 
  ;
   quelles soient explicitement exposées dans le règlement 
  de
  létablissement ;
  (5) Instituée par la loi de 1994 sur le légalité 
  de traitement, la commission enquête sur les affaires de
  discrimination. Ses conclusions nont aucune force exécutoire, mais 
  elles sont généralement suivies.
  Voir létude de législation comparée LC 82 sur la 
  lutte contre les discriminations sur les lieux de
  travail.
  - 21 -
   que les sanctions prévues ne soient pas disproportionnées.
  Le caractère non discriminatoire des prescriptions vestimentaires doit
  notamment être apprécié sur le plan religieux, de sorte 
  que linterdiction générale
  du port de la kippa, dun turban ou dun foulard est exclue, que linterdiction 
  vise
  les élèves ou les professeurs.
  Toutefois, conformément à lavis de la Commission pour légalité 
  de
  traitement, le caractère discriminatoire dune prescription peut 
  avoir une
  « justification objective » si trois critères sont remplis 
  :
   légitimité du but recherché par la prescription 
  ;
   adéquation de la prescription à ce but ;
   nécessité de la prescription, faute dautre solution.
  Dans laffaire évoquée plus haut, la commission a estimé 
  que le but
  recherché par linterdiction était légitime (puisque 
  la direction de létablissement
  mettait en avant le besoin de communication réciproque, la nécessité 
  didentifier
  les élèves et la plus grande facilité à suivre les 
  stages, nécessaires à lobtention du
  diplôme final), que linterdiction permettait datteindre ce 
  but et quaucune autre
  solution nétait possible.
  Dans sa note, le ministre rappelle lentière liberté des 
  établissements
  scolaires privés en matière de prescriptions vestimentaires. Du 
  reste, la
  Commission pour légalité de traitement saisie par une jeune 
  fille à qui la direction
  dun établissement denseignement catholique refusait le port 
  du foulard a, en août
  2003, conclu quun tel refus nétait pas contradictoire avec 
  la loi de 1994 sur
  légalité de traitement.
  - 22 -
  LE PORT DU FOULARD ISLAMIQUE À LÉCOLE
  LISTE DES PRINCIPAUX TEXTES ANALYSÉS
  Document n° 1 Pays-Bas  Consignes émises en juin 2003 par le 
  ministre de
  lÉducation sur la tenue vestimentaire des écoliers (langue
  originale)
  Document n° 2 Pays-Bas  Conclusions émises le 20 mars 2003 
  par la
  Commission pour légalité de traitement sur le port du tchador
  par des élèves de lenseignement professionnel (langue
  originale).