Au Maroc, l'implantation urbaine des islamistes se confirme

LE MONDE | 15.09.03 | 13h07

 

Rabat de notre envoyŽ spŽcial

 

Les attentats du 16 mai ˆ Casablanca n'ont pas entachŽ, au Maroc, l'image des islamistes dits "modŽrŽs". Ces derniers ont su faire la dŽmonstration de leur poids politique ˆ l'occasion des Žlections municipales du 12 septembre.  Dans les grandes agglomŽrations, ainsi que dans les villes de taille moyenne, ils constituent dŽsormais la deuxime force du royaume. Pour leur part, les socialistes enregistrent un recul, tandis que les nationalistes de l'Istiqlal tirent leur Žpingle du jeu dans ce scrutin o la participation a dŽpassŽ de peu les 50 %.

 

MarquŽs par un fort Žmiettement des votes - lequel a ŽtŽ favorisŽ par le mode de scrutin -, les rŽsultats vont contraindre les partis ˆ former des coalitions pour diriger la plupart des agglomŽrations du royaume. Cette situation aura pour consŽquence d'affaiblir les maires face ˆ l'administration centrale, ˆ un moment o, paradoxalement, une nouvelle loi confre des pouvoirs accrus aux communes.

 

CLASSEMENT TROMPEUR

 

A voir les rŽsultats globaux du vote, tels qu'ils ont ŽtŽ rendus publics, samedi soir, par le ministre de l'intŽrieur, Mostafa Sahel, les islamistes du Parti de la justice et du dŽveloppement (PJD) rŽalisent une contre-performance. Ils n'arrivent qu'en onzime position au niveau national, loin derrire les nationalistes de l'Istiqlal, les socialistes de l'USFP, les centristes du RNI, les anciens communistes du PPS... Mais ce classement est trompeur. Pour ne pas effaroucher les classes dirigeantes marocaines et les pays occidentaux, les dirigeants islamistes avaient rŽduit leurs ambitions et soigneusement "ciblŽ" la prŽsence du PJD. Absents des zones rurales, les "barbus" ont privilŽgiŽ une poignŽe de villes moyennes et quelques arrondissements dans les grandes mŽtropoles. A Tanger, ville qui leur est acquise, ainsi qu'ˆ Agadir, ils Žtaient totalement absents.

 

Les islamistes ont donc rŽussi leur pari. La meilleure illustration en est Casablanca, la premire ville du pays. Dans les huit arrondissements (sur seize) o ils prŽsentaient des candidats, ils arrivent en tte. S'ils avaient choisi d'tre prŽsents dans tous les arrondissements, la premire ville du royaume serait aujourd'hui dominŽe par le PJD. Ce dernier devance Žgalement ses adversaires ˆ Mekns, Kenitra, et amŽliore ses positions ˆ Rabat.

 

Ce succs contraste avec le recul des socialistes. A Rabat, ville considŽrŽe comme un fief historique de l'USFP, une partie de leur Žlectorat les a abandonnŽs au profit des anciens communistes. S'ils ont rŽalisŽ une belle performance ˆ Agadir, en revanche, ˆ Casablanca, les socialistes ont ŽchouŽ ˆ conquŽrir la ville. Ils n'arrivent qu'en deuxime position juste derrire l'Istiqlal, et la mairie va leur Žchapper. L'Žchec est cuisant, en particulier pour la tte de liste des socialistes, le ministre Khalid Alioua qui, du coup, voit s'Žloigner tout espoir de succŽder ˆ l'actuel "patron" de l'USFP, Abderrahmane Youssoufi, lors du congrs du parti prŽvu en 2004. Homme brillant, mais jugŽ hautain par ses "amis" politiques, M. Alioua n'a sans doute pas bŽnŽficiŽ de toute l'aide qu'il pouvait attendre des militants de son parti.

 

De leur c™tŽ, les nationalistes de l'Istiqlal ont des raisons d'tre satisfaits. ArrivŽs en tte de l'Žlection de vendredi au niveau national, ils ont effacŽ leur semi-Žchec des lŽgislatives de septembre. C'est vrai en particulier ˆ Marrakech, o ils ont pris leur revanche sur les socialistes. A Fs Žgalement, leur performance est rŽelle.

 

Jean-Pierre Tuquoi