- Quant au IV de l'article L. 4424-2 :
18. Considérant qu'aux termes du IV du
nouvel article L. 4424-2 du code général des collectivités
territoriales : " Lorsque l'Assemblée de Corse estime que les
dispositions législatives en vigueur ou en cours d'élaboration
présentent, pour l'exercice des compétences de la
collectivité territoriale, des difficultés d'application
liées aux spécificités de l'île, elle peut demander
au Gouvernement que le législateur lui ouvre la possibilité de
procéder à des expérimentations comportant le cas
échéant des dérogations aux règles en vigueur, en
vue de l'adoption ultérieure par le Parlement de dispositions
législatives appropriées. - La demande prévue à
l'alinéa précédent est faite par délibération
motivée de l'Assemblée de Corse, prise à l'initiative du
conseil exécutif ou de l'Assemblée de Corse après rapport
de ce conseil. Elle est transmise par le président du conseil
exécutif au Premier ministre et au représentant de l'Etat dans la
collectivité territoriale de Corse. - La loi fixe la nature et la
portée de ces expérimentations, ainsi que les cas, conditions et
délai dans lesquels la collectivité territoriale pourra faire
application de ces dispositions. Elle fixe également les
modalités d'information du Parlement sur leur mise en oeuvre.
L'évaluation continue de cette expérimentation est
confiée, dans chaque assemblée, à une commission
composée à la représentation proportionnelle des groupes.
Cette commission présente des rapports d'évaluation qui peuvent
conduire le législateur à mettre fin à
l'expérimentation avant le terme prévu. - Les mesures prises
à titre expérimental par la collectivité territoriale de
Corse cessent de produire leur effet au terme du délai fixé si le
Parlement, au vu du rapport d'évaluation qui lui est fourni, n'a pas
procédé à leur adoption " ;
19. Considérant que, pour les auteurs
des deux saisines, ces dispositions attribueraient à la
collectivité territoriale de Corse des compétences ressortissant
au domaine de la loi ; que seraient ainsi méconnus le principe de la
souveraineté nationale et les articles 3 et 34 de la Constitution ;
qu'en habilitant une collectivité territoriale à exercer le
pouvoir législatif, le législateur déléguerait sa
compétence dans un cas non prévu par la Constitution ; qu'il
serait en outre porté atteinte, pour les auteurs des deux saisines,
à l'égalité devant la loi et à
l'indivisibilité de la République ; que les sénateurs
requérants ajoutent que la procédure contestée
méconnaîtrait le droit d'initiative attribué aux membres du
Parlement par l'article 39 de la Constitution ; qu'ils lui font enfin grief de
confier à une commission parlementaire autre que les commissions
permanentes prévues à l'article 43 de la Constitution "
l'évaluation continue " des mesures prises à titre
expérimental par la collectivité territoriale de Corse en
application des dispositions critiquées ;
20. Considérant qu'aux termes de
l'article 3 de la Constitution : " La souveraineté nationale
appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie
du référendum. Aucune section du peuple ne peut s'en attribuer
l'exercice " ; qu'en vertu du premier alinéa de son article 34 :
" La loi est votée par le Parlement " ; qu'en dehors des cas
prévus par la Constitution, il n'appartient qu'au Parlement de prendre
des mesures relevant du domaine de la loi ; qu'en particulier, en application
de l'article 38, seul le Gouvernement " peut, pour l'exécution de
son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances,
pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du
domaine de la loi " ; que le législateur ne saurait
déléguer sa compétence dans un cas non prévu par la
Constitution ;
21. Considérant, en l'espèce,
qu'en ouvrant au législateur, fût-ce à titre
expérimental, dérogatoire et limité dans le temps, la possibilité
d'autoriser la collectivité territoriale de Corse à prendre des
mesures relevant du domaine de la loi, la loi déférée est
intervenue dans un domaine qui ne relève que de la Constitution ; qu'il
y a lieu, dès lors, de déclarer contraire à la Constitution
le IV du nouvel article L. 4424-2 du code général des
collectivités territoriales, dont les dispositions constituent un
ensemble indivisible ; que, par voie de conséquence, doivent être
également déclarés contraires à la Constitution les
mots " et du IV " figurant à l'article 2 de la loi
déférée ;