Constitution pour l'Europe (2004)
Le traité établissant une Constitution pour l'Europe, communément nommé
constitution européenne, traité constitutionnel, mais aussi traité de
Rome II ou traité de Rome de 2004, parfois abrégé TECE ou TCE, signé à
Rome par les chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne le
29 octobre 2004, aurait dû entrer en vigueur le 1er novembre 2006, à
condition d'avoir été ratifié par chacun des vingt-cinq États
signataires, ce qui n'a pas été le cas in fine.
En raison de cet échec, le traité de Lisbonne a été créé pour remplacer
ce traité constitutionnel. Il reprend la majorité des changements qui
se trouvaient dans le traité constitutionnel, mais sous forme
d'amendements.
Les avancées de la future Constitution européenne
I. LES ACQUIS
1 Uniformisation juridique : un texte unique
Le texte supprime la structure en piliers héritée du Traité de
Maastricht. Le texte actuel se compose désormais de quatre parties :
- La Partie I -
Architecture constitutionnelle (préambule, les définitions et objectifs
de l’Union, les droits fondamentaux, les compétences de l’Union, les
finances, l’action extérieure, la Politique extérieure, de sécurité et
de défense commune, la justice et affaires intérieures et la clause de
sortie) ;
- La Partie II - Charte des droits fondamentaux
- La Partie III -
Politiques et mises en œuvre des actions de l’Union – reprend en les
réorganisant et en les modifiant parfois, des dispositions déjà
existantes dans les traités en vigueur et qui régissent les politiques
de l’Union ;
- Les Dispositions
générales et finales qui assurent la continuité juridique avec les
traités actuels, notamment ceux de Maastricht, d’Amsterdam et de Nice.
2. La personnalité juridique de l’Union :
La future Constitution dote l’Union européenne d’une personnalité
juridique qui lui permettra notamment de signer des traités bilatéraux
ou multilatéraux et de devenir membre d’organisations internationales
comme les Nations Unies ou le Fonds monétaire international.
3. Clarification de la répartition des compétences
Le texte clarifie la répartition des compétences entre l’Union et les
Etats membres. Le titre III de la Partie I définit dans le détail les
compétences exclusives de l’Union (politique commerciale et monétaire
pour la zone euro, union douanière, conservation des ressources
biologiques de la mer), les domaines de compétences partagées (marché
intérieur, espace de liberté et de justice, agriculture et pêche,
transports, énergie, cohésion économique et sociale, environnement,
protection des consommateurs, « enjeux communs de sécurité en
matière de santé publique ») et les domaines d’action d’appui
(industrie, santé, éducation, culture, protection civile).
4. Simplification des instruments juridiques
La future Constitution réduit le nombre d’instruments juridiques
existant et en change la dénomination pour adopter une terminologie
plus proche des traditions juridiques des Etats membres:
- Les Lois européennes se substituent aux Règlements ;
- Les Lois-cadres européennes remplacent les Directives ;
- Les Règlements
européens, sont des actes non-législatifs de portée générale pour la
mise en œuvre des actes législatifs. Ces textes d’application des Lois
ou des Lois-cadres peuvent être obligatoires dans tous leurs éléments
ou laisser aux Etats membres la compétence du choix et de la forme ;
- Les Décisions
européennes sont également des textes de mise en œuvre d’actes
législatifs mais qui revêtent un caractère d’obligation dans tous leurs
éléments pour l’ensemble des pays destinataires ;
- Les Recommandations
et Avis sont adoptés par les Institutions communautaires (Parlement,
Commission et Cour de justice) mais n’ont aucun effet contraignant.
De manière générale, les lois et lois-cadres européennes relèvent de la
procédure législative de co-décision et sont adoptées conjointement par
le Conseil et le Parlement européen sur proposition de la Commission
européenne qui dispose de son droit exclusif d’initiative. Dans le
cadre des coopérations renforcées, les lois et lois-cadres peuvent
cependant être adoptées à l’initiative d’un groupe d’Etats membres.
Parmi les ultimes amendements pris en compte par les Conventionnels le
13 juin, l’innovation la plus notable est l’introduction d’un « droit
d’initiative populaire » : s’ils réunissent un million de signatures en
provenance de différents pays, les citoyens de l’Union auront le droit
de demander à la Commission de rédiger une proposition de loi
européenne.
5. Extension de la procédure de co-décision et de la majorité qualifiée
La future Constitution prévoit l’utilisation de la procédure de
co-décision comme règle générale d’adoption des textes législatifs avec
recours à la majorité qualifiée, tout en maintenant des procédures
différenciées dans certains domaines, la PESC, la défense, de la
coopération policière et la justice pénale.
Le compromis adopté le 13 juin prévoit qu’à partir de novembre 2009, la
majorité qualifiée sera obtenue lorsqu’une majorité simple des Etats
représentant 60% de la population européenne se prononcera en faveur de
l’adoption d’une décision ou d’un texte.
6. Intégration de la Charte des droit fondamentaux
La future Constitution dispose que « l’Union reconnaît les droits, les
libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits
fondamentaux qui constitue la deuxième partie de la présente
Constitution ». La Royaume-Uni a cependant obtenu le 13 juin
l’insertion d’une clause d’interprétation qui en limite la portée
juridique. En l’état actuel des choses, l’intégration de la Charte
n’institue cependant aucune nouvelle compétence et ne créée pas de
droit positif en la matière.
