cours écrit par O. CAMY
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FICHE
N°1 : ROUSSEAU
[Représentation/séparation
des pouvoirs/souveraineté/citoyenneté]
Quelle organisation
concrète du pouvoir ? L'étude du projet de Constitution de
Pologne permet de voir comment les principes du Contrat Social affrontent
la réalité. Les extraits proposés montrent sur certains
points essentiels (séparation des pouvoirs, nature du régime,
droit de vote...) des évolutions, des compromis ou au contraire une grande
fidélité au Contrat Social. A vous de voir...
ROUSSEAU
Extraits de la Constitution de Pologne (pagination Pléiade)
•
Sur le respect des lois :
"Il n'y aura jamais de bonne constitution que celle où la loi régnera
sur les cœurs. Tant que la force législative n'ira pas jusque là,
les loix seront toujours éludées"
•
Sur la citoyenneté :
"Tout homme public en Pologne ne doit avoir d'autre état permanent que
celui de Citoyen"
•
Sur l'organisation du gouvernement :
- l'existence d'ordres : les nobles, la bourgeoisie etc. "la partie
qui n'existe que par le tout, forme pourtant par rapport au tout un ordre indépendant"
(p. 972)
- la puissance législative : "Sitôt que la puissance législative parle, tout rentre dans l'égalité; toute autre autorité se tait sevant elle; sa voix est la voix de Dieu sur terre"
- le Sénat :
composé de nobles, ayant de naissance le droit de voter en pleine Diète
("le Roi même n'a pas le droit d'y voter s'il n'est noble polonais): "Quand
les changements projettés seront faits..., les Sénateurs eux-mêmes
seront des représentants de la Nation" (p. 973)(Nota Sièyès:
les députés comme "commettants de la Nation"); "... j'admets le
sénat comme un corps distinct dans la République, quoique je ne
l'admette pas comme un ordre composant de la République ; car cela est
fort différent".
Distinction entre les Sénateurs de premier rang qui siègent à
vie et les Castellans de second rang élus por deux ans ; le Sénat,
revetu de la puissance exécutive serait perpétuellement assemblé"
(p. 987).
- le vote :
... "la loi de la nature, cettte loi sainte, imprescriptible, qui parle
au cœur de l'homme et à sa raison, ne permet pas qu'on resserre
ainsi l'autorité législative, et que les loix obligent quiconque
n'y a pas voté personnellement comme les nonces, ou du moins par ses
représentants comme le corps de la noblesse" (p. 973).
- la séparation
des pouvoirs :
"Un second moyen par lequel la puissance législative s'est conservée
en Pologne, est premièrement le partage de la puissance exécutive,
qui a empêché ses dépositaires d'agir de concert pour l'opprimer,
et en second lieu, le passage fréquent de cette même puissance
exécutive par différentes mains: ce qui a empêché
tout système suivi d'usurpation" (p. 975). Exemple: "Il en était
de même des Ministres et grands Officiers. Tous indépendants du
Sénat et les uns des autres avaient, dans leurs départements respectifs,
une autorité sans bornes: mais outre que ces places se balancaient mutuellement,
en ne se perpétuant pas dans les mêmes familles, elles n'y portaient
aucune force absolue; et tout le pouvoir même usurpé, retournait
toujours à sa source" (p. 976).
"La puissance exécutive ainsi divisée et passagère sera
plus subordonnée à la législative, et les diverses parties
de l'administration seront plus approfondies et mieux traitées séparément.
Ne comptez pas trop sur ce moyen: si elles sont trop séparées,
elles manqueront de concert, et bientôt, se contrequarrant mutuellement,
elles useront presque toutes leurs forces les unes contre les autres, jusqu'à
ce qu'une d'entre elles ait pris l'ascendant et les domine toutes..." (p. 977).
"L'invention de cette division par chambres ou départements est moderne...
Le Sénat de Rome gouvernait la moitié du monde connu, et n'avait
pas même l'idée de ces partages. Ce sénat, cependant , ne
parvint pas à opprimer la puissance législative, quoique
les sénateurs fussent à vie. mais les loix avaient des Censeurs,
le Peuple avait des Tribuns, et le Sénat n'élisait pas les Consuls.
