Décision n° 2001-454 DC - 17 janvier 2002

 

 

- Quant au IV de l'article L. 4424-2 :

 

18. Considérant qu'aux termes du IV du nouvel article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales : " Lorsque l'Assemblée de Corse estime que les dispositions législatives en vigueur ou en cours d'élaboration présentent, pour l'exercice des compétences de la collectivité territoriale, des difficultés d'application liées aux spécificités de l'île, elle peut demander au Gouvernement que le législateur lui ouvre la possibilité de procéder à des expérimentations comportant le cas échéant des dérogations aux règles en vigueur, en vue de l'adoption ultérieure par le Parlement de dispositions législatives appropriées. - La demande prévue à l'alinéa précédent est faite par délibération motivée de l'Assemblée de Corse, prise à l'initiative du conseil exécutif ou de l'Assemblée de Corse après rapport de ce conseil. Elle est transmise par le président du conseil exécutif au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans la collectivité territoriale de Corse. - La loi fixe la nature et la portée de ces expérimentations, ainsi que les cas, conditions et délai dans lesquels la collectivité territoriale pourra faire application de ces dispositions. Elle fixe également les modalités d'information du Parlement sur leur mise en oeuvre. L'évaluation continue de cette expérimentation est confiée, dans chaque assemblée, à une commission composée à la représentation proportionnelle des groupes. Cette commission présente des rapports d'évaluation qui peuvent conduire le législateur à mettre fin à l'expérimentation avant le terme prévu. - Les mesures prises à titre expérimental par la collectivité territoriale de Corse cessent de produire leur effet au terme du délai fixé si le Parlement, au vu du rapport d'évaluation qui lui est fourni, n'a pas procédé à leur adoption " ;

 

19. Considérant que, pour les auteurs des deux saisines, ces dispositions attribueraient à la collectivité territoriale de Corse des compétences ressortissant au domaine de la loi ; que seraient ainsi méconnus le principe de la souveraineté nationale et les articles 3 et 34 de la Constitution ; qu'en habilitant une collectivité territoriale à exercer le pouvoir législatif, le législateur déléguerait sa compétence dans un cas non prévu par la Constitution ; qu'il serait en outre porté atteinte, pour les auteurs des deux saisines, à l'égalité devant la loi et à l'indivisibilité de la République ; que les sénateurs requérants ajoutent que la procédure contestée méconnaîtrait le droit d'initiative attribué aux membres du Parlement par l'article 39 de la Constitution ; qu'ils lui font enfin grief de confier à une commission parlementaire autre que les commissions permanentes prévues à l'article 43 de la Constitution " l'évaluation continue " des mesures prises à titre expérimental par la collectivité territoriale de Corse en application des dispositions critiquées ;

 

20. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la Constitution : " La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. Aucune section du peuple ne peut s'en attribuer l'exercice " ; qu'en vertu du premier alinéa de son article 34 : " La loi est votée par le Parlement " ; qu'en dehors des cas prévus par la Constitution, il n'appartient qu'au Parlement de prendre des mesures relevant du domaine de la loi ; qu'en particulier, en application de l'article 38, seul le Gouvernement " peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi " ; que le législateur ne saurait déléguer sa compétence dans un cas non prévu par la Constitution ;

 

21. Considérant, en l'espèce, qu'en ouvrant au législateur, fût-ce à titre expérimental, dérogatoire et limité dans le temps, la possibilité d'autoriser la collectivité territoriale de Corse à prendre des mesures relevant du domaine de la loi, la loi déférée est intervenue dans un domaine qui ne relève que de la Constitution ; qu'il y a lieu, dès lors, de déclarer contraire à la Constitution le IV du nouvel article L. 4424-2 du code général des collectivités territoriales, dont les dispositions constituent un ensemble indivisible ; que, par voie de conséquence, doivent être également déclarés contraires à la Constitution les mots " et du IV " figurant à l'article 2 de la loi déférée ;