II. Les réformes institutionnelles applicables dès l’entrée en vigueur du texte :
1. Un président permanent du Conseil
La future Constitution met fin à la présidence tournante et instaure un
Président du Conseil stable, aux pouvoirs strictement délimités,
élu par le Conseil européen à la majorité qualifiée pour un mandat de
deux ans et demi renouvelable une fois. Ce « Chairman » ne pourra pas
conserver de mandat national, il sera chargé de préparer les travaux du
Conseil européen, d’en présider et animer les travaux. Il assurera
également à son niveau la représentation extérieure de l’Union sur les
décisions de politique étrangère, sans préjudice des compétences du
Président de la Commission et du ministre des Affaires étrangères
2. Un ministre européen des Affaires étrangères
La future Constitution crée un poste de ministre des Affaires
étrangères : vice-président de la Commission, il sera désigné par le
Conseil européen statuant à la majorité qualifiée, en accord avec le
Président de la Commission. Il cumulera les fonctions du haut
représentant actuel du Conseil pour la politique étrangère et de
sécurité commune et celles du commissaire chargé des relations
extérieures et conduira la politique étrangère et de sécurité commune
de l’Union.
3. Une politique étrangère et de défense un peu renforcée
La future Constitution maintient la règle de l’unanimité dans ce
domaine sauf pour les décisions prises sur mandat du Conseil européen
qui seront soumis au vote à la majorité qualifiée. Le Conseil peut
cependant décider à l’unanimité d’élargir le champ de la majorité
qualifiée. Les Etats membres doivent appuyer « activement et sans
réserve la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union
».
En matière de défense, le texte prévoit également « la définition
progressive d’une politique de défense commune qui peut conduire à une
défense commune ». Il élargit la possibilité de coopérations renforcées
au domaine de la défense (proscrit par le Traité de Nice) et décide la
création d’une Agence de l’armement et des capacités, afin de définir
une politique européenne de l’armement.
III. REFORMES REPORTEES A 2009
1 Parlement européen : statu quo provisoire
Le Parlement européen ne sera réformé que lorsque l’Union comptera 28
membres. D’ici là, sa composition reste inchangée : 736 membres suivant
la répartition des sièges prévue par le Traité de Nice amendée par
Copenhague. Ce n’est qu’à partir de l’arrivée d’un 28ème pays que
s’appliquera le principe de représentation dégressivement
proportionnelle à la population des pays.
2 Une Commission européenne resserrée
Jusqu’au 1er novembre 2009, la Commission (qui entrera en fonction en
2004) aura 25 membres, soit un commissaire par pays – les cinq grands
pays renonçant à leur second commissaire comme le prévoit le Traité de
Nice.
A partir du 1er novembre 2009, et de façon automatique, la Commission
se composera de 15 membres, la rotation des commissaires se faisant sur
une base égalitaire garantissant aux petits pays la même représentation
qu’aux grands. Les pays qui n’auront pas de commissaire pourront
envoyer un commissaire délégué sans droit de vote ;
A partir du 1er novembre 2009, le président de la Commission sera élu
par le Parlement européen à la majorité simple sur proposition du
Conseil (à la lumière des résultats des élections européennes) .
3. Conseil
A partir de 2009, la majorité qualifiée sera obtenue au Conseil des
ministres si elle représente la majorité simple des Etats, pour autant
qu’ils représentent 60 % de la population de l’Union (voir plus loin).
Cette disposition remplacera le calcul très compliqué adopté par le
Traité de Nice en matière de pondération des voix. Certains pays,
notamment l’Espagne et la Pologne pour lesquels les dispositions de
Nice étaient particulièrement favorables, craignent cette modification
de l’équilibre des pouvoirs et entendent réouvrir ce débat à la
Conférence intergouvernementale.
4. Majorité qualifiée et pondération des voix
Le compromis sur les modalités de calcul de la majorité qualifiée et du
recours à ce vote prévoit un processus en plusieurs temps :
- Maintien des
dispositions de Nice sur la pondération des voix jusqu’en 2009 (72,27%
des voix et 62% de la population)
- Passage le 1er
novembre 2009 à la double majorité des Etats membres (50%) et de la
population (60%) sauf si le Conseil européen en décide autrement à la
majorité qualifiée (sur la base de la pondération des voix décidée à
Nice) et prolonge de trois ans, au maximum, les dispositions de Nice
- Dans ce dernier cas,
abandon le 1er novembre 2012 au plus tard de la pondération des voix,
la double majorité devenant alors la règle.
Parallèlement, le texte devrait prévoir dans la Partie III sur les
politiques le recours à une majorité super-qualifiée, rassemblant les
2/3 des Etats membres et 80% de la population pour certains sujets où
l’on veut sortir de l’unanimité mais où le fait de passer de
l’unanimité à 60%, aurait représenté une transition trop brusque. Cette
majorité super qualifiée existe déjà dans les traités actuels pour les
actes du Conseil ne résultant pas d’une proposition de la Commission.
Elle garantit en même temps qu’un pays seul ne puisse bloquer la
législation car aucun ne rassemble ce seuil.
Le projet d’articles comporte également une clause évolutive qui
permettre au Conseil européen de décider, à l’unanimité, de transférer
les matières actuellement adoptées selon la règle de l’unanimité, dans
le champ des procédures normales de l’Union (cette disposition existe
dans les traités actuels pour certains domaines comme celui de l’asile
et de l’immigration). Ce cas est notamment prévu pour la politique
étrangère (sauf pour quelques domaines précis) où le traité pourrait
prévoir la possibilité de passer de l’unanimité à la majorité
super-qualifié puis à la majorité qualifiée.