Dans son livre, le sénateur de la Vienne revient sur son expérience
à Matignon. Extraits.
« L'ARTICLE 20 de notre Constitution qui dispose que le gouvernement»détermine
et conduit la politique de la nation n'est pas une fiction. Durant les trois
années où j'ai été premier ministre, j'ai conduit
l'action du gouvernement. (...) Je bénéficiais d'une vraie capacité
d'initiative. J'ai fait mon discours de politique générale avec
une grande liberté. (...) Or, dans ce programme, il y avait des mesures
pour lesquelles le président de la République était réservé.
Je pense par exemple à l'ouverture du capital et à la gouvernance
d'EDF. (...) J'ai eu la chance de diriger un gouvernement avec un Président
qui était très attentif à la fonction de premier ministre.
(...) Il évitait de court-circuiter Matignon en m'informant régulièrement
de ses contacts avec les membres du gouvernement. (...) On a dit parfois que
Jacques Chirac aurait freiné mon action. Je ne le pense pas ; ce qui
est vrai, c'est qu'il était très sensible à la cohésion
du pays. Aussi, dès qu'il pressentait l'éventualité d'une
fracture dans le tissu social, il se montrait prudent. (...) Jacques Chirac
avait des convictions auxquelles il s'est tenu. Et il y a un certain nombre
de choses qu'il n'a pas voulu faire par conviction. Il n'entendait pas, par
exemple, que fût supprimé l'impôt sur la fortune. À
la dernière minute, il m'a demandé de retirer un amendement d'assouplissement
que j'avais négocié avec ma majorité. (...)
Par contraste avec Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy apparaît sans doute
aujourd'hui plus présent et plus actif sur le devant de la scène.
Il me semble que ce dynamisme correspond à une phase de lancement du
quinquennat, après une rupture générationnelle. Je ne crois
pas pour autant que la fonction présidentielle connaisse un profond bouleversement
(...) Pour moi, la question des rapports entre le président et le premier
ministre dans la Ve République ne se pose pas. Il y a, de fait, une certaine
élasticité de la relation. L'élasticité est réduite
quand la proximité est grande entre le chef de l'État et son premier
ministre, comme c'est le cas aujourd'hui, parce que Nicolas Sarkozy et François
Fillon ont élaboré ensemble le projet présidentiel. À
l'autre extrémité, on trouve la situation de la cohabitation.
(...) »
« Rare et solennelle »
« Ce n'est pas la relation président-premier ministre qui est modifiée
par le quinquennat, c'est la relation entre le chef de l'État et le Parlement
qui a été affectée par le passage de sept à cinq
ans du mandat présidentiel. On voit bien que les députés
sont élus en fonction du résultat de l'élection présidentielle.
Le président est devenu, du même coup, le chef de la majorité
alors que, jusqu'à présent, ce rôle incombait au premier
ministre. Je pense que c'est une erreur de théoriser la disparition,
à terme, du premier ministre (...) Il me semble qu'il faut envisager
avec beaucoup de sérieux une expression du chef de l'État devant
le Parlement. (...) Pour éviter de mêler le chef de l'État
à l'agitation parlementaire, la séance au cours de laquelle le
président s'exprimerait devrait être rare et solennelle. Les deux
Chambres devraient être réunies en Congrès, à Versailles,
pour entendre le président qui, nécessairement, serait le seul
orateur. »