Pour que l'administration soit forte, bonne et marche bien à son but,
toute la puissance exécutive doit être dans les mêmes mains:
mais il ne suffit pas que ces mains changent; il faut qu'elles n'agissent, s'il
est possible, que sous les yeux du Législateur, et que ce soit lui qui
les guide . Voilà le vrai secret pour qu'elles n'usurpent pas son autorité".
- la représentation
:
"Un des plus grands inconvénients des grands Etats, celui de tous qui
y rend la liberté le plus difficile à conserver, est que
la puissance législative ne peut s'y montrer elle même, et ne peut
agir que par députation. (...) Ses représentants sont difficilement
trompés, mais aisément corrompus..."
Les moyens pour prévenir cette corruption :
-"La fréquence des Diètes qui changeant souvent les représentants
rend leur séduction plus côuteuse et plus difficile"
-"... assujettir les représentants à suivre exactement leurs instructions
et à rendre un compte sévère à leurs constituants
de leur conduite à la Diète" p. 979 (# Mably adversaire du mandat
impératif et auteur d'un projet de constitution pour la Pologne)
= "car enfin, ce n'est pas pour y dire leur sentiment particulier, mais pour
y déclarer les volontés de la Nation qu'elle envoie des Nonces
à la Diète. Quoiqu'on en puisse dire, je ne vois aucun inconvénient
à cette gêne, puisque la Chambre des Nonces n'ayant ou ne devant
avoir aucune part au détail de l'administration, ne peut jamais avoir
à traiter aucune matière imprévue: d'ailleurs pourvu qu'un
nonce ne fasse rien de contraire à l'expresse volonté de ses constituans,
ils ne lui feroint pas un crime d'avoir opiné en bon Citoyen sur une
matière qu'ils n'auraient pas prévue, et sur laquelle ils n'auraient
rien déterminé. J'ajoute enfin que, quand il y aurait en effet
quelque inconvénient à tenir ainsi les Nonces asservis à
leurs instructions, il n'y aurait point encore à balancer vis à
vis l'avantage immense que la loi ne soit jamis que l'expression réelle
des volontés de la Nation" (p. 980)
- la loi :
"Or la loi, qui n'est que l'expression de la Volonté Générale,
est bien le résultat de tous les intérêts particuliers combinés
et balançès par leur multitude. Mais les intérêts
de coprs faisant un un poids trop considérable rompraient l'équilible
et ne doivent pas y entrer collectivement" (p. 984).
- la monarchie :
"... je crois impossible à un aussi grand Etat que la Pologne de s'en
passer ; c'est-à-dire d'un chef suprême qui soit à vie"
(p. 989)
Cf. Le Contrat "Il faut qu'un gouvernement populaire est un chef". Dans cette
perspective du gouvernement (mais non certe de la souveraineté), il n'est
nullement contradictoire et il est même nécessaire, si elles est
de quelque étendue, qu'une république ait à sa tête
un Roi (p. 1771).
"On a proposé de rendre la Couronne héréditaire. Assurez-vous
qu'au moment que cette loi sera portée la Pologne peut dire adieu pour
jamais à sa liberté" (p. 991).
"Il aura peu de force immédiate et directe pour agir par lui-même,
mais il aura beaucoup d'autorité; de surveillance et d'inspection pour
contenir chacun dans son devoir et por diriger le Gouvernement à son
véritable but". (p. 993)
- la spécialisation
des pouvoirs :
"C'est un vice dans la Constitution polonaise que la législation et l'administration
n'y soient pas assez distinguées, et que la Diète exerçant
le pouvoir législatif y mêle des parties d'administration, fasse
indifféremment des actes de souveraineté et de gouvernement..."
(p. 995).
- la Constitution :
"Par le droit naturel des sociétés, l'unanimité a
été requise pour la formation du corps politique et pour les loix
fondamentales qui tiennent à son existence.... Or l'unanimité
requise por l'établissement de ces loix doit l'être de même
pour leur abrogation". "De cette manière on rendra la constitution solide
et ces loix irrévocables autant qu'elles peuvent l'être: car il
est contre la nature du coprs politique de s'imposer des loix qu'il ne puisse
révoquer..." (p. 996).
- la justice :
"Voilà le moyen qu'avec peu de loix claires et simples, même avec
peu de juges, la justice soit bien administrée, en laissant aux juges
le pouvoir de les interpréter et d'y suppléer au besion par les
lumières naturelles de la droiture et du bon sens" (p. 1000).